Immigration: Francisation Québec peine à répondre à la demande

Thomas Laberge, La Presse Canadienne
Immigration: Francisation Québec peine à répondre à la demande

QUÉBEC — Depuis sa création il y a environ un an, Francisation Québec peine à répondre à la demande, ce qui provoque des «goulots d’étranglement». Près de la moitié des personnes qui ont fait une demande d’inscription n’avaient toujours pas commencé leurs cours en date du 15 avril 2024.

C’est ce qui ressort du dernier rapport du commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, rendu public mercredi.

Mis sur pied en juin 2023, Francisation Québec est un guichet unique visant à simplifier l’accès aux cours de français, notamment pour les nouveaux arrivants. Il relève du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

Entre le moment de sa création et avril 2024, l’organisme a reçu près de 99 000 demandes de francisation. Toutefois, seulement 50 400 personnes ont pu commencer leurs cours ou ont reçu une confirmation d’inscription.

«Depuis le 1er juin 2023, les mécanismes mis en œuvre n’ont cependant pas permis de répondre à l’important volume de demandes soumises. Des goulots d’étranglement sont ainsi apparus dans le processus de formation des groupes, ce qui a créé des délais d’attente pour les demandeurs et occasionné divers problèmes pour les prestataires de services et les élèves», peut-on lire dans le rapport.

Le commissaire Dubreuil affirme que le problème ne provient pas d’un manque de professeurs de français.

«Le ministère ne sait pas quelle est la capacité d’accueil sur le terrain et les organismes sur le terrain hésitent à accroître leur capacité d’accueil parce qu’ils ne savent pas combien de groupes ils vont avoir. Donc c’est un nœud organisationnel lié au partage d’information et c’est le grand défi de Francisation Québec actuellement», a-t-il expliqué en point de presse à l’Assemblée nationale mercredi.

«Pas complètement imprévisible»

Le rapport indique qu’il existe «un lien étroit entre la hausse du nombre de travailleurs étrangers temporaires au Québec et celle du nombre de demandes d’inscription aux cours de français», mais que cette demande ne semble pas avoir été anticipée par Francisation Québec.

«Pourtant, la croissance importante d’une population temporaire qui ne maîtrise pas le français n’était pas complètement imprévisible. En effet, elle est le résultat de changements que les gouvernements du Québec et du Canada ont mis en œuvre sans d’abord évaluer la capacité des services d’apprentissage du français à accueillir cette nouvelle clientèle», ajoute le commissaire dans son rapport de 121 pages.

Le document soulève aussi que la majorité des gens inscrits en francisation le sont à temps partiel et qu’ils abandonnent après seulement quelques mois. «Nous estimons que le nombre total d’heures de formation offertes en 2023-2024 correspond à environ 2 % de celui qui aurait été nécessaire pour que l’ensemble des personnes domiciliées au Québec qui ne connaissaient pas le français puissent terminer les niveaux débutants et intermédiaires», indique-t-on.

Benoît Dubreuil recommande notamment de «développer un modèle de prévision de la demande robuste et de renforcer les mécanismes de gestion des inscriptions, de manière à favoriser la réduction des délais de traitement».

La francisation n’est pas une «panacée»

Le commissaire Dubreuil indique toutefois que la francisation n’est pas une «panacée» en raison du volume important d’immigrants qui ne parlent pas le français lorsqu’ils arrivent au Québec.

«C’est une composante d’une stratégie globale qui permettrait de stabiliser la situation du français», nuance-t-il.

M. Dubreuil pense qu’il faut sélectionner davantage d’immigrants dans des pays où la place du français est plus importante ou encore en s’assurant qu’ils l’apprennent – du moins en partie – avant leur arrivée au Québec.

«C’est sûr que le nombre de personnes qui ne connaissent pas le français augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de personnes que l’on francise et c’est essentiellement lié à l’importance de l’immigration temporaire, précisément depuis deux ans, depuis la fin de la pandémie», explique-t-il.

Dans son rapport, le commissaire écrit qu’au «recensement de 2016, la population non permanente au Québec se chiffrait à 86 065, mais elle avait atteint 560 174 au 1er janvier 2024».

«Franciser davantage en amont»

Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, dit être «100 % d’accord avec les constats du commissaire».

«Il faut faire deux choses. Il faut réduire la demande. La demande est très très grande parce qu’on accueille beaucoup trop d’immigrants temporaires en ce moment, particulièrement des demandeurs d’asile. Puis, il faut augmenter l’offre de Francisation Québec», a-t-il dit.

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a indiqué que son gouvernement allait «franciser davantage en amont».

«Ça veut dire qu’avant même que les gens arrivent au Québec, ils vont avoir accès davantage à des cours de français, comme ça quand ils arrivent, ils vont avoir un coussin de connaissances», a-t-elle expliqué.

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