Décret fédéral: Québec refuse de participer aux consultations sur le caribou

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Décret fédéral: Québec refuse de participer aux consultations sur le caribou

MONTRÉAL — Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, et la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, ont signifié au ministre fédéral Steven Guilbeault que le Québec ne participera pas aux rencontres de consultation entourant l’élaboration d’un éventuel décret d’urgence pour protéger le caribou.

Dans une missive de six pages envoyée mercredi, les ministres Charette et Blanchette Vézina réitèrent que le décret d’urgence annoncé il y a un mois par Ottawa représente une «décision unilatérale et illégitime du gouvernement fédéral, laquelle est rejetée catégoriquement par le Québec».

La démarche d’Ottawa «constitue un affront inqualifiable et s’inscrit en opposition au respect du partage des compétences constitutionnelles entre les ordres de gouvernement», selon les deux ministres.

Non seulement Québec ne participera pas aux consultations qui servent à préciser la portée du décret, mais «le gouvernement fédéral devra pleinement assumer les conséquences économiques et sociales de sa décision», font valoir les ministres.

Parmi ces conséquences, la province estime qu’il y aura «une perte d’un minimum de 2000 emplois, et ce, uniquement pour les zones provisoires projetées».

Ottawa «devrait ainsi porter l’odieux d’amener plus de 2000 familles dans la précarité», peut-on lire dans la lettre adressée à Steven Guilbeault.

Ces pertes d’emplois résulteraient de la baisse projetée de la possibilité forestière.

À l’échelle du Québec, le décret fédéral sur le caribou provoquerait une baisse de 4,1 % de la possibilité forestière, ce qui équivaut à 1,4 million de mètres cubes de bois par année, selon une analyse publiée la semaine dernière par le forestier en chef du Québec, Louis Pelletier.

«Ce n’est pas une cloche de verre»

Le fédéral compte plutôt imposer un décret à Québec afin de forcer la province à protéger les caribous dans trois zones de répartition: Val-d’Or, Charlevoix et Pipmuacan.

À Val-d’Or et Charlevoix, les caribous vivent en enclos à longueur d’année avec respectivement 9 et 30 individus et la harde de Pipmuacan compte moins de 300 bêtes.

La population de caribous est en déclin au Québec depuis plusieurs années et l’exploitation forestière est la principale cause de cette précarité, en raison notamment des chemins forestiers qui détruisent l’habitat et favorisent le déplacement des prédateurs naturels du caribou comme l’ours et le loup.

La Presse Canadienne a demandé à la ministre Maïté Blanchette Vézina s’il était possible de récolter le bois des forêts sans détruire l’habitat du caribou, la ministre a répondu ceci: «On mise sur un équilibre. On croit qu’on peut trouver cet équilibre-là. C’est ce qu’on fait avec les projets qui sont déposés en Gaspésie notamment, puis dans Charlevoix. Ce n’est pas une cloche de verre. C’est vraiment une volonté de oui, protéger l’habitat — d’ailleurs, on a déjà fermé plus de 650 km de chemins forestiers pour éviter la perturbation de l’espèce —, mais aussi continuer les activités économiques, parce qu’il y a plusieurs régions du Québec qui sont tournées vers l’industrie forestière».

En avril dernier, Québec a manifesté son intention d’investir 59,5 millions $ pour mettre en œuvre des projets de protection des caribous pour trois des 13 populations de caribous de la province.

Mais le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’attendait à ce que le gouvernement Legault dépose une stratégie de protection pour toutes les populations de caribou, comme convenu dans une entente de principe signée en août 2022 entre le fédéral et le provincial.

Selon l’entente, les mesures mises en place pourraient permettre «d’atteindre un pourcentage de 65 % d’habitat non perturbé» dans chacune des aires de répartition du caribou.

Malgré une succession d’annonces pour protéger l’espèce, Québec n’a pas présenté de stratégie qui permettrait d’atteindre cet objectif.

C’est l’une des raisons pour lesquelles le ministre Guilbeault compte imposer un décret. Une consultation de 60 jours qui a débuté à la fin juin doit mener à la version finale du futur décret.

À propos de l’objectif de protéger 65 % de l’habitat du caribou, la ministre Blanchette Vézina a indiqué que son gouvernement «est en action pour protéger l’espèce», mais «ce qu’il est important de comprendre, c’est que le fédéral, ce qu’il est en train de mettre en place, va avoir des impacts vraiment majeurs pour les régions du Québec, pour les employés des entreprises forestières».

Le fédéral va nuire à la décarbonation, selon Québec

Dans la lettre adressée à Steven Guilbeault, le ministre Charette et la ministre Blanchette Vézina écrivent que le décret du gouvernement fédéral va nuire au potentiel de développement énergétique du Québec, notamment au chapitre du développement de la filière éolienne.

En entrevue, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts a également fait valoir que «l’industrie forestière est une solution à l’adaptation au changement climatique, à la décarbonation de notre économie», car les produits du bois peuvent remplacer des matériaux de construction à plus forte intensité carbone comme l’acier.

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