Caribou: les Innus de Pessamit préparent une mise en demeure contre le gouvernement

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Caribou: les Innus de Pessamit préparent une mise en demeure contre le gouvernement

MONTRÉAL — Le Conseil des Innus de Pessamit a mandaté ses conseillers juridiques afin de préparer une mise en demeure au gouvernement du Québec pour qu’il protège le caribou. À défaut d’une réponse satisfaisante, le Conseil ira de l’avant avec un recours judiciaire.

C’est ce qu’a indiqué le chef du Conseil des Innus de Pessamit, Jean-Marie Vollant, mercredi, après la visite des membres de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards dans sa communauté.

Le chef demande une rencontre dans les plus brefs délais avec le gouvernement afin d’inscrire immédiatement le projet d’aires protégées dans le secteur du lac Pipmuacan pour empêcher notamment l’industrie forestière de décimer le cheptel de caribou de la région.

«En tout respect pour les membres de la commission, l’heure n’est plus aux discussions, mais à  l’action. Il y a une réelle urgence d’agir pour la protection du Nitassinan et de Minashkuau-atiku, un animal sacré pour le peuple innu», a précisé Jean-Marie Vollant.

«C’est une question de jours avant que la mise en demeure soit déposée», a précisé Jérôme Bacon St-Onge, vice-chef du Conseil des Innus de Pessamit.

Une commission controversée: «les dés sont pipés»

La Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards a entamé ce printemps une série d’audiences publiques régionales et elle s’est terminée mardi à Baie-Comeau.

Le Conseil des Innus de Pessamit a toutefois rencontré les commissaires mercredi lors d’une audience spéciale, mais comme l’a souligné Ghislain Picard, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, les Innus n’accordent aucune crédibilité à cette commission.

«Initialement, Pessamit n’était pas dans l’itinéraire de la commission», a souligné le chef Picard, en précisant qu’il n’était pas prévu que les commissaires rencontrent des groupes autochtones.

En conférence de presse, Ghislain Picard a dit avoir constaté que «dans les groupes consultés, il y a un groupe environnemental pour trois groupes représentant les forestières», ce qui lui fait dire que «les dés sont un peu pipés, même beaucoup pipés».

Les commissaires ont sondé l’opinion des participants sur deux scénarios théoriques «de gestion adaptée de l’habitat des caribous». La commission est dirigée par Nancy Gélinas – une experte en économie forestière -, mais ne comprend aucun expert du caribou, ce que déplorent les groupes environnementaux.

 Le projet d’aire protégée

En  novembre 2020, le Conseil des Innus de Pessamit a présenté au gouvernement le projet d’aire protégée Pipmuakan sur un territoire de 2761 km carrés, à environ 150 km au nord-est de la ville de Saguenay. 

Ce projet vise à protéger «les derniers massifs de forêt intacts dans le secteur afin d’y préserver la culture et le patrimoine innus, ainsi que l’habitat du caribou forestier».

Mais ce territoire ne faisait pas partie des 10 nouvelles aires protégées annoncées en février dernier par le gouvernement du Québec.

Le Conseil des Innus dit avoir interpellé à plusieurs reprises le gouvernement depuis le dépôt du projet, mais sans succès.  

Protéger le caribou et faire un pas vers la réconciliation

La désignation d’aires protégées permettrait de sauver le caribou forestier, mais aussi d’effectuer un premier pas vers la réconciliation entre les peuples, selon le Conseil des Innus de Pessamit.

Alors qu’il témoignait devant les commissaires mercredi matin, Jean-Luc Kanapé, assistant à la recherche sur le caribou forestier dans le Pipmuacan pour le Conseil des Innus de Pessamit, a déclaré que si le caribou pouvait parler, il dirait: «aidez-moi».

Jean-Luc Kanapé a dénoncé l’industrie forestière, qui, selon ses observations, affecte notamment le territoire naturel servant à la mise bas des femelles.

Il a expliqué qu’au fil du temps, l’industrie forestière a enlevé une grande partie de la vieille forêt et l’a remplacée par des arbres plus jeunes, privant ainsi le caribou de son habitat et de sa nourriture. Également, les chemins forestiers favorisent le déplacement des prédateurs naturels du caribou comme le loup.

«Dans les années 90, quand on voyait une trace de loup, on était surpris», a expliqué Jean-Luc Kanapé, en ajoutant que «les nouvelles pousses de feuillus» attirent l’orignal, qui lui, attire le loup.

«C’est le caribou qui écope à la fin», a précisé M. Kanapé en ajoutant que pour le protéger, il faut créer des aires naturelles protégées.

De son côté, le vice-chef du Conseil des Innus de Pessamit, Jérôme Bacon St-Onge, a signalé aux commissaires que «notre population est mobilisée plus que jamais» pour protéger le caribou forestier.

«Le caribou est menacé. Il nous a permis de survivre pendant des millénaires, c’est à nous maintenant de le protéger», a indiqué Jérôme Bacon St-Onge, en rappelant que sa communauté a fait plusieurs efforts au fil des ans pour protéger l’espèce.

Le projet d’aires protégées «apporterait des retombés considérables pour notre communauté et permettrait au gouvernement d’effectuer un premier pas vers la réconciliation de nos peuples. Rappelez-vous de toutes les mesures d’assimilation qu’a subies notre peuple», a indiqué le vice-chef du Conseil des Innus de Pessamit.

Devant les commissaires, plusieurs Innus ont fait valoir que le caribou représentait une composante vitale de leur culture, et que son déclin représente une perte culturelle aux conséquences inestimables.

Le Conseil des Innus de Pessamit demande également au gouvernement «de respecter pleinement ses obligations à l’égard des droits de la Première Nation, dont le titre et les droits ancestraux sont protégés par la Constitution canadienne, ainsi  que les droits reconnus par la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones».

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