MONTRÉAL — Les membres du Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques (GEA) ont remis mardi matin un rapport au gouvernement de François Legault, dans lequel figurent 20 recommandations, soutenues par plus de 90 moyens, articulées autour de cinq axes stratégiques.
Parmi les dizaines de moyens qui permettront «un passage à l’action urgent», le comité nommé par le gouvernement à l’automne 2023 recommande d’accélérer la protection de 30 % des terres et des eaux, viser un objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2035, imposer un dédommagement lors de la destruction d’infrastructures naturelles, mettre en œuvre une stratégie nationale de corridors écologiques favorisant la connectivité des écosystèmes et assurer une mise à jour rapide du Code de construction du Québec.
Il faut faire de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques «un véritable chantier national» et pour y arriver, le gouvernement doit relever «le défi de la cohérence», a indiqué le coprésident du GEA, Alain Webster, lors d’un breffage technique pour les médias.
Il faut donc que «l’État soit cohérent et montre l’exemple» et s’assure que les ministères, les sociétés d’État, les entreprises et les municipalités intègrent les principes de l’adaptation aux changements climatiques.
Revêtir d’asphalte des terres agricoles en friche pour construire un stationnement de 1869 places afin de desservir un futur hôpital, comme l’a récemment fait Québec dans l’ouest de Montréal, plutôt que de construire un stationnement souterrain, «est un très bel exemple d’incohérence gouvernementale», a souligné le coprésident du groupe formé par le gouvernement Legault à l’automne 2023.
En revanche, l’initiative du gouvernement de refaire les cartes de zones inondables après les inondations des printemps 2017 et 2019, en collaboration avec des comités de scientifiques, les municipalités, des entreprises privées et différents ministères est un exemple de «cohérence gouvernementale», selon l’autre coprésident du GEA, Alain Bourque.
«On a fait un travail de cohérence et de synthèse qui va donner une nouvelle réglementation et de nouvelles cartes», a-t-il souligné.
Un scénario de 4,3 degrés dans le sud du Québec
Au-delà de la cohérence, s’adapter aux changements climatiques signifie également de prévoir les impacts des aléas du climat à court et à long terme. Le rapport du GEA souligne que selon le scénario actuel du réchauffement planétaire, si les États respectent leurs engagements, le climat mondial se réchaufferait de 2,8 degrés Celsius d’ici la fin du siècle.
Ce scénario se traduirait par une augmentation d’au moins 4,3 degrés dans le sud du Québec et d’au moins 6 degrés dans le nord de la province.
Il faut donc intégrer adéquatement ces données lorsqu’on aménage la forêt, lorsqu’on choisit d’investir dans certaines filières agricoles ou alors que l’on construit des infrastructures.
«Et lorsqu’on construit un barrage par exemple, il faut être encore plus prudent et prévoir que cette température pourrait être encore plus élevée», a expliqué Alain Webster.
Selon le rapport du GEA, si la croissance des GES continue, et que les États ne respectent pas leurs engagements, le Québec pourrait connaître une augmentation de 5,7 degrés dans le Sud d’ici la fin du siècle et de 7,6 degrés dans le Nord.
Ce scénario «change complètement la façon de faire des infrastructures», a prévenu M. Webster.
Cinq axes stratégiques
À l’automne 2023, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait annoncé la création d’un groupe d’experts dont le mandat est de conseiller le gouvernement sur l’adaptation aux changements climatiques.
Les 20 recommandations figurent dans un rapport de 71 pages intitulé «Agir dès aujourd’hui pour que le Québec s’adapte à la réalité des changements climatiques qui s’accélèrent».
Ces recommandations sont articulées autour de cinq axes stratégiques:
– Assurer une gestion préventive des écosystèmes naturels et des services écosystémiques;
– Protéger la santé, la sécurité et le bien-être de toutes et tous;
– Adapter les bâtiments et les infrastructures et assurer la résilience des systèmes essentiels;
– Favoriser l’adaptation des activités économiques et du système financier face aux risques;
– Soutenir la capacité d’adaptation et le passage à l’action de l’ensemble des acteurs.
«Sans des mesures d’adaptation adéquates, nous réagirons aux aléas climatiques en assumant des coûts des dommages et de la restauration toujours de plus en plus croissants en plus de fragiliser les écosystèmes, le bien-être humain, la santé et l’économie», peut-on lire dans le document transmis au gouvernement.
Un deuxième groupe d’experts
Le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques a été créé dans la foulée de la démission du spécialiste de l’énergie Pierre-Olivier Pineau d’un autre groupe d’experts, le Comité consultatif sur les changements climatiques.
M. Pineau avait démissionné du comité à l’été 2023 en dénonçant «une sorte de censure», un manque de vision et de transparence, des programmes inefficaces ainsi que l’absence de remise en question sur la façon dont les Québécois consomment l’énergie.
Le ministre de l’Environnement avait rejeté les critiques du professeur Pineau.
Le gouvernement avait également indiqué que les deux groupes d’experts seraient appelés à travailler ensemble et qu’il y aurait une cohérence «entre le comité consultatif et le groupe d’experts».