Des lignes de piquetage d’employés du CN et du CPKC à travers le pays

Christopher Reynolds, La Presse Canadienne
Des lignes de piquetage d’employés du CN et du CPKC à travers le pays

MONTRÉAL — L’arrêt de travail de quelque 9300 employés du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) devrait être de courte durée.

Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a indiqué jeudi en fin de journée qu’il demandait au Conseil canadien des relations industrielles d’imposer un arbitrage définitif et exécutoire.

Il a également demandé au Conseil d’ordonner aux chemins de fer de reprendre leurs activités conformément aux modalités des conventions collectives actuelles jusqu’à ce que de nouvelles ententes soient conclues.

Les négociations entre les travailleurs et les deux plus grandes compagnies ferroviaires du pays avaient repris jeudi, après avoir été interrompues peu avant minuit, une date limite qui a entraîné dans un lock-out des employés des deux transporteurs dans leur tout premier arrêt de travail simultané.

Après des mois de négociations de plus en plus âpres, le trafic sur les chemins de fer de marchandises s’est arrêté au petit matin avec l’interruption des négociations contractuelles tard mercredi soir, menaçant de bouleverser les chaînes d’approvisionnement qui tentent de se remettre des perturbations liées à la pandémie et à une grève portuaire survenue l’année dernière.

Des employés d’Halifax à Vancouver ont formé des lignes de piquetage, et des travailleurs manifestaient également devant le siège social du CN au centre-ville de Montréal et le bureau principal du CPKC à Calgary.

«Ce n’est pas notre décision d’être dans la rue aujourd’hui, c’est la décision du Canadien National et du Canadien Pacifique de prendre la population canadienne, les travailleurs et les exportateurs en otage, et d’essayer d’imposer leurs lois et leurs vues», a tranché le président de Teamsters Canada, François Laporte, lorsque rencontré devant le siège social du CN, à Montréal.

Avant l’annonce du ministre MacKinnon, le syndicat de Teamsters Canada s’était opposé à la demande des compagnies d’un arbitrage exécutoire, disant croire qu’une résolution devait être trouvée à la table de négociations.

M. Laporte a mentionné que l’objectif du syndicat, lors des négociations actuelles, était d’offrir au personnel responsable d’exploiter les trains d’un océan à l’autre des conditions qui leur permettent de le faire de façon sécuritaire.

«On ne veut pas vivre un deuxième Lac-Mégantic», a-t-il résumé, faisant référence à la tragédie qui a coûté la vie à 47 personnes le 6 juillet 2013, lorsqu’un train a déraillé dans le centre-ville de cette municipalité de l’Estrie.

«Tous les jours, dans tous les villages et toutes les villes canadiennes, il y a des trains qui circulent avec des matières dangereuses — de l’énergie, du gaz, du pétrole — et on doit s’assurer que ceux qui opèrent les trains le font de façon sécuritaire avec les périodes de repos appropriées», a expliqué M. Laporte.

Le CN a soutenu avoir négocié de bonne foi au cours des neuf derniers mois.

«L’entreprise a constamment proposé des offres sérieuses, avec de meilleurs salaires, des repos améliorés et des horaires plus prévisibles. Les Teamsters n’ont montré aucune urgence ni aucun désir de conclure une entente qui soit bonne pour les employés, l’entreprise et l’économie», a déclaré le CN.

Les Teamsters représentent 6000 travailleurs du CN et 3300 travailleurs du CPKC. Les deux entreprises concluent généralement de nouvelles ententes avec les employés à un an d’intervalle, mais en 2022, le CN a demandé une prolongation d’un an de la convention collective actuelle, ce qui a synchronisé les périodes de négociation.

Le CPKC a déclaré jeudi qu’il cherchait à obtenir un contrat de trois ans «statu quo» – sans changement fondamental – avec des salaires plus élevés qui dépassent l’inflation.

L’impasse dans les négociations a aussi affecté jeudi le quotidien de dizaines de milliers de personnes qui utilisent les réseaux de trains de banlieue de Montréal, Toronto et Vancouver, puisque le service était interrompu sur les lignes qui circulent sur les voies du CPKC.

Les milieux d’affaires inquiets

Dans les derniers jours, des groupes du milieu des affaires et de nombreux politiciens avaient exhorté les deux parties à trouver une entente afin d’éviter un arrêt de travail, craignant les nombreuses répercussions d’une paralysie du réseau ferroviaire.

Selon l’Association des chemins de fer du Canada, les deux entreprises transportent chaque jour des marchandises d’une valeur combinée d’un milliard de dollars. De nombreuses expéditions avaient été arrêtées de manière préventive en début de semaine pour éviter que des marchandises restent bloquées en cas de conflit.

Des associations représentant des entreprises avaient également demandé au gouvernement d’intervenir en imposant un arbitrage exécutoire et en interdisant les grèves et les lock-out pendant que le processus se déroule.

Jeudi matin, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est allée encore plus loin, alors qu’elle a réclamé une loi spéciale pour forcer le retour au travail.

«Une fois de plus, les chaînes d’approvisionnement sont paralysées par des grèves. Dans un contexte économique déjà difficile, ce blocage va rapidement entraîner des pénuries et des hausses de prix, qui mettront en péril entreprises et emplois», a déploré son président et chef de la direction, Michel Leblanc.

Nombreuses répercussions

L’agriculture, la construction, l’exploitation minière, l’énergie, le commerce de détail et la construction automobile sont tous des secteurs affectés par ce conflit de travail.

Aux États-Unis, des compagnies ferroviaires ont également dû détourner des expéditions à destination du Canada. Des entreprises américaines dépendent elles aussi des deux principales compagnies ferroviaires du Canada pour leurs expéditions, puisque les voies du CN et du CPKC s’étendent jusqu’au golfe du Mexique et, dans le cas du CPKC, jusqu’à plusieurs ports mexicains.

Pendant ce temps, les ports canadiens craignaient que les conteneurs s’accumulent sur les quais, et que cela crée des embouteillages et force certains transporteurs à se réorienter vers des terminaux américains.

Les transports en commun

Par ailleurs, plus de 32 000 usagers des trains de passagers de Montréal, Toronto et Vancouver devaient trouver un nouvel itinéraire pour se rendre au bureau, jeudi.

Dans la région de Montréal, Exo a confirmé qu’aucun service ne pouvait être offert sur les lignes de trains de banlieue qui circulent sur les voies du CPKC, soit celles de Vaudreuil/Hudson, Saint-Jérôme et Candiac. Les trains circulant sur le réseau du CN, soit les lignes de Mont-Saint-Hilaire et de Mascouche, conservaient un service normal.

Des autobus devaient être déployés pour desservir les gares où les trains ne passaient pas, mais seulement à compter de lundi prochain. Le transporteur Exo prévenait aussi que «le nombre d’autobus disponibles dans la région métropolitaine (est) insuffisant pour remplacer toute la capacité des trains annulés».

Ailleurs au pays, le West Coast Express de TransLink, dans la région de Vancouver, ainsi que la ligne Milton de Metrolinx et la gare GO Hamilton de la ligne Lakeshore, dans le Grand Toronto, étaient touchés par l’arrêt de travail.

«L’arrêt des activités ferroviaires du CN et du CPKC coûte déjà cher aux travailleurs, aux usagers des transports en commun et aux entreprises de tout le pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la situation s’aggraver», a écrit le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, sur le réseau social X jeudi matin.

— Avec des informations de Morgan Lowrie et de Mathieu Paquette

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires