MONTRÉAL — Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont diminué de 1 % au Canada en 2023, selon les estimations préliminaires de l’Institut climatique du Canada, qui indique, encore une fois cette année, que les progrès réalisés dans certains secteurs sont en partie annulés par les augmentations dans le secteur du pétrole et du gaz.
L’an dernier, les émissions totales du Canada ont été estimées à 702 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (Mt d’éq. CO2), ce qui constitue une baisse estimée de 1 % par rapport à 2022.
Les émissions du Canada se situent actuellement à 8 % en dessous des niveaux de 2005.
Rappelons que le pays s’est engagé à réduire d’ici 2030 ses émissions de GES de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005.
Le secteur de l’électricité est le meilleur élève
Selon l’Institut climatique du Canada, les émissions du secteur de l’électricité au pays continuent de baisser, «affichant une diminution de 6,2 % (…) en 2023 et atteignant 38 pour cent des niveaux de référence de 2005».
Les systèmes d’échange des grands émetteurs, comme le «Programme d’innovation technologique et de réduction d’émissions» mis en place en Alberta, l’élimination graduelle de l’électricité alimentée par le charbon en Ontario, ainsi que «d’imposantes avancées dans le domaine de l’énergie renouvelable» sont autant de raisons qui expliquent la décarbonation de ce secteur, selon l’Institut climatique du Canada.
«Les efforts politiques soutenus dans le secteur de l’électricité montrent que le changement transformationnel est possible, mais d’autres secteurs doivent emboîter le pas», peut-on lire dans le rapport.
Baisse des émissions des bâtiments
Le secteur du bâtiment a également enregistré une baisse de ses émissions, selon l’institut, reculant de 6 % comparativement à 2022.
Mais cette diminution est largement attribuable au fait que l’hiver 2023 a été le plus chaud enregistré depuis 2005, ce qui a engendré une plus faible consommation de gaz naturel résidentiel.
Le secteur pétrolier et gazier toujours en progression
Le rapport souligne que le secteur de la production de pétrole et de gaz, le plus grand émetteur de GES au pays, a poursuivi sa tendance d’augmentation graduelle des émissions.
Celles-ci sont en hausse de 1 %, ou de 2,2 mégatonnes (Mt) par rapport à 2022, faisant en sorte que ce secteur représente désormais 31 % du total des émissions au Canada.
«L’augmentation des émissions a été attribuable à une production plus élevée, avec celle du gaz naturel en hausse de 3 %, du pétrole conventionnel en hausse de 3 % et celle du bitume en hausse de 2 %», peut-on lire dans le rapport.
«Nos estimations préliminaires indiquent que la hausse des émissions du secteur pétrogazier et du transport contrebalance les gains réalisés dans les secteurs de l’électricité et du bâtiment, ralentissant ainsi les progrès climatiques du Canada», a souligné Dave Sawyer, économiste principal à l’Institut climatique du Canada.
Transport à la hausse
Les GES du secteur du transport sont également en hausse au pays, selon les données de l’Institut.
Cette «légère hausse» de 1,6 % serait attribuable à un plus grand nombre de voyages en avion, alors que les émissions du transport routier sont restées plutôt stables.
Baisse des émissions de l’industrie lourde
Les émissions dans l’industrie lourde ont reculé de 2 % en 2023 par rapport à 2022.
Toutefois, le rapport de l’Institut souligne que cette baisse est inégale d’un sous-secteur à l’autre. «Par exemple, les émissions dans le secteur minier ont augmenté, tandis que les émissions de la production de chaux et de gypse ont reculé de 20 %.»
Les politiques climatiques fonctionnent
Selon l’Institut climatique du Canada, les émissions du Canada seraient aujourd’hui «plus élevées de 41 % en 2030 n’eût été les mesures climatiques appliquées depuis 2015 par tous les ordres de gouvernement».
Autrement dit, les politiques climatiques en vigueur, de la tarification du carbone aux normes d’efficacité des véhicules en passant par les subventions pour les thermopompes, devraient «éviter 226 Mt d’émissions de carbone d’ici 2030», ce qui équivaut aux profils d’émissions actuels du Québec et de l’Ontario mis ensemble, toujours selon l’institut.
«Les gouvernements d’un bout à l’autre du pays doivent accélérer l’élaboration de politiques et renforcer les mesures déjà en place, comme l’électrification et les systèmes de tarification du carbone industriel», a indiqué Rick Smith, président de l’Institut climatique du Canada.
Selon une analyse de l’Institut publiée au printemps dernier, les plus grands moteurs de réduction des émissions à l’horizon 2030 seront les systèmes de tarification du carbone pour les émetteurs industriels.
Les estimations de l’Institut ne sont pas aussi complètes que le bilan officiel du gouvernement, appelé «inventaire national des gaz à effet de serre».
L’Institut a choisi de publier ce document sept mois avant le bilan officiel du Canada, qui est présenté chaque année en avril à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.