Drainville interdit les toilettes mixtes avant les conclusions du comité de sages

Thomas Laberge et Caroline Plante, La Presse Canadienne

QUÉBEC — Même si le Comité de sages sur l’identité de genre n’a pas encore fait ses recommandations, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a décidé d’interdire les nouvelles toilettes mixtes dans les écoles publiques. Les établissements qui en ont déjà pourront toutefois les conserver. 

«J’ai confiance qu’ils (les membres du comité) n’arriveront pas à la conclusion inverse», a dit le ministre en mêlée de presse à l’Assemblée nationale, mercredi. 

Le comité avait pourtant été mis sur pied en décembre, notamment en raison des toilettes mixtes dans les écoles. Il doit rendre ses conclusions à l’hiver 2025. 

«Je l’avais annoncé l’automne passé qu’on allait aller de l’avant avec cette directive. On passe de la parole aux actes», s’est défendu le ministre. 

La ministre de la Famille, Suzanne Roy, n’a pas voulu dire si le comité de sages pourrait faire renverser la directive du ministre Drainville. «Je n’irai pas dans les hypothèses, on va leur laisser faire leur travail. (…) Le comité des sages pourrait nous émettre un commentaire sur ce sujet-là, comme sur plein d’autres sujets», a-t-elle dit.  

Les futures écoles auront donc un bloc sanitaire pour les garçons et un autre pour les filles. Il y aura aussi des toilettes individuelles et universelles.

«C’est une question de bien-être, d’intimité et de respect de la vie privée», a soutenu le ministre. 

«Aucune toilette et aucun vestiaire mixtes (sans distinction garçons/filles) ne peuvent donc être conçus lors de projets de construction ou de rénovation de bâtiments scolaires», peut-on lire dans la directive. 

On précise qu’elle s’applique aux écoles en construction «dont l’avancement de la conception est inférieur à 30 %». Il faudra changer les plans et devis si nécessaire.

Celles dont la construction est plus avancée pourront conserver leurs toilettes mixtes. «On est des gens pragmatiques. On ne veut pas retarder l’avancement des travaux des nouvelles écoles», a plaidé le ministre Drainville. 

La ministre de la Condition féminine, Martine Biron, assure que le comité de sages travaille sur d’autres dossiers actuellement. «Il y a des questions beaucoup plus pointues: Qu’est-ce qu’on devrait faire par exemple dans les compétitions sportives? Moi, j’ai de la misère à répondre à ça. Qu’est-ce qu’on doit faire aussi en milieu carcéral?» a-t-elle demandé. 

Des chiffres du bureau du ministre Drainville transmis à La Presse Canadienne indiquent qu’à l’automne 2023, on estimait qu’il y avait 1453 blocs mixtes sur 12 667. Également, 301 écoles n’ont que des blocs sanitaires mixtes. 

«Il n’a rien de plus important à gérer?»

Parler des toilettes mixtes, alors que les problèmes abondent dans les écoles, est un «excellent exercice de distraction», a réagi mercredi le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc.

«Le ministre n’est pas capable d’avoir des enseignants, n’est pas capable d’avoir un système d’éducation dans le sens du monde. Bravo, on parle de ça à la place de parler de ses échecs», a-t-il râlé.

«Je ne peux pas comprendre que ce soit une priorité du ministre (…) en ce moment d’interdire des toilettes mixtes. Ça ne me rentre pas dans la tête. Il n’a pas rien de plus important que ça à gérer? C’est sur ça qu’il veut investir son temps et son énergie?» a-t-il poursuivi.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a pour sa part critiqué la méthode de travail de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui a pris une décision avant d’obtenir le rapport du comité de sages.

«C’est du caquisme grand cru, s’est-il exclamé. Tout est inversé. Les travaux ne se font pas en amont. On prend les décisions, puis ensuite on se remet en question, puis on change d’idée. C’est très chaotique.»

Le gouvernement adopte une mesure somme toute raisonnable, a déclaré de son côté la libérale Jennifer Maccarone, rappelant cependant qu’il faut «respecte(r) les droits de chacun des enfants dans nos écoles».

«C’est une mesure qui se justifie, a applaudi en point de presse le chef conservateur Éric Duhaime. On a toujours déploré le fait qu’il y avait de plus en plus d’initiatives (comme les toilettes mixtes) qui étaient prises et que les parents n’étaient pas consultés.

«Le comité de sages est là pour faire des recommandations, pour étudier la question, mais c’est le gouvernement qui, ultimement, a la légitimité démocratique de décider sur ces enjeux-là», a-t-il ajouté.

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