MONTRÉAL — Le 24 juillet dernier, Environnement Canada a émis une «veille de tornade» pour la région de Lachute, au nord-ouest de Montréal, exhortant les citoyens à se mettre à l’abri. L’avertissement était exact: une tornade s’est effectivement abattue tout près de Lachute environ une heure plus tard.
Mais ce jour-là, trois autres tornades ont échappé aux prévisionnistes.
Dans les jours suivants, Environnement Canada a confirmé que des tornades s’étaient également formées le 24 juillet à Brossard et à Boucherville, sur la Rive-Sud de Montréal, ainsi qu’à Cap-Santé, à l’ouest de Québec. Aucune de ces tornades n’avait été précédée d’avertissements de l’agence, qui n’a émis que des «veilles d’orages violents».
Il est difficile de prédire où se formeront les tornades et les prévisionnistes du Canada n’ont pas un bilan exceptionnel: entre 2019 et 2021, seulement 23 % des tornades ont été précédées d’un avertissement, un pourcentage qui a légèrement augmenté pour atteindre 35 % en 2022, selon le «Northern Tornadoes Project», un groupe de recherche de l’Université Western de London, en Ontario.
Lorsqu’une tornade présumée touche le sol, les chercheurs du groupe se rendent sur place pour enquêter et partager leurs découvertes avec le gouvernement fédéral. David Sills, directeur du projet tornade, reconnaît qu’Environnement Canada a récemment amélioré son programme d’alerte. Mais il estime que l’agence devrait émettre davantage d’avertissements, même si les responsables ne sont pas toujours précis sur l’endroit où la tornade pourrait toucher le sol.
«La population perd confiance lorsqu’elle reçoit l’avertissement après les dégâts, ou lorsqu’elle ne reçoit aucun avertissement, a déclaré M. Sills dans une récente entrevue. C’est là que les gens perdent vraiment confiance dans le système.»
M. Sills affirme que le ministère Environnement et Changement climatique Canada devrait former ses prévisionnistes à évaluer plus rapidement les conditions météorologiques imprévisibles et à mieux utiliser les données générées par les images radar et satellite.
Système «En alerte»
Le gouvernement fédéral utilise diverses alertes spéciales pour informer le public des tornades. Les plus urgents sont les messages du système «En alerte», qui sont envoyés directement sur les téléphones cellulaires et interrompent les émissions de radio et de télévision.
Au cours des cinq dernières années, le nombre d’avertissements de tornade sur le système «En alerte» émis par le ministère de l’Environnement a fortement augmenté. En 2019, 85 alertes ont été émises; en 2023, ce nombre est passé à 674, avec 538 jusqu’à présent en 2024. Au Québec, il n’y avait eu que trois veilles de tornade en 2019, mais ce nombre est passé à 85 en 2023. Il y en a eu 41 jusqu’à présent cette année.
L’augmentation des avertissements ne signifie pas nécessairement qu’il y a eu davantage de tornades. Les membres du projet tornade et les responsables d’Environnement Canada affirment que ce bond est dû à un meilleur équipement de détection et à davantage d’enquêteurs.
M. Sills affirme aussi que la pression exercée par son groupe a conduit les responsables à diffuser davantage d’avertissements, même s’il estime qu’ils devraient en émettre encore plus. «L’envoi d’avertissements sur les téléphones portables a certainement sauvé des vies», avance-t-il.
En 2022 au Québec et en Ontario, 16 décès ont finalement été attribués à un «derecho» – une série de tempêtes de vent intenses et rapides –, a déclaré M. Sills. «Toutes ces personnes n’avaient pas pu s’écarter assez vite» de la trajectoire de la tornade.
Les messages du système «En alerte» sont automatiquement déclenchés en cas de tornade ou d’orage violent avec des vents supérieurs à 130 km/h ou lorsqu’au moins sept centimètres de grêle sont prévus.
Restreindre le périmètre des alertes
Joanne St-Cœur, directrice des services de prévision pour le Québec et l’Ontario au Service météorologique à Environnement Canada, souligne que «les tornades plus faibles sont plus difficiles à prévoir».
Mme St-Cœur affirme que l’agence a investi dans de nouveaux équipements radar en 2023 et dans une formation actualisée pour les météorologues, afin de mieux identifier les tornades et les orages violents. De plus, le ministère expérimente un modèle de prévision des tornades largement utilisé aux États-Unis.
Actuellement, Environnement Canada divise le territoire du pays en zones géographiques fixes pour émettre ses alertes, ce qui signifie que des gens qui vivent dans une ville peuvent recevoir une alerte si une tornade touche le sol dans une zone rurale très loin de chez eux.
Mme St-Cœur affirme que le ministère souhaite plutôt utiliser une forme de polygone plus flexible pour définir les limites d’une veille de tornade, ce qui rendra les avertissements plus précis. Le ministère, a-t-elle ajouté, prévoit également de déployer un système d’alerte à code couleur d’ici l’année prochaine afin de communiquer plus facilement à la population les niveaux de danger pour tous les événements météorologiques violents.
Et même s’il n’existe pas de preuve tangible que le nombre de tornades au Canada est en hausse, le groupe de M. Sills est certainement très occupé. Mardi, une équipe du «Northern Tornadoes Project» devait commencer à enquêter sur les dommages causés en fin de semaine par de possibles tornades au Québec, le long du fleuve Saint-Laurent, notamment dans les municipalités de Sorel-Tracy, Batiscan et Saint-Aimé-des-Lacs.