Grossesse: attention aux perturbateurs endocriniens, disent des chercheuses

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Grossesse: attention aux perturbateurs endocriniens, disent des chercheuses

MONTRÉAL — L’exposition aux perturbateurs endocriniens pendant la grossesse peut avoir des conséquences néfastes sur la santé de la mère et de l’enfant, parfois même plusieurs années après la naissance, conclut une méta-analyse réalisée par des chercheuses québécoises et ontariennes.

Les chercheuses de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l’Université TELUQ et de l’université Queen’s se sont intéressées aux substances qui ont des effets sur le système reproducteur, le métabolisme et le développement des glandes mammaires avant, pendant et après la grossesse.

«On est allées voir au niveau de la littérature ce qu’on sait des effets d’une exposition aux perturbateurs endocriniens pendant cette période particulière de la vie de la femme et de son bébé», a expliqué l’auteure principale de l’étude, la professeure Isabelle Plante, qui est chercheuse en toxicologie environnementale à l’INRS et codirectrice du Centre intersectoriel d’analyse des perturbateurs endocriniens.

Les perturbateurs endocriniens, comme leur nom l’indique, interfèrent avec le système endocrinien, un réseau de glandes qui communiquent entre elles en sécrétant des hormones aussi connues que l’œstrogène et la progestérone. Ils peuvent imiter l’effet de ces hormones et donc interférer avec le fonctionnement normal des organes.

Les chercheuses ont par exemple constaté que le placenta, malgré ses barrières de défense, peut être perturbé par les perturbateurs endocriniens, ce qui pourra éventuellement se traduire par des problèmes de santé chroniques comme le diabète ou l’obésité.

«Quand on pense à la femme enceinte et au développement, eh bien le système endocrinien a un rôle crucial au niveau de la progression d’une grossesse normale, a dit Mme Plante. Donc si on va jouer avec cette orchestration fine d’hormones par l’exposition à des perturbateurs endocriniens, on peut avoir des effets qui sont assez conséquents autant au niveau de la mère qu’au niveau de l’enfant.»

Une exposition de la mère à ces substances pourra ainsi affecter le développement des glandes mammaires des bébés à naître, augmentant le risque de cancer du sein plus tard dans la vie. Chez les garçons, les perturbateurs endocriniens pourraient accroître le risque de cancer de la prostate.

La grossesse, a dit Mme Plante, est une «grande étape de programmation» pendant laquelle on met en place une multitude de «programmes», dont certains pourront ne pas servir avant plusieurs années.

C’est le cas du développement des seins chez lez filles, qui ne survient qu’au moment de la puberté.

«Tous les mécanismes pour fabriquer cet organe-là plus tard dans la vie sont mis en place dès la vie fœtale, a-t-elle expliqué. Donc si on perturbe cette programmation-là, les effets peuvent se faire sentir beaucoup plus tard dans la vie.»

Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques qu’on retrouve dans une multitude de produits d’utilisation courante, des cosmétiques aux contenants de plastique en passant par les meubles et les jouets. L’exposition se ferait toutefois principalement par le biais des aliments et de l’eau potable.

Les perturbateurs endocriniens sont si omniprésents qu’il peut être difficile, voire impossible, de les éviter complètement. Le mieux que l’on peut faire est de réduire notre exposition, par exemple en choisissant des produits cosmétiques sans parabens, qui y sont ajoutés pour combattre les bactéries et les moisissures, mais qui sont facilement absorbables par la peau.

Les phtalates et le triclosan sont deux autres perturbateurs endocriniens dont l’usage est très répandu et qui peuvent être facilement absorbés par l’organisme. Les deux substances ont été associées à une efficacité réduite du placenta pendant la grossesse.

Si les femmes savent en général que les perturbateurs endocriniens peuvent être dangereux pour elles et pour leur bébé, elles sont nombreuses à ne pas savoir où on les retrouve, ce qui complique la tâche de celles qui voudront réduire leur exposition.

Elles pourront par exemple cesser de se maquiller pendant leur grossesse, mais continuer à s’enduire de lotion corporelle ou à se teindre les cheveux.

«L’idée ici ce n’est pas de bannir tout et de virer fou non plus, a conclu Mme Plante. L’idée, c’est d’essayer de comprendre qu’il y a certains produits dans lesquels il y a des perturbateurs endocriniens, et si on est capables de les éviter ou à la limite si on fait le choix conscient de les utiliser ou de ne pas les utiliser, eh bien c’est déjà une façon de contrôler notre exposition.»

Les conclusions de cette méta-analyse sont publiées dans une édition spéciale de la revue Environmental Research.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires