OTTAWA — Une motion bloquiste visant à ce que la portée de l’enquête publique sur l’ingérence soit élargie afin qu’elle se penche sur les révélations voulant que «certains parlementaires» aient, «sciemment ou par ignorance volontaire», participé à des manœuvres perturbatrices d’États étrangers, a été adoptée à la quasi-unanimité mardi.
Conformément à ce que les libéraux et néo-démocrates avaient signalé la veille, il ont appuyé le texte. Les conservateurs, malgré qu’ils aient tenté, en vain, de modifier la proposition du Bloc québécois, ont voté en faveur.
Parmi les députés qui étaient présents en Chambre ou virtuellement, seuls les deux membres du Parti vert se sont opposés.
La motion entérinée soutient que la Chambre réclame une révision du mandat de la commission présidée par la juge Marie-Josée Hogue pour «lui permettre d’enquêter sur les institutions démocratiques fédérales du Canada, incluant les parlementaires de la Chambre des communes élus lors des 43e et 44e législatures ainsi que les parlementaires siégeant au Sénat».
Cette demande fait écho à un rapport fracassant du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) publié la semaine dernière. Les auteurs ont écrit avoir «vu des renseignements inquiétants selon lesquels certains parlementaires sont, aux dires des services du renseignement, des participants mi-consentants ou volontaires aux efforts d’ingérence des États étrangers dans la politique du pays».
Le CPSNR a donné en exemple des gestes allégués celui d’«accepter sciemment ou par ignorance volontaire des fonds ou des avantages de missions étrangères ou de leurs mandataires qui sont passés par plusieurs mains ou sont autrement déguisés pour en dissimuler la source».
Il n’est pas clair si le mandat de l’enquête publique lui donne déjà la latitude de se pencher sur les «certains parlementaires» mentionnés par le CPNSR. Questionnée à ce sujet, l’équipe de la juge Hogue s’en est tenue à répondre que la commissaire «publiera prochainement un avis au public traitant des paramètres du mandat de la Commission et de la prochaine étape de ses travaux».
«(Elle) a pris bonne note de la motion adoptée aujourd’hui par la Chambre des communes et est honorée de la confiance exprimée à l’égard de la Commission», a déclaré le porte-parole Michael Tansey.
Le ministre des Institutions démocratiques, Dominic LeBlanc, avait mentionné lundi qu’il est possible que «la Commission dispose déjà des autorités nécessaires» à l’examen qui lui est demandé.
«Mais nous allons évidemment travailler avec la commission afin de s’assurer que la commissaire ait accès à tout ce dont elle a besoin», avait poursuivi celui qui est aussi ministre de la Sécurité publique.
Mardi, deux de ses collègues ont assuré que le vote à la Chambre des communes, mandat élargi ou non, est loin d’être une simple formalité sans effet.
«Ce n’est jamais symbolique quand le Parlement du Canada parle d’une seule voix», a dit le leader parlementaire des libéraux par intérim, Steven MacKinnon, en reprenant la formulation de la question qui lui était posée en mêlée de presse.
Le ministre de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, a eu un message similaire. «Je pense que c’est un vote important (…) qui permet de nous appuyer sur ce qui existe déjà.»
Le député bloquiste René Villemure, qui avait présenté la motion déposée dans la cadre d’une journée d’opposition de sa formation politique, s’est réjoui du dénouement de mardi.
«Nous voulions passer à l’action et demander que soient posés les gestes nécessaires pour que la confiance des citoyens en la démocratie puisse être rétablie. (…) Soyez assurés que nous demeurerons à l’affût pour la suite des choses», a-t-il affirmé par voie de communiqué.
Quant aux verts, leur co-cheffe avait signalé qu’elle pensait appuyer la motion, mais qu’elle avait changé d’idée en lisant la version non caviardée du rapport du CPNSR. La version publique a été expurgée de nombreuses phrases pour des raisons de protection de la sécurité nationale, mais Elizabeth May est habilitée à voir le rapport intégral tout en étant astreinte au secret à perpétuité.
La co-cheffe a dit, en point de presse, qu’elle se sentait soulagée et ne ressentait «aucune inquiétude face à des collègues à la Chambre des communes».
Elle a affirmé qu’un ancien député non identifié est accusé dans le rapport d’avoir «fourni proactivement» à un agent étranger «des informations reçues à titre confidentiel».
Mme May a aussi assuré que «moins d’une poignée» de députés étaient nommés «et aucun d’entre eux ne pourrait être décrit comme ayant décidé de trahir sciemment le Canada en faveur d’un gouvernement étranger».
– Avec des informations de Jim Bronskill