MONTRÉAL — Des groupes autochtones, des comités citoyens et des experts miniers de toute l’Amérique du Nord participent à la conférence du Western Mining Action Network (WMAN), à Montréal jusqu’à dimanche, pour discuter des impacts sociaux et environnementaux de l’exploitation minière.
Georges Lameboy se décrit comme un homme qui passe «presque tout son temps à vivre une vie très simple dans la forêt» de sa communauté crie de Chisasibi, le lieu habité le plus au nord du Québec accessible par la route.
S’il a parcouru la route de 1500 km qui sépare Montréal et Chisasibi pour participer au Western Mining Action Network, c’est parce que la multiplication des claims miniers dans sa région l’inquiète.
«Je ne peux pas m’imaginer toute la destruction si jamais ces projets d’exploration venaient à devenir des mines», a-t-il confié vendredi matin.
Il craint les conséquences négatives de l’arrivée des mines sur le mode de vie traditionnel des Cris de sa région, un endroit qui n’est pas familier avec l’activité minière.
«Je suis ici parce que j’ai besoin d’information. Quels sont les effets des mines de lithium sur l’environnement? Des mines d’or? Des mines d’uranium?», a demandé l’homme de 75 ans.
«On veut permettre les échanges d’information entre différentes communautés qui sont situées à des centaines de kilomètres, voire des milliers de kilomètres, mais qui font face aux mêmes compagnies», a expliqué Rodrigue Turgeon, avocat et également coprésident du réseau Western Mining Action Network.
«Les compagnies minières tendent à s’implanter en faisant des campagnes de marketing et en disant que leurs projets seront vraiment les meilleurs qui soient pour les communautés, mais ces projets ont des conséquences», a expliqué l’avocat.
Malheureusement, a-t-il ajouté, «les gouvernements agissent comme des promoteurs des projets miniers», donc les communautés isolées ne peuvent pas compter sur eux pour «connaître l’envers du décor».
Il a ajouté que «des avocats, des experts en génie minier, des experts en stabilité des sols» et d’autres spécialistes participent à ces rencontres pour permettre aux communautés autochtones et aux autre citoyens de comprendre les enjeux inhérents à l’implantation d’une mine sur un territoire et de «partager de l’information cruciale».
L’un des objectifs de cette conférence est de «tenir les compagnies responsables, mais également d’exiger le consentement des communautés locales, qu’elles soient autochtones ou non, avant toute activité minière».
Le consentement des communautés est un sujet qui intéresse particulièrement Georges Lameboy, qui a expliqué que l’éventuelle exploitation de mines divise sa communauté.
Certaines personnes, selon lui, «utilisent des tactiques de peur» pour persuader les autres.
«À Chisasibi, des Cris disent à d’autres Cris que, si on n’accepte pas l’ouverture d’une mine, le gouvernement s’en mêlera et forcera son ouverture, mais c’est faux.»
Une décision qui oblige le gouvernement à consulter
Une décision de la Cour supérieure du Québec, rendue le 18 octobre dernier, a ouvert la porte à de multiples contestations des Premières Nations concernant les claims miniers.
La juge Chantal Masse a confirmé l’obligation de consulter les communautés autochtones avant d’octroyer des claims miniers, dans une décision qui opposait la Première Nation Mitchikanibikok Inik et Québec
«C’est un jugement qui marque la fin du « clic and claim » au Québec sur les territoires autochtones», selon l’avocat Marc Bishai, qui était invité à animer un atelier à la Conférence du Western Mining Action Network.
Le «click and claim» est «une partie importante du mode d’opération de l’industrie minière et permet de pouvoir librement accéder au territoire et commencer des opérations minières dès qu’on obtient un claim, en quelques minutes et pour quelques dizaines de dollars, sur internet».
Cette pratique a «vraiment connu un boom un peu partout au Québec» dans les dernières années, mais «l’espoir, c’est que les communautés pourront maintenant avoir un meilleur dialogue avec le gouvernement», a indiqué Me Bishai.
«C’est une transformation importante, donc ça peut prendre du temps à voir les effets en pratique, mais normalement, en droit, c’est déjà applicable», a fait valoir l’avocat du Centre québécois du droit de l’environnement.
Des impacts disproportionnés chez les Autochtones
Au Canada comme aux États-Unis, les gouvernements et l’industrie minière multiplient les investissements dans des projets d’extraction de minéraux critiques.
Très souvent, ces projets d’exploration et d’exploitation se trouvent dans des territoires traditionnels autochtones.
«Les nations autochtones font face de manière disproportionnée aux conséquences de l’activité minière en Amérique du Nord» et «c’est pourquoi on rassemble des gens qui viennent de ces territoires-là et aussi parce que l’information est parfois difficile à accéder dans ces communautés», a dit Marc Bishai.
Une récente revue de littérature dirigée par l’Université d’Helsinki et à laquelle l’Université McGill a participé conclut qu’en raison de la contamination de l’eau, les Autochtones d’Amérique ont été plus exposés aux déchets miniers que le reste de la population.
De façon générale, les Premières Nations d’Amérique du Nord subissent de manière disproportionnée les conséquences de la pollution minière, selon l’analyse publiée dans la revue «Integrated Environmental Assessment and Management».