Beaucoup moins de Québécois changent d’adresse le 1er juillet, selon les déménageurs

Sébastien Auger, La Presse Canadienne
Beaucoup moins de Québécois changent d’adresse le 1er juillet, selon les déménageurs

MONTRÉAL — Au Québec, le 1er juillet est traditionnellement la journée officielle du déménagement.

Mais cette coutume est en voie de disparition, particulièrement à Montréal. De plus en plus de gens choisissent maintenant de changer d’adresse à une autre date, constatent les entreprises de déménagement.

Pierre-Olivier Cyr, copropriétaire du Clan Panneton, n’a jamais vu un tel étalement.

«À Montréal, le 1er juillet sera passablement tranquille, mais toutes les journées autour de cette date, deux semaines avant et deux semaines après, sont « bookées ». Quand je regarde mon tableau, je n’ai pas de courbe le 1er juillet où j’ai besoin de 300 déménageurs parce que c’est la folie furieuse. Bien au contraire. La courbe est plate, mais elle est beaucoup plus haute que ce qu’elle était. Je n’ai pas mon « peak » du 1er juillet», a-t-il affirmé en entrevue à La Presse Canadienne.

Selon lui, les «rénovictions» seraient la principale cause de ce nouveau phénomène.

«Cette année, il y a une particularité: on n’a jamais rempli autant de demandes à la Régie du logement pour des évictions. Ça représente 40 % des déménagements. C’était très calme jusqu’en mars-avril, j’étais à quelque 200 déménagements de moins. Tout d’un coup, ça s’est mis à décoller, et là je suis rendu à une cinquantaine de plus.

«Puisqu’il y a énormément de déménagements payés par les propriétaires et qu’ils ne veulent pas payer la tarification du 1er juillet, ils trouvent des ententes avec leurs locataires pour qu’ils déménagent une semaine ou deux avant ou après. Il y a donc un « boom » en ce moment parce qu’il y a des ententes de dernière minute.»

En 2023, l’entreprise qui mène ses activités à Québec et à Montréal avait calculé une baisse importante de 30 % de la demande par rapport à l’année précédente. Les affaires sont bien meilleures en 2024.

«Il y a eu un « boom » avec la réduction des taux d’intérêt. J’ai l’impression que la folie est en train de repartir. Je suis content pour cette année, se réjouit M. Cyr. À Montréal, ça fait longtemps que les dates du 20, 21, 22, 23, 24 juin sont remplies à 100 %. Et ce n’est pas à cause des taux puisque ce sont seulement des appartements.»

Les consommateurs en sortent aussi gagnants, car le prix d’un déménagement est fixé en fonction du principe de l’offre et de la demande.

«Quand arrive la période de pointe, il faut louer des camions supplémentaires et payer pour des agences de placement, alors on refile indirectement la facture aux consommateurs. C’est pour ça que c’est plus cher le 1er juillet. Cette année, comme la demande est étalée, on a pu réussir à contrôler nos coûts pour le 1er juillet, surtout à Montréal. C’est gagnant pour les consommateurs puisque ça leur coûte moins cher en fin de compte», souligne M. Cyr.

Il précise cependant que «c’est une tout autre histoire ailleurs au Québec parce qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre partout sauf à Montréal».

Une idée révolue?

Le copropriétaire du Clan Panneton espère que cette tendance perdurera et qu’elle s’étendra à l’ensemble de la province.

«Je dois avouer que mon souhait est qu’on réussisse à garder cette tendance et à l’étirer encore plus. Si on réussit à étendre de plus en plus les déménagements, ça va être moins le chaos le 1er juillet. Ça risque d’être beaucoup plus facile cette année. Et j’espère que ça va continuer de se stabiliser dans les prochaines années.»

Il considère que «c’est une idée révolue» en 2024 de déménager systématiquement le 1er juillet.

«Si la crise du logement a changé les habitudes des gens au niveau du déménagement, c’est au moins quelque chose de bien. L’adaptation est un côté positif pour les clients.»

Valérie Saint-Amour, qui dirige Déménagement Puissance, dresse le même constat que Pierre-Olivier Cyr.

«Je suis née dans le déménagement, alors je sais comment ça fonctionne. Le 1er juillet n’est vraiment plus comme avant. Normalement, les jours avant le 1er juillet sont déjà « bookés » depuis le mois de mars, mais j’ai encore de la place cette année. Et c’est tranquille pour le 2 juillet, alors qu’on a habituellement beaucoup d’ouvrage», indique-t-elle.

Comme son confrère, Mme Saint-Amour a observé un plus long échelonnement des commandes.

«Le « rush » dure tout le mois, mais c’est plus espacé qu’avant. La bonne nouvelle, c’est qu’on a de l’ouvrage toute l’année, mais c’est distancé.»

Un creux historique

Globalement, elle a noté qu’«il y a vraiment moins d’achalandage qu’avant» et que «les gens ne déménagent plus à cause de la crise du logement».

«Aujourd’hui, les gens ne veulent plus déménager. Avec la crise du logement, avant de déménager, ils vont y réfléchir à deux fois», renchérit M. Cyr.

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) confirme leurs propos: jamais le nombre de déménagements n’a été aussi faible. En 2023, quelque 658 000 personnes ont changé d’adresse, soit 7,8 % de la population de la province.

En comparaison, ce taux était de 10,3 % il y a à peine quatre ans. Il s’agissait alors d’un creux historique.

«La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), lors de son enquête locative, calcule le taux de roulement des locataires. Celui-ci est en baisse depuis quelques années et est maintenant très faible, indiquant que peu de locataires déménagent en ce moment. Le manque de logements sur le marché et les prix élevés des loyers aident à expliquer ce phénomène», soutient le porte-parole de la SCHL, David Harris.

En atteignant 1,3 %, le taux d’inoccupation au Québec est le plus bas en 20 ans. Quant au loyer moyen, il a augmenté de 17 % en deux ans. Dans la dernière année, l’augmentation des loyers a dépassé à la fois l’inflation et la progression des salaires, rapporte la SCHL.

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