OTTAWA — Justin Trudeau n’est pas au bout de ses peines, alors que se tiendra mercredi une autre réunion de son caucus. D’autres députés réclament désormais la tenue d’un vote secret du caucus national sur le leadership de leur chef au moment où de nombreux ministres implorent les troupes de tourner la page.
«C’est un exercice qui vaut la peine d’être fait dans une institution démocratique comme celle-ci. Et je crois que ça rassemblerait tout le Parti libéral derrière une même idée, une même bataille (…) c’est-à-dire de battre Pierre Poilievre. (…) J’encourage vraiment que ça se passe», a déclaré, mardi, le député acadien René Arseneault à son arrivée au parlement.
Le député albertain George Chahal, qui a lui aussi été discret depuis le début de la remise en question du leadership de M. Trudeau, s’est également dit en faveur de l’idée.
«Je pense que la seule façon de savoir ce que ressentent les membres du caucus est de leur permettre de le faire, a-t-il dit. J’accepterai les résultats des membres du caucus.»
La députée de l’Outaouais, Sophie Chatel, a affirmé qu’elle constate «une demande grandissante de changement dans nos communautés».
«Une façon pour nous d’exprimer librement la voix de nos communautés, c’est vraiment un vote confidentiel», a-t-elle poursuivi dans son plaidoyer pour permettre au parti «d’avancer ensemble dans l’unité».
Ces députés ajoutent ainsi leur voix à celles du député néo-brunswickois Wayne Long, du Britanno-Colombien Patrick Weiler et de l’Ontarien Yvan Baker, qui ont tous pris la parole publiquement lundi avec la même requête.
Un ténor de cette révolte du caucus, le député de Charlottetown, Sean Casey, s’est dit convaincu mardi que M. Trudeau perdrait un tel vote. Et il n’y est pas allé de main morte pour critiquer ceux qui appuient le chef libéral.
«Je crois que ceux qui disent en public qu’ils préfèrent que le premier ministre continue dans son rôle, ils n’écoutent pas leurs commettants, a-t-il tranché. Je pense qu’un scrutin secret va leur permettre d’être la voix de leurs commettants ici sans crainte de répercussions.»
Bien qu’il soit difficile de mesurer l’enthousiasme chez les députés d’arrière-ban pour un vote secret, certains ont rejeté l’idée du revers de la main, mardi.
«Moi, je suis claire sur mon choix, donc je n’ai pas besoin d’un vote secret. J’ai toujours été très transparente. J’affirme justement être en soutien du leadership de notre premier ministre», a dit la Montréalaise Patricia Lattanzio.
M. Trudeau a clairement indiqué aux journalistes la semaine dernière qu’il est là pour rester, malgré des appels d’une vingtaine de députés qui lui donnaient jusqu’à lundi pour démissionner. Leur objectif était de lui permettre de réfléchir durant la fin de semaine aux discussions tendues ayant eu lieu au caucus de mercredi.
Les ministres ne veulent rien savoir
Les nombreux ministres fédéraux interrogés mardi n’ont, eux, démontré aucun appétit pour la tenue d’un tel scrutin au caucus national.
«Le premier ministre a été très clair: on passe à autre chose», a lancé le ministre de l’Emploi, Randy Boissonnault, premier à arriver à la réunion du caucus après M. Trudeau qui, lui, n’a pas dit un mot.
M. Boissonnault, qui assure être «très confiant» dans l’unité du caucus, estime que les députés insatisfaits ne devraient pas laver leur linge sale en public et que le vote ne peut de toute manière pas avoir lieu parce qu’«on n’a pas ce mécanisme».
Croyez-vous que vous gagneriez ce vote, s’est fait demander son collègue à l’Énergie et aux Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson. «Nous sommes unis et nous devons avoir le « focus » sur les enjeux que les Canadiens veulent», a-t-il répondu.
Le lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec, Jean-Yves Duclos, a lui aussi carrément refusé de dire s’il craint le résultat d’un vote secret. Et comment prouve-t-on sans vote secret la prétendue unité du caucus? «Parce que tout ça se discute au caucus national.»
Mardi, la coprésidente de la campagne libérale, la ministre québécoise Soraya Martinez-Ferrada, a plaidé que les militants libéraux ont voté une constitution qui ne permet pas au caucus de montrer la porte à leur chef. «C’est ça la démocratie à l’interne du parti», a-t-elle insisté.
D’autres ministres ont été plus succincts dans leurs commentaires. Le ministre de la Défense, Bill Blair, se contentant, par exemple, de répéter plusieurs fois qu’il appuie le leadership du premier ministre.
Le mécontentement à l’égard du leadership de M. Trudeau s’accroît depuis des mois alors que les intentions de vote des libéraux sont désastreuses et que la formation a encaissé coup sur coup des défaites lors d’élections partielles dans des bastions de longue date du parti.
— Avec des informations d’Émilie Bergeron