Des lacunes dans les soins de santé des femmes enceintes avec un handicap

Nicole Ireland, La Presse Canadienne
Des lacunes dans les soins de santé des femmes enceintes avec un handicap

TORONTO — Une femme enceinte sur huit en Ontario souffre d’un handicap, mais nombre d’entre elles sont confrontées à des obstacles sur l’accès aux soins, ainsi qu’à des attitudes irrespectueuses de la part des médecins et d’autres professionnels de la santé, selon un nouveau rapport.

L’autrice principale, Hilary Brown, de l’Institute for Clinical Evaluative Sciences de Toronto, affirme que les personnes handicapées ont été négligées dans les soins de santé reproductive en raison des hypothèses sociétales selon lesquelles elles n’ont pas de sexualité et n’auront pas d’enfants.

Les chercheurs ont examiné les dossiers de santé des femmes enceintes en Ontario entre 2010 et 2020, y compris les données de près de 150 000 naissances de bébés ayant une déficience physique, sensorielle ou de développement.

Ces données ont montré que les femmes handicapées étaient plus susceptibles de se rendre aux urgences ou d’être admises à l’hôpital pendant leur grossesse que les femmes non handicapées.

«(Ce que) les visites aux urgences pendant la grossesse nous disent généralement, c’est qu’il y a une sorte de lacune, vous savez, qui aurait pu être comblée avec le fournisseur de soins primaires ou l’obstétricien», a déclaré Mme Brown.

Les chercheurs ont également interrogé plus de 60 personnes handicapées ainsi que des professionnels de la santé.

Bien que beaucoup d’entre elles aient rapporté des expériences positives en matière de grossesse, les chercheurs ont également entendu «de nombreuses histoires de personnes confrontées à des attitudes plutôt négatives de la part des prestataires de soins de santé et de services sociaux à propos de leur grossesse», indique Mme Brown.

Certaines participantes handicapées ont dit aux chercheurs que les infirmières et les médecins pensaient qu’elles voulaient avorter lorsqu’elles demandaient des soins de grossesse, ou faisaient même des hypothèses négatives sur leurs futures capacités parentales.

D’autres participantes ont signalé un manque d’accessibilité dans les cabinets de médecins pour les personnes à mobilité réduite, ainsi qu’un manque d’interprétation en langue des signes pendant les périodes critiques telles que le travail et l’accouchement.

Des femmes ont aussi signalé un manque de compréhension de la part des professionnels de la santé concernant leur handicap, ce qu’elles sont capables de faire et les soins dont elles ont besoin.

«Si les femmes avaient des questions à propos de l’impact de leur handicap sur leur grossesse ou sur les effets de la grossesse sur la progression ou les symptômes liés à leur handicap, elles étaient souvent rencontrées par des prestataires qui ne savaient tout simplement pas où trouver ces informations», a déclaré Mme Brown.

Le rapport publié mardi appelle à davantage d’éducation et de formation sur le handicap pour les médecins, infirmières et autres prestataires de soins qui travaillent avec des femmes enceintes.

Il recommande également des changements dans le mode de financement des médecins pour leur permettre de passer plus de temps avec les patientes enceintes handicapées.

Celles-ci ont souvent besoin de plus de temps avec leur médecin et le médecin a besoin de plus de temps pour aider à organiser des soins et des aménagements supplémentaires pour leurs patientes, a souligné Mme Brown.

«De nombreux professionnels souhaitaient réellement fournir des soins plus complets, mais il leur était souvent assez difficile de le faire dans le cadre de la structure (honoraire) dont ils disposent actuellement.»

Manque de connaissances et de soutien

Wendy Porch, directrice générale du Centre for Independent Living de Toronto, qui faisait partie du comité consultatif pour le rapport, croit que la seule portion surprenante du rapport est que les lacunes dans les soins commencent tout juste à apparaître comme un problème important.

«Les parents handicapés existent depuis toujours. Nous ne sommes pas nouveaux, a-t-elle témoigné. Je pense qu’il y avait beaucoup de bonne volonté et beaucoup d’intérêt à me soutenir. Mais il n’y avait pas nécessairement beaucoup de connaissances liées à cela.»

Mme Porch est née sans une partie de son bras droit et une partie de sa main gauche. Son fils Jasper a maintenant 11 ans, mais tout au long de sa grossesse, elle a essayé d’obtenir des conseils de ses prestataires de soins de santé sur la façon de tenir et d’allaiter son bébé – mais ils n’ont pas pu l’aider.

«Je me suis sentie beaucoup plus handicapée au cours de ces premiers mois en tant que mère que pendant toute ma vie», a-t-elle relaté.

Les infirmières de l’hôpital qui surveillaient les nouvelles mamans alors qu’elles apprenaient à allaiter n’ont pas reconnu qu’elle avait des problèmes et l’ont renvoyée chez elle, a-t-elle ajouté.

Des années plus tard, même si la plupart des prestataires de soins de santé sont bien intentionnés, il n’y a toujours pas suffisamment de soutien pendant la grossesse et après l’accouchement pour les personnes handicapées, a-t-elle estimé.

«Franchement, je ne pense pas qu’il existe une formation adéquate pour un médecin, quel que soit son type, sur ce à quoi pourrait ressembler le soutien d’un parent handicapé», a-t-elle soutenu.

«Je pense que le rapport montre très clairement qu’il y a beaucoup de marge de croissance là-dedans.»

Le rapport sur la grossesse et le handicap a été coécrit par l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES), l’Université de Toronto Scarborough et le Centre de toxicomanie et de santé mentale.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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