Justin Trudeau trouve la déclaration du G20 sur l’Ukraine trop timide

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Justin Trudeau trouve la déclaration du G20 sur l’Ukraine trop timide

RIO DE JANEIRO — Justin Trudeau a quitté mardi le sommet du G20 au Brésil en déclarant que le Canada et d’autres «économies avancées» souhaitaient voir dans la déclaration finale une dénonciation plus forte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Cette invasion russe était un thème clé pour le premier ministre alors qu’il rencontrait de nombreux dirigeants mondiaux avant le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, en janvier prochain.

La Russie est membre du G20, mais le président Vladimir Poutine n’a pas assisté à un sommet des dirigeants depuis qu’il a lancé une invasion à grande échelle en Ukraine en février 2022. Cette année-là, la déclaration finale des dirigeants du G20 avait condamné les actions du Kremlin et exigé que les troupes russes se retirent de l’Ukraine.

Un an plus tard, le sommet des dirigeants des pays membres du G20 s’est terminé avec un langage édulcoré sur cette guerre. Or, la déclaration finale au sommet du Brésil, mardi, était encore plus courte et ne mentionnait pas du tout la Russie.

«J’aurais voulu dire des choses beaucoup plus fortes que dans ce communiqué», a déclaré M. Trudeau lors de la conférence de presse de clôture du sommet de Rio de Janeiro. Mais il a déclaré que le G20 constitue «un ensemble de perspectives différentes du monde entier» et que l’hôte du sommet, le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, avait dû trouver un moyen de parvenir à un consensus.

L’effet Trump plane sur le sommet

M. Trudeau a aussi exprimé une certaine inquiétude quant à l’impact du retour du président américain Donald Trump à la Maison-Blanche sur le soutien mondial à l’Ukraine. M. Trump et ses alliés ont critiqué le soutien financier américain à l’Ukraine et certains craignent que les républicains, qui auront bientôt le plein contrôle de la Maison-Blanche et du Congrès, réduisent considérablement le soutien américain à Kyiv.

Certains des alliés de M. Trump ont vivement critiqué le président Joe Biden lorsqu’il a autorisé cette semaine l’Ukraine à utiliser des missiles américains à longue portée pour attaquer la Russie sur son territoire.

Donald Trump Jr, l’un des fils du président désigné, et le sénateur de l’Utah Mike Lee ont été parmi ceux qui ont accusé le président Biden d’essayer de déclencher une «troisième guerre mondiale».

MM. Trudeau et Biden ont discuté de l’Ukraine lors d’une rencontre bilatérale d’une demi-heure lundi, en marge du sommet du G20 au Brésil, et le premier ministre a déclaré mardi que le Canada soutenait la décision de l’administration américaine.

«Depuis trop longtemps, la Russie a la capacité de frapper avec aucune conséquence et de fabriquer des armements sans être touchée, donc c’est une bonne chose que les Américains aient pris cette décision», a soutenu M. Trudeau en conférence de presse.

«Je sais que d’autres sont en train de prendre cette décision aussi. Ça va permettre à l’Ukraine de continuer de tenir bon dans ce conflit important.»

Différends avec la Chine et l’Inde

M. Trudeau a aussi déclaré que le sommet de Rio se déroulait «à un moment particulièrement difficile dans le monde, pour la géopolitique, mais aussi pour les citoyens du monde entier», en raison de l’inflation, de la guerre et du changement climatique. «Le monde n’est plus ce qu’il était il y a dix ans», a-t-il déclaré.

Le Canada a eu quelques difficultés ces dernières années dans ses relations diplomatiques avec les principaux membres du G20, notamment la Chine et la Russie. M. Trudeau a eu une brève interaction avec le président Xi Jinping, qui a suivi deux rencontres entre les ministres des Affaires étrangères canadien et chinois au cours des derniers mois. M. Trudeau a déclaré que les deux hommes avaient échangé à Rio sur l’importance de ces discussions.

Mais il a évité de dire s’il avait eu des interactions avec le premier ministre indien, Narendra Modi. Les relations du Canada avec l’Inde ont été profondément marquées au cours de la dernière année, Ottawa ayant accusé des agents du gouvernement Modi d’être derrière une campagne de violence, y compris des meurtres, ciblant principalement les Canadiens sikhs en sol canadien.

