WASHINGTON — Les États-Unis sont le voisin le plus proche du Canada et son plus grand partenaire commercial. Celui qui remportera la course à la Maison-Blanche en novembre sera aux commandes lors de la révision de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2026.
Bien que la vice-présidente Kamala Harris et l’ancien président Donald Trump abordent le commerce différemment, tous deux vendent des politiques protectionnistes qui pourraient provoquer de l’incertitude pour le Canada.
«Nous l’avons déjà fait auparavant», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau récemment, lorsqu’on l’a interrogé sur les deux candidats à la présidence qui ont déclaré qu’ils feraient pression pour la révision de cet accord commercial crucial.
«Nous pouvons le refaire si nous en avons besoin.»
Mme Harris a fait campagne pour voter contre l’accord trilatéral et a fait des commentaires en faveur des règles d’approvisionnement «Buy American» de l’administration Biden.
Pendant ce temps, le goût avoué de M. Trump pour les tarifs douaniers est la pièce maîtresse de son programme. Il a déjà proposé un tarif général de 10 %, le faisant passer à plus de 50 % lors de récentes entrevues.
«Pour moi, le plus beau mot du dictionnaire est « tarif »», a soutenu M. Trump, mardi.
Cette rhétorique sonne l’alarme au nord de la frontière. Plus de 77 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et 60 % du produit intérieur brut du Canada provient du commerce.
La Chambre de commerce du Canada a publié plus tôt ce mois-ci un rapport suggérant que les tarifs de 10 % de Donald Trump réduiraient la taille de l’économie entre 0,9 et 1 %, ce qui entraînerait des coûts économiques d’environ 30 milliards $ par an. Les choses seraient encore pires si d’autres pays ripostaient en imposant leurs propres barrières tarifaires.
Des leçons de la première présidence de Trump
La première administration de M. Trump a démontré à quel point le Canada est vulnérable aux caprices des États-Unis, lorsque l’ancien président a abandonné l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
La négociation de l’ACEUM, communément surnommé «le nouvel ALENA», a été un test clé pour Ottawa après la victoire de M. Trump.
La vice-première ministre Chrystia Freeland a qualifié le pacte trilatéral mis à jour de «victoire pour tous les Canadiens», et des experts affirment qu’il était plus modéré que ce que M. Trump avait initialement promis.
Toutefois, le représentant commercial de M. Trump, Robert Lighthizer, a relaté de manière critique la renégociation, écrivant dans son livre qu’à un certain moment, «l’ALENA ne tenait qu’à un fil».
«Avec Trump aux commandes, c’est définitivement un individu très instable», a indiqué Laura Dawson, experte des relations canado-américaines et directrice exécutive de la Future Borders Coalition.
«Et son impact sur la stabilité et la sécurité mondiales et sur les relations internationales avec les États-Unis va être important – et pas dans le bon sens.»
Le Canada a tiré des leçons de sa première présidence. M. Trump a suivi un programme commercial républicain assez orthodoxe, ponctué de coups d’éclat personnels explosifs, a détaillé Mme Dawson. Il a confié la plus grande partie de la responsabilité des relations commerciales à M. Lighthizer, qui était plus prévisible.
Alec Beck, président du cinquième district du congrès du Parti républicain du Minnesota, a dit qu’il pense que les discussions sur M. Trump en tant qu’isolationniste sont exagérées. M. Beck, dont l’État partage une frontière de 885 kilomètres avec le Canada, a déclaré que les deux pays doivent travailler ensemble et que les tarifs douaniers sont une mauvaise idée.
Actions nationalistes et protectionnistes à prévoir de Harris
Si Mme Harris gagne, les relations seront plus normales, basées sur des modèles et des règles établis, a déclaré Aaron Ettinger, professeur de politique à l’Université Carleton à Ottawa.
On s’attend à ce que la vice-présidente suive la voie tracée par le président Joe Biden, qui a apporté une certaine stabilité, mais pas beaucoup de changements. Il a largement maintenu les tarifs douaniers de M. Trump en place, malgré les promesses de les annuler.
M. Biden a également signé un décret exécutif visant à révoquer le permis pour l’oléoduc Keystone XL, qui aurait transféré du pétrole de l’Alberta au Nebraska.
Mme Dawson a déclaré qu’elle s’attendait à ce qu’une administration Harris poursuive les actions nationalistes et protectionnistes.
Mme Harris a fait campagne sur le retour des emplois manufacturiers aux États-Unis. C’est un excellent slogan, a dit Mme Dawson, «mais c’est terrible si vous êtes le Canada».
L’impact de ces politiques sur les relations canado-américaines pourrait ne pas être clair pour les électeurs, qui soutiennent les slogans de l’Amérique d’abord.
Des experts ont averti que les menaces commerciales et douanières entraîneront également des coûts pour les Américains.
Lors d’une retraite du cabinet en août, Mme Dawson a prévenu l’équipe de M. Trudeau que, quel que soit le vainqueur de la présidence américaine, le Canada devra travailler plus fort pour maintenir les avantages existants en matière d’intégration des échanges commerciaux et des voyages.
Le Canada s’appuiera davantage sur des activités ponctuelles de lobbyisme et de plaidoyer pour obtenir un traitement spécial, à mesure que les républicains et les démocrates s’éloignent de la sécurité des accords commerciaux historiques.
Des experts et des groupes d’affaires ont sonné l’alarme quant au changement de rôle du Canada envers son plus proche allié. Plusieurs affirment que la relation entre les deux pays est passée d’une relation stratégique à une relation transactionnelle, le Canada devenant moins critique par rapport à d’autres endroits dans le monde.
Un rapport du Expert Group on Canada-U.S. Relations, qui comprend d’anciens diplomates, des conseillers politiques et des chefs d’entreprise, a averti qu’Ottawa était «somnambule» à l’approche de la révision de l’accord commercial de 2026. Ce rapport de juillet décrivait la relation actuelle de M. Trump avec le gouvernement libéral comme «au mieux froide».
Mme Dawson a soutenu que les inquiétudes canadiennes ne seront pas apaisées dans les prochaines semaines avant les élections. Il faudra attendre longtemps après novembre pour savoir ce que l’un ou l’autre camp réserve réellement à la relation canadienne.
«Je suis beaucoup plus préoccupée par la trajectoire que nous suivrons, par la chute des dominos qui vont se produire à travers cette nouvelle révision de l’ALENA.»