MONTRÉAL — La Communauté métropolitaine de Montréal reproche au gouvernement du Québec de n’avoir fait aucune des modifications à son programme d’indemnisation, annoncées à la suite des inondations dues à la tempête Debby. L’organisme qui regroupe 82 municipalités est monté au créneau jeudi après une entrevue, le matin même, du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, sur les ondes de Radio-Canada.
Le gouvernement de François Legault avait annoncé vendredi dernier, après les inondations des 9 et 10 août causées par la tempête Debby, avoir élargi le Programme général d’assistance financière lors de sinistres (PGAF). Ces modifications devaient permettre d’inclure les personnes ayant été inondées par des refoulements d’égouts lors de ces pluies diluviennes.
Cependant, en entrevue dans l’émission Tout un matin de Patrick Masbourian à Radio-Canada, le ministre a précisé que seules les personnes dans un cas de «causes mixtes», à savoir «un débordement d’une rivière ou d’un cours d’eau qui aurait mené à un refoulement d’égout», seraient indemnisables. «On ne va pas se substituer, remplacer les assureurs privés», a prévenu M. Bonnardel.
Or, la condition d’un débordement à proximité était déjà en place avant l’annonce du gouvernement, soutient la CMM. Si les victimes de refoulement d’égout habitant loin d’un cours d’eau ne sont pas incluses, martèle l’organisme, cela signifie qu’il n’y a pas eu de modification au programme.
Jeudi après-midi, un encadré en haut de la page d’information du PGAF stipulait que «dans le contexte particulier des pluies abondantes survenues les 9 et 10 août 2024, les personnes sinistrées qui sont dans l’incertitude concernant leur admissibilité au programme sont invitées à faire une demande d’aide financière».
Rien n’indique pour autant que les personnes ayant subi un refoulement dû aux pluies diluviennes apportées par Debby pourront bénéficier du programme.
Un peu plus bas, le site web du gouvernement indique que, selon les critères établis par le ministère de la Sécurité publique, pour les particuliers, «si l’eau pénètre dans le bâtiment par refoulement d’égout ou infiltration, à la suite d’une inondation, le sinistre sera admissible au programme». Cependant, un astérisque précise qu’il faut qu’il y ait eu «débordement d’un cours d’eau à proximité» pour que le refoulement d’égout soit considéré comme un sinistre admissible au PGAF.
Par ailleurs, une communication envoyée par le ministère de la Sécurité publique aux municipalités, et dont La Presse Canadienne a obtenu une capture d’écran, stipule que «si l’inondation est causée par un refoulement d’égout ou une infiltration d’eau sans débordement d’un cours d’eau à proximité, le sinistre ne sera pas couvert par le PGAF».
La CMM déplore la réponse du gouvernement, elle qui avait appelé Québec, mardi, à adapter son programme aux nouvelles réalités qu’impliquent les changements climatiques. Dans un communiqué, l’organisme demandait spécifiquement à ce que «les refoulements d’égout causés par le ruissellement urbain lors d’épisodes de pluie diluvienne» soient également couverts par le PGAF.
«Du ruissellement urbain, il y en a toujours eu, mais on est obligés d’admettre que le contexte du changement climatique va rendre ces événements-là plus fréquents et potentiellement plus sévères», explique Nicolas Milot, directeur par intérim de la transition écologique et de l’innovation à la CMM, à la tête de l’équipe de gestion des risques d’inondation.
L’expert ajoute qu’avec cette nouvelle réalité, «il n’y a plus nécessairement de cours d’eau impliqué, mais que l’inondation peut arriver pratiquement partout sur le territoire».
M. Milot se range de l’avis de ceux qui estiment que le PGAF a besoin de plus de modifications pour pouvoir répondre aux besoins qu’imposent le changement climatique et les catastrophes naturelles qui y sont liés. «Présentement, ce qui limite, ou qui ce qui donne des œillères au gouvernement dans sa définition de ce qui constitue une catastrophe naturelle, c’est le programme, détaille-t-il. Le programme définit un sinistre comme étant toute une série de choses. Quand on parle d’inondation, on parle de débordement de cours d’eau.»
L’expert de la CMM explique que le PGAF vient, historiquement, en complément des assurances privées qui ne prenaient souvent pas en charge les inondations liées à un débordement de cours d’eau. Le programme palliait un vide; cependant, il ajoute que la prise en charge des refoulements d’égouts par les polices d’assurance n’est pas forcément proportionnelle à l’importance des dégâts causés par des événements comme ceux du début du mois.
De plus, il soutient que les inondations liées à Debby ont aussi impacté des gens qui n’avaient jusqu’à présent jamais eu de problèmes d’inondations par le passé. «Clairement, on a là un événement exceptionnel qui a généré un risque que, dans le l’ordre normal des choses, on n’était pas habitué à voir, ajoute M. Milot. Donc il était très compréhensible que les citoyens n’aient pas pris cet avenant pour les inondations. Or les conséquences pour eux sont dramatiques.»
Le ministre avait assuré un peu plus tôt cette semaine, dans l’émission de Mario Dumont sur QUB radio: «On a eu un coup de pluie historique donc on a un examen à faire. (…) On doit changer nos façons de faire pour s’assurer de répondre aux changements climatiques.»
Interrogé sur les modifications exactes qui ont été apportées au PGAF et sur d’éventuels prochains ajustements, le ministère a réitéré, dans un courriel, «qu’il n’y aura pas de modification au programme par un décret au Conseil des ministres. La différence sera dans la manière d’analyser chaque cas particulier pour connaître les raisons des débordements afin de voir si le cas soumis est admissible ou non».
Le chef d’équipe des affaires publiques et des relations médias du MSP, Robert Maranda, a ensuite redirigé La Presse Canadienne vers le site du ministère pour y retrouver les exclusions actuelles au programme. Celles-ci représentent les sinistres causés par des infiltrations d’eau et des refoulements d’égout non causés par un débordement du cours d’eau à proximité, de même que des vents violents.
Dans sa réponse, M. Maranda a également communiqué une lettre adressée aux municipalités par le sous-ministre adjoint Jean Savard, dans laquelle celui-ci rappelle que le PGAF «ne se substitue pas aux contrats d’assurance des citoyens».