Déclin de 73% des populations d’animaux sauvages en 50 ans

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Déclin de 73% des populations d’animaux sauvages en 50 ans

MONTRÉAL — Les populations d’animaux sauvages ont diminué des trois quarts en 50 ans à cause de l’humain, selon le Rapport Planète vivante 2024, publié par le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui craint que l’on se rapproche de dangereux «points de bascule écologiques».

L’indice Planète vivante affiche désormais un déclin de 73 %. Il était de 68 % dans la précédente édition du rapport du WWF en 2022.

Cela signifie qu’au cours des 50 dernières années, la taille moyenne des populations d’animaux sauvages a diminué de 73 %.

La cause de ce déclin est l’activité humaine, qui dégrade ou détruit les habitats des espèces, selon le rapport du WWF publié jeudi.

Le rapport cite l’agriculture non durable, l’exploitation forestière, les transports et la fragmentation des rivières pour les espèces d’eau douce comme les principales activités qui sont responsables de cet effondrement de la biodiversité.

«Le changement climatique pourrait également bientôt en devenir la principale menace» et «la hausse des températures entraîne déjà des phénomènes de mortalité massive, ainsi que des extinctions d’espèces», peut-on également lire dans le rapport.

L’indice Planète vivante (IPV) est calculé en collaboration avec la Société zoologique de Londres (ZSL) et il est basé sur les tendances de près de 35 000 populations et 5495 espèces d’amphibiens, de mammifères, d’oiseaux, de poissons et de reptiles.

Au niveau régional, les déclins les plus rapides ont été observés en Amérique latine et dans les Caraïbes, où «une préoccupante baisse de 95 %» a été observée.

En Afrique, les populations d’animaux sauvages ont diminué de 76 % dans les cinq dernières décennies, alors que le déclin observé est de 60 % dans l’Asie-Pacifique.

En Amérique du Nord, la baisse est de 39 % et elle est de 35 % en Europe ainsi qu’en Asie centrale.

Le rapport précise toutefois qu’en Amérique du Nord et en Europe, «des impacts à grande échelle sur la nature étaient déjà visibles avant le début de l’index en 1970, ce qui explique pourquoi la tendance semble moins négative».

Points de bascule écologiques

En dégradant les habitats, les humains ne mettent pas seulement à risque les populations d’animaux sauvages, mais aussi des écosystèmes essentiels à la vie.

Le WWF fait état d’un «alarmant» déclin de la biodiversité qui nous rapproche aujourd’hui dangereusement de plusieurs points de bascule écologiques, «qui auront des effets dévastateurs sur les populations et la nature dans le monde entier».

Par «points de bascules écologiques», le rapport cite par exemple la disparition massive des récifs coralliens qui pourrait avoir pour conséquence de «détruire la pêcherie», mais aussi d’éliminer «la protection contre les tempêtes de centaines de millions de personnes vivant sur les côtes».

Un autre exemple de dangereux points de bascule serait la destruction de l’Amazonie qui pourrait éventuellement libérer «des tonnes de carbone dans l’atmosphère et perturberait les conditions météorologiques dans le monde entier».

«La nature émet un appel de détresse. Les crises liées à la perte de nature et du changement climatique poussent les espèces et les écosystèmes au-delà de leurs limites, avec des points de bascule mondiaux menaçant de dégrader des systèmes qui sont le fondement de notre vie sur Terre, et de déstabiliser des sociétés», a indiqué Kirsten Schuijt, directrice générale du WWF International, dans un communiqué.

Des transformations majeures sont nécessaires

La production alimentaire est l’un des principaux facteurs du déclin de la biodiversité et le rapport souligne qu’elle utilise 40 % de toutes les terres habitables et «qu’elle est la principale cause de perte d’habitat» des animaux.

Également, 82 % des terres agricoles sont utilisées pour nourrir du bétail plutôt que pour nourrir des humains.

L’utilisation de ces terres et la transformation de forêt en champs dédiés à la monoculture pour nourrir le bétail mettent en péril de nombreuses espèces.

«La perte d’habitat provoquée par l’agriculture constitue une menace pour plus de 80 % de toutes les espèces d’oiseaux et de mammifères terrestres», souligne le rapport.

La production alimentaire représente aussi 70 % de la consommation d’eau et elle est responsable de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, toujours selon le rapport.

«Le système alimentaire mondial est intrinsèquement illogique. Il détruit la biodiversité, épuise les ressources en eau de la planète et change le climat, mais ne fournit pas la nutrition dont les populations ont besoin», peut-on lire dans le rapport qui souligne que «735 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide».

Il faut donc favoriser des modes de production alimentaires durables, résilients et respectueux de la nature, notamment en «réorientant les subventions à l’agriculture et à la pêche nuisibles à l’environnement» vers des types de production agricole et de pêche respectueuse des écosystèmes.

Il faut également, selon les auteurs du rapport, «réduire les pertes et le gaspillage alimentaires, améliorer la consommation et maintenir la nourriture à un prix abordable pour tous».

Le document souligne que des transformations majeures s’imposent dans nos systèmes alimentaires, énergétiques et financiers, pour préserver «une planète vivante où les humains et la nature prospèrent».

Dix jours avant la COP

Le rapport du WWF est publié une dizaine de jours avant que les dirigeants du monde se réunissent à l’occasion de la 16e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP16), qui aura lieu en Colombie.

Le rapport «arrive à un moment charnière, où les leaders mondiaux se rassemblent à la COP16 pour mettre à jour leur progrès et leur plan visant à atteindre les objectifs du Cadre mondial pour la biodiversité signé à Montréal en 2022», a indiqué Megan Leslie, PDG du WWF-Canada, en ajoutant qu’il faut «renverser la perte de biodiversité avant qu’il ne soit trop tard».

L’accord Kunming-Montréal comporte quatre objectifs et 23 cibles, dont la protection de 30 % des aires terrestres et marines de la planète d’ici 2030.

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