QUÉBEC — Le ministre de la Santé, Christian Dubé, choisit un «duo complémentaire» pour diriger Santé Québec. Issue du secteur privé, la gestionnaire Geneviève Biron prend la tête de la nouvelle société d’État, alors que Frédéric Abergel – qui était jusqu’à sa nomination PDG du CHUM – devient vice-président exécutif aux opérations et à la transformation.
Mme Biron est l’ancienne présidente et directrice générale de Biron Groupe Santé, fondé par son père, Denis Biron. Lundi, devant les journalistes, la «top gun» de Christian Dubé a indiqué ne pas être «gênée d’arriver du privé».
«J’ai 30 ans d’expérience dans des entreprises où le service à la clientèle et l’excellence opérationnelle, c’était au cœur des motivations. C’est avec ce regard-là que je souhaite arriver avec des idées innovantes», a dit la première présidente et cheffe de la direction (PCD) de Santé Québec.
Avec ses antécédents, pourrait-elle être ouverte à ce qu’il y ait plus de privé dans la santé au Québec? «Je suis vraiment concentrée sur le système public et ça va être ça ma priorité», a-t-elle répondu.
Mme Biron ne détient plus d’intérêt dans son entreprise familiale et a assuré qu’un «écran déontologique» serait mis en place.
«Cet écran prévoit qu’aucun échange ne soit possible relativement à tout dossier lié au domaine de la santé dans lequel sa famille ou son mari pourrait être impliqué sur le plan professionnel et qui pourrait avoir un lien avec Santé Québec ou les institutions ou organismes que Santé Québec chapeaute», peut-on lire dans le communiqué du gouvernement.
La PCD de Santé Québec s’est aussi engagée à faire preuve de transparence avec la population. «On va communiquer nos résultats et au travers de tout cela on va parler à la communauté journalistique», a-t-elle assuré.
«Exactement le duo qu’on voulait avoir»
Geneviève Biron a été nommée pour trois ans et son salaire annuel de base, établi à 567 000 $, sera majoré de 15 % (85 050 $) pendant les deux premières années de son mandat. Elle gagnera donc 652 050 $ par année pendant deux ans.
Christian Dubé a également annoncé la nomination de Frédéric Abergel comme vice-président exécutif aux opérations et à la transformation. M. Abergel était président-directeur général du Centre hospitalier de l’Université de Montréal depuis 2023. «Je pense qu’on a exactement le duo qu’on voulait avoir», a affirmé le ministre de la Santé.
L’agence Santé Québec a été instaurée en vertu du projet de loi 15 — adopté sous le bâillon en décembre dernier — par l’Assemblée nationale.
La dirigeante de Santé Québec sera la cheffe d’orchestre de l’entièreté du réseau de la santé et elle aura pour principal mandat de coordonner et d’évaluer la prestation de services de santé et de services sociaux de la nouvelle agence.
Mme Biron devra aussi s’assurer de la disponibilité des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles de Santé Québec.
«Le privé est désormais aux commandes»
Aussitôt nommée, aussitôt critiquée: Québec solidaire a dénoncé un «parti pris en faveur du privé en santé». «La nomination de Geneviève Biron a le mérite d’être claire: le privé est désormais aux commandes de notre réseau de santé. Le proverbial accueil veut qu’on laisse la chance au coureur, mais ce virage vers le privé me fait craindre le pire», a affirmé le député solidaire Vincent Marissal.
Le Parti québécois se dit lui aussi «préoccupé par la nomination d’une gestionnaire issue du secteur privé».
«Il nous apparaît clair que l’expansion du privé en santé affaiblit le système public et aggrave notamment la pénurie de personnel. Nous serons donc vigilants quant aux intentions à peine voilées de la CAQ d’accentuer encore le virage au privé au détriment du régime public», a indiqué le péquiste Joël Arseneau.
Le Parti libéral du Québec a, pour sa part, critiqué le fait que le ministre Dubé «n’a toujours pas réussi à faire la démonstration qu’une nouvelle agence, qui centralisera davantage les pouvoirs, aura un effet positif sur la qualité ou la disponibilité des soins aux patients».
«L’annonce en grande pompe effectuée aujourd’hui n’est qu’une démonstration additionnelle que le brassage de structures absorbe le temps et l’énergie du ministre, énergie qui devrait être consacrée à l’amélioration quotidienne et concrète des soins aux patients», a écrit le député libéral André Fortin dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne.