MONTRÉAL — La jeune entreprise québécoise Exterra Solutions Carbone et le géant allemand de la chimie BASF comptent s’associer pour capter le CO2 de l’industrie lourde au Québec et le transformer en roches.
Exterra Solutions Carbone et BASF ont annoncé lundi avoir conclu un protocole d’entente qui vise à déployer un projet de captage et stockage du carbone à échelle commerciale au Québec.
Les deux entreprises souhaitent «accélérer la décarbonisation» d’industries dans lesquelles la réduction des émissions de GES est particulièrement compliquée, comme les cimenteries, les usines de pâtes et papiers ou encore les aciéries.
BASF possède déjà une technologie de captage de dioxyde de carbone (CO2), qu’elle utilise depuis quelques mois dans le projet pilote d’une usine de Springfield en Ohio.
C’est cette technologie, appelée OASE Blue, qu’elle veut déployer au Québec pour capter le CO2 des grandes industries.
«Si une usine émet un million de tonnes de CO2 par année, notre système est capable de capter 90 % du CO2 de l’usine», a indiqué Julien Thibeault, directeur principal du développement commercial pour l’est du Canada chez BASF.
Dans le partenariat envisagé par BASF et Exterra, BASF fournit la technologie pour capter le CO2 et la jeune pousse Exterra procure le procédé qui permet de transformer le gaz en roches.
Utiliser des déchets miniers pour piéger le CO2
La carbonisation minérale est un processus naturel dans lequel le dioxyde de carbone réagit avec certains minéraux et forme des carbonates, donc des roches.
Mais dans la nature, la carbonisation minérale se produit sur «plusieurs dizaines de milliers d’années», alors que «notre technologie permet de reproduire ce procédé en moins de quatre heures», a expliqué Olivier Dufresne, cofondateur d’Exterra Solutions Carbone.
«On forme des roches stables et inertes qui gardent le CO2 sous forme rocheuse pendant des millions d’années», a précisé le jeune entrepreneur de 30 ans à La Presse Canadienne.
La technologie qu’Exterra a développée permettrait de piéger le dioxyde de carbone dans des déchets issus de l’exploitation minière.
«Pour nos premiers projets, on utiliserait les résidus miniers d’amiante» provenant de Val-des-Sources, a expliqué l’ingénieur minier de formation.
Dans les plans de BASF et Exterra, la capture et le stockage du carbone s’effectueraient sur le lieu même où le CO2 est émis, à la cimenterie ou l’aciérie, par exemple.
Les carbonates pourraient ensuite être utilisés pour «remplir des trous» dans le cadre de restauration d’anciens sites miniers.
Ces roches pourraient aussi avoir une «valeur commerciale», selon Olivier Dufresne.
«On vise à les utiliser dans des matériaux de construction, comme matériel de remplissage dans le béton ou dans des murs de gypse», a précisé le cofondateur d’Exterra.
Les deux entreprises souhaitent que leur partenariat trouve une application concrète sur le terrain dans les prochaines années.
«On est en discussion avec de gros émetteurs, mais, pour l’instant, on est vraiment à l’étape de combiner nos technologies pour avoir une offre qui est mieux adaptée aux milieux industriels au Québec», a résumé Julien Thibeault.
Pas de risque de fuite
Le directeur principal du développement commercial pour l’est du Canada chez BASF a précisé que le géant allemand avait choisi de travailler avec la jeune entreprise québécoise, notamment parce que son procédé ne présente pas de risque de fuite de CO2 dans l’atmosphère, contrairement à certaines technologies de séquestration du carbone qui consistent à enfouir le CO2 dans le sol sous forme de gaz.
«Le CO2, lorsqu’il est minéralisé, il est solide, donc il ne peut pas retourner dans l’atmosphère», a également indiqué le professeur à l’INRS Bernard Giroux, expert en géophysique, en entrevue avec La Presse Canadienne.
Certains opposants à la séquestration et au stockage du carbone soutiennent que ce genre de technologie peut nuire aux efforts de diminution des gaz à effet de serre (GES).
Si une technologie permet de capter les GES, pourquoi alors tenter de modifier nos comportements?
À cette question, Bernard Giroux répond qu’il n’est pas «tout à fait d’accord avec cette idée, car il y a un coût important» associé à la capture et au stockage du carbone.
«On ne peut pas compter là-dessus pour résoudre le problème du réchauffement climatique, mais ça demeure intéressant pour des applications industrielles spécifiques qui peuvent difficilement réduire leurs émissions.»
Par exemple, a indiqué le professeur, il est impossible de fabriquer du ciment sans libérer du CO2.
«Dans le coût de fabrication du ciment, est-ce qu’on va être prêt à payer le coût du stockage et de la séquestration du CO2?», a demandé M. Giroux.
La séquestration du CO2 «est une question d’argent beaucoup plus que de risques ou de maturité technologique», selon lui.