Des microplastiques ont été détectés jusque dans le sperme

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Des microplastiques ont été détectés jusque dans le sperme

MONTRÉAL — Trois études récentes ont détecté des particules de microplastique dans le sperme d’au moins la moitié des sujets étudiés.

La plus récente étude, réalisée par des chercheurs chinois, a trouvé des particules dans le sperme de chacun des 40 hommes en santé qui se soumettaient à une évaluation prénuptiale de leur santé.

Une autre étude chinoise en avait détecté dans la moitié des 25 échantillons analysés, et une étude italienne dans six des dix échantillons étudiés.

«La question pour moi est de savoir comment les microplastiques se rendent jusqu’aux spermatozoïdes ou jusqu’au sperme, a commenté la directrice scientifique du secteur Nature & technologies du Fonds de recherche du Québec, Janice Bailey. C’est vraiment troublant.»

Les auteurs de la plus récente étude rapportent ainsi dans le journal Science of the Total Environment que la totalité des échantillons de sperme analysés contenait des microplastiques.

Le polystyrène était le plus répandu des huit polymères identifiés, suivi du polyéthylène (qui est utilisé pour fabriquer des sacs de plastique) et du PVC.

«Les effets de l’exposition à différents polymères microplastiques sur la mobilité progressive des spermatozoïdes étaient variables, ce qui souligne la nécessité de poursuivre les recherches sur la manière dont les microplastiques affectent la fertilité masculine en raison de leur omniprésence et de leur toxicité potentielle pour la reproduction», ajoutent les scientifiques chinois.

Les auteurs de l’étude italienne soulèvent l’hypothèse que les particules peuvent passer dans le sperme via l’épididyme (une composante du système reproducteur masculin) et également à partir des vésicules séminales (des glandes qui, avec les spermatozoïdes, produisent le liquide qui constitue le sperme), qui sont les plus sensibles à l’inflammation.

L’inflammation aura comme effet d’ouvrir des barrières cellulaires qui resteraient autrement fermées, comme la barrière hématotesticulaire.

«Ça veut dire qu’il y a quelque chose dans les microplastiques qui font qu’ils sont capables de rentrer dans un organe (les testicules) qui est normalement très sélectif et qui en tout cas se protège énormément», a rappelé Mme Bailey.

Les auteurs chinois de la plus récente étude ne semblent pas avoir mesuré d’impact important des microplastiques sur la motilité des spermatozoïdes, souligne Mme Bailey. Elle fait par contre remarquer que tous les sujets provenaient d’une région peu polluée; si cela rend les résultats plus pertinents pour la population en général, ajoute-t-elle, ils ne nous disent rien au sujet des hommes qui seraient plus exposés à la pollution.

Les microplastiques pourraient aussi interférer avec des caractéristiques autres que la motilité et qui n’ont pas été mesurées dans cette étude, a rappelé Mme Bailey, d’autant plus que la pertinence de la motilité des spermatozoïdes en tant qu’indicateur est limitée.

Crise de fertilité

La numération des spermatozoïdes est en chute libre depuis plusieurs années, sans qu’on ne comprenne vraiment pourquoi. Plusieurs études ont toutefois pointé le doigt en direction de la pollution chimique.

Et si les microplastiques se retrouvent dans le sperme, a ajouté Mme Bailey, on ne peut exclure qu’ils soient transmis à la femme lors d’une relation sexuelle et qu’ils aient des effets délétères aussi chez elle.

«C’est une autre pièce du puzzle, a-t-elle dit. On sait qu’il y a une crise dans la reproduction masculine. C’est une question très complexe.»

Les particules de micro et de nanoplastiques proviennent de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.

Les particules de nanoplastiques sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes.

Ces particules ont jusqu’à présent été détectées dans les moindres recoins du corps, du cerveau jusqu’au placenta.

L’impact sur la santé humaine de ces particules est encore mal compris, mais elles interfèrent possiblement avec le fonctionnement de certains organes et avec celui du système reproducteur. Elles pourraient aussi avoir des propriétés cancérogènes, être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones (ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens). D’autres études les impliquent dans des maladies inflammatoires de l’intestin.

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