En octobre, le Canada a expulsé six diplomates indiens qui étaient considérés comme des «personnes d’intérêt» dans ces affaires criminelles, après que New Delhi a refusé de lever leur immunité diplomatique afin d’être interrogée par la police fédérale. L’Inde a aussitôt expulsé six diplomates canadiens en retour.

Mardi, au Brésil, le président Biden semblait essayer de jouer un peu le rôle de pacificateur entre MM. Trudeau et Modi. Lors de la prise de photo de tous les dirigeants présents au sommet, le président américain, qui se tenait au premier rang entre MM. Trudeau et Modi, a brièvement tenté de réunir les deux hommes pour discuter. Les deux premiers ministres semblaient tous deux se sourire et dire quelques mots avant de reprendre leurs positions sur la tribune, tournés vers les photographes.

Le prochain G7 au Canada, avec Trump

M. Trump ne redeviendra président qu’en janvier, mais il a toujours pesé lourd sur ce G20 en raison des inquiétudes concernant ses promesses de réduire les politiques américaines sur le changement climatique et d’introduire un tarif d’importation généralisé à tous les pays, y compris le Canada.

Le Canada devrait accueillir le sommet des dirigeants du G7 en juin prochain en Alberta. Ce sera probablement le premier grand événement multilatéral pour les États-Unis après la deuxième investiture de M. Trump.

La dernière fois que le Canada a accueilli le sommet des dirigeants du G7, en 2018 à La Malbaie, M. Trump avait quitté la salle après des échanges tendus concernant les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium imposés au Canada. Il avait qualifié M. Trudeau de «malhonnête et faible».

«C’est certain qu’avec M. Trump l’année prochaine, il va y avoir des défis, c’est certain, a admis M. Trudeau mardi. Sa perspective n’est pas toujours alignée avec la nôtre sur différents enjeux.»

Le premier ministre a toutefois déclaré mardi que son gouvernement «ne paniquera pas» à l’approche du sommet de l’année prochaine en Alberta. «Le défi de travailler avec un président américain qui ne donne pas toujours la priorité au multilatéralisme et aux sommets sera réel, mais nous l’avons surmonté avec succès» à La Malbaie, a-t-il déclaré, soulignant les progrès réalisés sur l’intelligence artificielle et l’éducation des filles à l’issue de ce sommet de 2018.

«Le G7, c’est un moment de conversations franches et directes, où on se met d’accord pour protéger nos citoyens, et sur ça, il y a toujours énormément de points en commun entre ceux auxquels font face les Américains et les Canadiens», a estimé M. Trudeau.

Énergies vertes

M. Trudeau a par ailleurs soutenu que si l’administration Trump qui se profile à l’horizon sévit contre les technologies vertes, cela pourrait représenter une belle occasion d’affaires pour le Canada. «Je crains que les États-Unis ne reculent dans la lutte contre le changement climatique», a-t-il admis.

«Si les gens considèrent les États-Unis comme un endroit où il n’est pas intéressant d’innover et de lutter contre le changement climatique, ils se tourneront automatiquement vers le Canada.»

John Kirton, directeur du «G20 Research Group», a estimé que le sommet de Rio avait produit une déclaration de clôture relativement faible, avec ses 174 engagements au lieu des quelque 240 lors des deux précédents sommets.

Il souligne par ailleurs que de nombreux engagements à Rio constituent en fait des «réengagements» et que le sommet n’avait donné lieu à aucun nouvel engagement financier.

M. Trudeau a quand même annoncé mardi l’allocation de 68 millions $ de fonds précédemment annoncés pour aider aux priorités du G20, principalement en Amérique latine, allant de la lutte contre le crime organisé et le trafic de drogue au soutien à la conservation et à l’augmentation de la participation économique des femmes.

M. Kirton estime par contre que, malgré les déceptions exprimées par M. Trudeau, le libellé sur l’Ukraine aurait pu être beaucoup plus faible, par exemple en appelant à un cessez-le-feu, comme l’ont demandé certains membres du G20.

Il croit par ailleurs que M. Trudeau appréciera probablement le langage de la déclaration sur les migrations, pour respecter les droits de tous ceux qui quittent leur pays tout en s’attaquant aux causes de la migration irrégulière. M. Kirton estime que cette posture contraste fortement avec les politiques proposées par Donald Trump.

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