Hydro-Québec deviendra maître d’oeuvre de projets éoliens à grande échelle

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne
Hydro-Québec deviendra maître d’oeuvre de projets éoliens à grande échelle

MONTRÉAL — Hydro-Québec annonce qu’elle deviendra maître d’oeuvre dans la réalisation de projets éoliens à grande échelle, en mettant dans le coup les municipalités et les Premières Nations dès le départ afin de s’assurer de l’acceptabilité sociale.

La société d’État a présenté jeudi sa nouvelle stratégie en vue d’accélérer le déploiement de 10 000 mégawatts (MW) de nouvelles capacités éoliennes d’ici 2035. Le nouveau modèle visera à prioriser le développement de projets qui pourront atteindre au-delà de 1000 MW.

«Il faut développer l’éolien à peu près cinq fois plus vite que ce que nous avons fait à date. Et c’est crucial», a soutenu le président-directeur général d’Hydro-Québec, Michael Sabia, en conférence de presse à Montréal.

Dans le cadre du modèle actuel, ce sont davantage des projets de petite taille (90 MW en moyenne) qui sont élaborés par le privé. Le rôle d’Hydro-Québec se limite essentiellement à acheter l’électricité une fois les éoliennes érigées.

Le contexte énergétique d’aujourd’hui demande de revoir cette approche, a souligné M. Sabia. Celle-ci fonctionnait bien, selon lui, à l’époque où l’énergie éolienne était une «stratégie de niche (…) dans un monde de surplus énergétique».

«Aujourd’hui, l’éolien est une partie essentielle de la diversification de notre système pour réussir la transition énergétique», a-t-il déclaré. M. Sabia a précisé que de plus petits projets pourraient toujours voir le jour afin de répondre à des besoins dans différentes régions. Les appels au marché resteront l’approche privilégiée pour ce type de développement.

Grâce à son nouveau modèle, Hydro-Québec estime pouvoir générer des économies d’échelle de plus de 20 % «en offrant une prévisibilité et des volumes importants aux fournisseurs».

En devenant maître d’oeuvre, la société d’État cherche à mieux coordonner la planification de l’énergie éolienne. Elle pourra notamment identifier les opportunités et les zones de développement pour les parcs, et planifier avec les communautés des projets bien intégrés dans le réseau, a expliqué M. Sabia.

«Dans le passé, nous avons vécu des expériences avec plusieurs petits projets pas bien coordonnés. (…) Nous avons besoin de la puissance qui vient de ces parcs éoliens, mais il faut que ce soit bien structuré et coordonné. Il faut que ça représente essentiellement un système efficient et robuste», a-t-il fait valoir, précisant que le secteur privé sera mis à contribution pour la construction.

L’acceptabilité sociale, «la clé à notre succès»

Les municipalités et les Premières Nations où prendront forme les futurs parcs éoliens seront des partenaires dès les premières étapes de la planification. Elles pourront également en tirer des revenus autonomes récurrents à titre d’actionnaires dans les projets, promet Hydro-Québec, qui deviendra aussi actionnaire des nouveaux parcs.

Au cours de la conférence de presse, M. Sabia a insisté sur l’importance d’impliquer le milieu municipal et les communautés autochtones afin d’obtenir l’acceptabilité sociale pour chacun des développements.

Ces acteurs ont des canaux de communication privilégiés avec leur population, qui vont permettre d’aller chercher leur appui, «la clé à notre succès», a souligné M. Sabia.

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ont salué les intentions du fournisseur d’électricité.

«Le partenariat proposé par M. Sabia pour planifier en amont le développement des projets éoliens sur tous les territoires, avec la participation des communautés, constitue une avancée importante pour les régions», a commenté le président de la FQM, Jacques Demers, dans une déclaration écrite.

Sur le réseau social X, l’UMQ a écrit: «Hydro-Québec vient reconnaître le rôle incontournable des gouvernements de proximité dans l’atteinte des cibles de production d’énergie renouvelable et de décarbonation du Québec».

Autres réactions

Équiterre a aussi félicité «la société d’État d’affirmer avec force le caractère public du développement des capacités énergétiques» et de veiller «à ce que ses infrastructures stratégiques soient et demeurent des biens collectifs».

Toutefois, l’organisme environnemental constate que la «stratégie éolienne est axée sur le développement de la puissance énergétique, pour répondre à des besoins mal définis», a déclaré par écrit le directeur des relations gouvernementales, Marc-André Viau, rappelant «l’importance de la sobriété énergétique comme fondement de la transition énergétique».

Un chercheur de l’Institut économique de Montréal se montre plus critique face au plan d’Hydro-Québec, affirmant qu’elle «n’a pas les moyens de se passer de l’expertise des producteurs indépendants».

«Afin d’arrêter de refuser des projets de développements économiques, il faut laisser les producteurs indépendants jouer un plus grand rôle», a commenté l’analyste en politiques publiques Gabriel Giguère.

Il déplore aussi que la société d’État souhaite participer à l’analyse des projets d’autoproduction avec le gouvernement. «L’autoproduction est l’un des seuls moyens dont nos entreprises disposent pour s’assurer que leurs besoins en énergie soient comblés malgré les erreurs dans les prévisions d’Hydro-Québec», affirme M. Giguère.

La nouvelle stratégie éolienne est mise sur pied à l’issue d’une large consultation sur le Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec.

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