Joly interpellée pour ouvrir une enquête sur la mort d’une Québécoise en Turquie

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
Joly interpellée pour ouvrir une enquête sur la mort d’une Québécoise en Turquie

OTTAWA — Des défenseurs des droits de la personne veulent que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ouvre une enquête impartiale sur la mort d’une Québécoise que le gouvernement fédéral avait refusé de rapatrier d’un camp de détention syrien.

Dans une lettre adressée à la ministre Joly, la sénatrice Kim Pate, le militant des droits de la personne Alex Neve et l’avocat Hadayt Nazami affirment que la femme est décédée de manière inattendue il y a un peu plus d’une semaine en Turquie.

Mme Pate, M. Neve et Me Nazami faisaient partie d’une délégation qui a rencontré la femme et ses six jeunes enfants en 2023 dans un camp syrien dirigé par les forces kurdes, qui ont repris la région déchirée par la guerre contre le groupe armé État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Le gouvernement fédéral a aidé les enfants à venir au Canada cette année, mais a refusé de rapatrier la femme, connue publiquement sous le nom de «F.J.»

L’avocat Lawrence Greenspon, qui a aidé la famille, affirme qu’Ottawa a invoqué des raisons de sécurité pour refuser d’aider la mère à rentrer. En conséquence, F.J. a dû choisir entre envoyer ses enfants seuls au Canada ou les garder avec elle dans le camp sordide.

La lettre du 24 octobre adressée à la ministre Joly indique que la femme s’est échappée du camp d’Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, est entrée en Turquie en mars et a été appréhendée et emprisonnée par les autorités turques trois mois plus tard.

«Les circonstances qui ont conduit à sa mort et qui l’entourent suscitent un certain nombre de questions troublantes, peut-on lire dans la lettre. Nous demandons donc au gouvernement canadien de prendre des mesures immédiates pour lancer une enquête indépendante et impartiale sur la mort de F.J., par une personne possédant l’expertise appropriée pour examiner en profondeur les circonstances de sa détention et de sa mort.»

Les responsables fédéraux ont pris des mesures pour aider à faire venir les six enfants au Canada en mai. Ils sont maintenant placés en famille d’accueil.

Dans une entrevue, Me Greenspon a soutenu les appels des membres de la délégation en faveur d’une enquête. «Ces questions doivent trouver une réponse, a-t-il insisté vendredi. C’est une tragédie qui n’aurait jamais dû se produire.»

Le bureau de Mme Joly n’a pas immédiatement fait de commentaires.

La lettre indique que les avocats ont été informés que F.J. a reçu au moins deux visites consulaires, le 16 juillet et le 1er octobre, à la prison fermée pour femmes de Tarsus, à environ cinq heures d’Ankara.

Ils ont également appris qu’elle «a peut-être reçu une ou deux visites d’agents de la GRC qui l’ont interrogée en prison», et que les agents de la GRC lui ont peut-être aussi parlé à al-Roj.

«On nous a dit qu’après l’une de ces visites avec des agents consulaires ou de la GRC, son humeur et son comportement ont changé de façon marquée, et qu’elle est devenue gravement déprimée et psychologiquement en détresse.»

La lettre indique que les accusations criminelles portées contre F.J. en Turquie pour appartenance à un groupe terroriste armé ont été entendues le 15 octobre. Elle a été acquittée par un panel de trois juges et transférée dans un centre de détention de l’immigration.

F.J., 40 ans, a apparemment reçu des médicaments en raison de troubles du sommeil, ajoute la lettre. Son avocat en Turquie a découvert son corps le matin du 17 octobre.

Me Greenspon a déclaré qu’il était au courant des efforts déployés pour obtenir un document de voyage d’urgence pour F.J. afin qu’elle puisse rentrer au Canada.

La lettre affirme que le Canada a appris son décès non pas par des responsables turcs, mais par un Canadien qui avait travaillé en étroite collaboration avec les familles de personnes détenues dans le nord-est de la Syrie.

«On nous a dit que les responsables turcs avaient conclu que la cause du décès était une crise cardiaque. Pour autant que nous le sachions, il n’y a pas eu d’autopsie», indique la lettre.

«Il s’agit clairement d’une issue très tragique, à la fois en ce qui concerne la mort de F.J. et les graves conséquences que cela aura sans aucun doute sur ses enfants.»

La lettre exhorte Mme Joly à ordonner une enquête immédiatement, pendant que les témoins sont accessibles et que les preuves sont récentes.

«Une telle enquête ne peut, dans ces circonstances, être menée ni par la GRC ni par votre personnel consulaire. Il existe de nombreuses autres options qui offriraient l’indépendance et l’expertise nécessaires.»

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