Des intervenants déplorent la politisation de la crise des surdoses en C.-B.

Brieanna Charlebois, La Presse Canadienne
Des intervenants déplorent la politisation de la crise des surdoses en C.-B.

VANCOUVER — De nombreux intervenants déplorent la politisation de plus en plus grande de la crise des surdoses au pays, notamment dans le contexte de l’actuelle campagne électorale en Colombie-Britannique.

La cheffe du Parti vert de la Colombrie-Britannique, Sonia Furstenau, accuse ses rivaux d’employer un discours déshumanisant envers les toxicomanes. L’ancienne coroner en chef de la province, Lisa Lapointe, a déjà déclaré que les intentions des principaux partis d’imposer des traitements obligatoires étaient irréalistes et n’étaient pas fondées sur la recherche scientifique.

Le chef du NPD David Eby a annoncé en septembre que la province ouvrirait des installations sécurisées afin de contraindre les gens souffrant d’une grave dépendance envers les drogues de subir des traitements obligatoires.

Moms Stops the Harm, un groupe qui veut mettre un terme à la stigmatisation liée à la consommation de drogue, a qualifié ce renversement de «ridicule». D’autres observateurs reprochent aux principaux partis politiques de traiter les toxicomanes comme des boucs émissaires.

«Imposer des traitements obligatoires est une réaction excessive, déplore DJ Larkin, de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues. On tente de trouver une solution simple à un problème nécessitant de nombreuses interventions.»

Autre ironie, constate DJ Larkin: on prône des traitements obligatoires alors qu’il manque des lits pour ceux qui veulent être soignés.

«La politisation est un désastre. Ce discours déplace la responsabilité de ce problème vers les consommateurs de drogue.»

DJ Larkin soutient que le recours à des sources sûres pour approvisionner les toxicomanes et la politique de décriminalisation n’ont pas été conçus de manière à devenir un succès.

«Nous nous retrouvons à un carrefour où la réduction des risques et la nouvelle politique sont tenues responsables de la crise actuelle sans preuve scientifique le démontrant. Ce n’est pas correct. Nous n’avons pas pris les bonnes mesures pour bien appuyer ces programmes et pour en récolter les fruits.»

En 2023, la Colombie-Britannique a enregistré 2551 décès liés à la consommation de drogue obtenue sur le marché noir.

Selon la police, des cargaisons de certaines des drogues que l’on peut obtenir par ordonnance, comme l’hydromorphone opioïde, sont parvenues entre les mains des trafiquants illégaux.

M. Eby a rejeté les propositions prônant un approvisionnement sûr pour les drogues non prescrites. En avril, il a annoncé que la consommation de la drogue dans les espaces publics, notamment les parcs, les transports collectifs et les hôpitaux, serait criminalisée de nouveau.

Le chef conservateur John Rustad a également promis de mettre en place un système de soins obligatoires dans des endroits sécurisés. Il a toutefois critiqué la stratégie de M. Eby, affirmant qu’elle privera certains patients d’un lit à l’hôpital.

«Nous devons plutôt accroître nos capacités.»

Leslie McBain, co-fondatrice du groupe Moms Stop the Harms, juge que la nouvelle position du chef du NPD sur le sujet n’est que «partisane». Elle a mentionné que son groupe n’avait pas été consulté sur la nouvelle politique.

«C’est ridicule parce que ceux qui consomment dans l’espace public n’ont pas d’autres endroits pour le faire. Il n’y a pas assez de logements, il n’y a pas assez d’endroits pour consommer sans risque une surdose.»

Selon Lisa Lapointe, même s’il est difficile de mesure l’efficacité de la décriminalisation, cette mesure n’a pas été un échec. Elle souligne que les données du bureau du coroner indiquent que le nombre de décès a diminué.

«Les dernières données publiées à la fin de juillet indiquent le plus faible taux de décès dans la province depuis 2020. C’est la période qui a suivi la décriminalisation. Le nombre de jeunes ayant péri a aussi diminué. C’est significatif», dit-elle.

Elle ajoute qu’il existe peu de preuves voulant que les traitements obligatoires soient efficaces. Il faut donc faire preuve de prudence avant d’y voir comme une «solution à un urgent problème de santé publique très complexe.»

Mme Lapointe craint un désastre si les autorités décident de privilégier les traitements obligatoires.

«Il y a déjà des listes d’attente pour les désintoxications, il y a déjà des listes d’attente pour les rétablissements. Si les gens n’ont pas accès aux traitements volontaires, comment allons-nous enfermer ceux qui n’en veulent pas ? Il n’y a aucune preuve que cela est efficace.»

Mais pour certains politiciens, l’accoutumance n’est pas qu’un problème de santé publique. Elle est source d’inquiétudes en matière de sécurité et de criminalité.

Le maire de Kelowna, en Colombie-Britannique, Tom Dyas, juge que le recours aux traitements obligatoires est «une nécessité».

Il a récemment rapporté lors d’un récent congrès de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique que le nombre de signalements de cas de surdose avait augmenté de 25 % en 2023 par rapport à l’année précédente.

«Laisser traîner dans nos rues ces individus souffrant de troubles psychiatriques et d’accoutumance n’est pas une preuve de compassion», dit-il.

Selon lui, la politisation du problème n’est pas intentionnelle.

«C’est la réalité à laquelle sont confrontées nos collectivités, à laquelle sont confrontés nos citoyens et nos commerces.»

DJ Larkin juge que les gens s’inquiètent parce qu’il y a plus de personnes errant dans les espaces publics.

«Le problème de l’itinérance est assimilé à celui de la consommation de drogue.»

Lisa Lapointe croit que l’ancienne approche était rationnelle, mais il n’y avait pas assez de médecins acceptant de prescrire les drogues

«Contrôler les drogues n’est pas une idée radicale. Il est irresponsable de laisser mourir des milliers de personnes sans intervenir. Réglementer, c’est faire preuve de bon sens.»

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