Déménagement forcé: Legault est en train de faire l’unanimité contre lui

Émilie Bergeron et Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Déménagement forcé: Legault est en train de faire l’unanimité contre lui

OTTAWA — François Legault est en train de faire l’unanimité contre lui, autant à Québec qu’à Ottawa, avec son idée de forcer la moitié des 160 000 demandeurs d’asile présents au Québec à déménager dans d’autres provinces.

Non seulement le Parti québécois (PQ), Québec solidaire (QS) et le Parti libéral du Québec (PLQ) l’ont condamnée, mais également le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, tandis que le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a tenté de préciser les propos du premier ministre.

«Les notions de déménagements forcés et de zones d’attente ne sont pas des approches et des terminologies que le Bloc québécois peut accueillir avec aisance», a déclaré jeudi le chef bloquiste sur le réseau social X.

«On ne parle pas de police qui entre (chez des gens), qui sort des familles, il y a des dérapages, là», s’est défendu Jean-François Roberge, en mêlée de presse.

Un document fédéral stipule en outre qu’il n’y a pas de loi qui permette de forcer un demandeur d’asile à se réinstaller ailleurs au pays.

M. Blanchet a appelé Ottawa et Québec à avoir «une discussion raisonnable, responsable et de bonne foi».

Ce croc-en-jambe de M. Blanchet intervient alors que les signes de dissonance se multiplient entre le Bloc et le gouvernement caquiste depuis deux semaines.

Irrité par le manque d’écoute du gouvernement fédéral dans le dossier de l’immigration temporaire, M. Legault avait alors demandé à M. Blanchet d’appuyer une motion de censure des conservateurs pour renverser les libéraux minoritaires de Justin Trudeau, ouvrant ainsi la voie à des élections – dans un contexte où le Parti conservateur serait favori et de loin, selon les sondages, dans le reste du Canada.

Le chef du Bloc avait dû par la suite justifier son refus, alors qu’il est censé représenter la voix du Québec à Ottawa. M. Blanchet avait répliqué qu’il est «ni conservateur, ni libéral… ni caquiste».

Le gouvernement caquiste invoque que le Québec reçoit plus que sa proportion d’immigrants temporaires et que cet afflux impose une pression énorme sur les services publics, santé, éducation, petite enfance, mais aussi l’offre de logements.

Tir groupé des oppositions

À Québec, les trois partis d’opposition ont tous jugé irréaliste la position de M. Legault émise au cours de sa mission actuelle à Paris.

«C’est de la fabulation», a dénoncé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

«Demandez-lui: avez-vous une opinion juridique qui vous fait penser que la GRC va débarquer chez le monde puis les télétransporter en Saskatchewan le lendemain? Demandez-lui c’est quoi l’opinion juridique qu’il est allé chercher au soutien de ça? C’est à nouveau de l’improvisation grotesque d’un premier ministre qui nuit plutôt qu’il aide.»

Le PLQ n’a pas été plus tendre envers son adversaire caquiste. M. Legault «s’est laissé emporter», a jugé le chef libéral Marc Tanguay.

«C’est inacceptable. Et la solution qu’il prône serait inhumaine, de dire aux gens: on va vous déraciner puis on va vous envoyer ailleurs.»

Le député Alexandre Leduc, de QS, a rappelé que les demandeurs d’asile fuient la «misère» et le «danger», selon ses mots.

«J’aimerais ça qu’on arrête de présenter ça comme des chiffres, un peu comme M. Legault le fait parfois, puis on va juste tasser tel nombre de personnes à gauche, à droite. Un instant, ce sont des vrais humains avec des vrais parcours de vie.»

En mêlée de presse, M. Roberge a assuré que son gouvernement ne demande pas qu’Ottawa déplace par la force 80 000 nouveaux arrivants vers d’autres provinces.

Il soutient qu’une proportion d’entre eux est arrivée dans les derniers mois, n’a toujours pas de travail et ne parle pas français. Avec un permis de travail relocalisé dans une autre province, ces personnes pourraient bénéficier d’un meilleur filet social.

«On nomme des problèmes, on donne des pistes», a argué M. Roberge.

Questionné mercredi à savoir s’il lui serait possible d’obliger des provinces à accueillir des demandeurs d’asile d’accord pour être relocalisés, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, n’a pas voulu s’avancer.

Il a déploré l’approche de M. Legault, la jugeant «insensée, pas raisonnable», estimant que son propos pouvait même être vu comme étant «inhumain».

Dans un document du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le droit d’asile préparé par le gouvernement fédéral, on peut lire que la réinstallation des demandeurs d’asile dans d’autres provinces ou territoires du Canada devrait se faire de façon volontaire, «car il n’existe pas de pouvoir législatif pour forcer le transfert des demandeurs d’asile vers une autre province. Les demandeurs d’asile déplacés de force pourraient faire valoir leur droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte».

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires