La Banque du Canada relève son taux directeur à 1,0 % et prévoit d’autres hausses

Craig Wong, La Presse Canadienne
La Banque du Canada relève son taux directeur à 1,0 % et prévoit d’autres hausses

OTTAWA — La Banque du Canada a imposé mercredi à son taux d’intérêt directeur sa plus importante hausse en plus de 20 ans et a prévenu que d’autres augmentations de taux auraient lieu, alors qu’elle révisait à la hausse ses perspectives d’inflation. 

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a souligné que l’inflation était trop élevée et qu’elle le resterait plus longtemps que la banque ne le pensait auparavant. 

«L’invasion de l’Ukraine a fait monter les prix de l’énergie et d’autres produits de base, et la guerre perturbe davantage les chaînes d’approvisionnement mondiales», a-t-il affirmé. 

«Nous nous préoccupons aussi de la généralisation des pressions sur les prix au Canada.» 

La banque centrale a relevé son taux directeur d’un demi-point de pourcentage à 1,0 %. Elle n’avait pas haussé ce taux d’un demi-point de pourcentage depuis mai 2000. 

L’augmentation devrait inciter les grandes banques canadiennes à augmenter leurs taux préférentiels, un changement qui augmentera le coût des prêts liés à l’indice de référence, notamment les prêts hypothécaires à taux variable. 

Les cinq grandes banques canadiennes, soit la Banque Royale, la Banque TD, la Banque CIBC, la Banque de Montréal et la Banque Scotia, ont toutes annoncé qu’elles augmenteraient leurs taux préférentiels d’un demi-point de pourcentage à 3,20 %, contre 2,70 %, à compter de jeudi. La Banque Laurentienne a aussi pris cette décision. 

James Orlando, économiste principal chez Services économiques TD, a expliqué que des taux d’intérêt plus élevés exerceraient une pression sur les coûts d’emprunt des ménages, car les Canadiens devraient dépenser davantage pour le service de leur dette. 

«Les taux vont commencer à augmenter à un rythme beaucoup plus rapide que celui auquel les gens sont habitués, a-t-il affirmé. Ils préparent une accélération des hausses de taux et il y en aura certainement d’autres qui viendront.» 

Prévisions sur l’inflation révisées à la hausse

Dans son rapport sur la politique monétaire, publié avec sa décision sur la politique monétaire, la Banque du Canada a relevé ses attentes en matière d’inflation, en grande partie à cause de la flambée des prix de l’énergie et d’autres matières premières à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

La banque centrale s’attend désormais à ce que l’inflation annuelle s’établisse à près de 6,0 % pour la première moitié de l’année, et reste bien au-dessus de sa fourchette cible d’entre 1,0 % et 3,0 % tout au long de 2022, avant de redescendre à environ 2,5 % au second semestre de 2023. 

Dans son rapport sur la politique monétaire de janvier, la banque centrale avait indiqué s’attendre à ce que l’inflation soit proche de 5,0 % au premier semestre de 2022, avant de reculer à environ 3,0 % d’ici la fin de l’année. 

Le rythme annuel de l’inflation en février a grimpé à 5,7 %, contre 5,1 % en janvier, a rapporté Statistique Canada le mois dernier. L’agence fédérale publiera la semaine prochaine ses données sur l’inflation pour le mois de mars, qui incluront la flambée des prix de l’essence due à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

Sherry Cooper, économiste en chef des Centres hypothécaires Dominion, a souligné que la banque centrale se rendait maintenant compte que l’inflation provenait non seulement de perturbations de l’approvisionnement, mais également d’une demande excessive. 

«Compte tenu de la montée de l’inflation et de la vigueur de l’économie canadienne, une autre hausse de taux géante pourrait bien être dans les cartes», a observé Mme Cooper. 

Les niveaux élevés d’endettement des ménages constituent un risque clé pour l’économie et des taux d’intérêt plus élevés augmenteront les coûts pour les Canadiens, qui doivent déjà faire face à des prix plus élevés à l’épicerie et à la pompe à essence.

M. Macklem a noté que les Canadiens devraient s’attendre à ce que les taux d’intérêt continuent d’augmenter pour revenir vers des niveaux plus normaux, mais a rappelé que la banque centrale avait un objectif cible pour l’inflation, et non pour les  taux d’intérêt. 

«Le Conseil de direction n’est donc pas en mode « pilote automatique » vers une destination préétablie pour le taux directeur», a-t-il déclaré.

«Nous évaluerons la réaction de l’économie. Nous examinerons l’impact des taux d’intérêt plus élevés sur les Canadiens. Nous sommes très conscients que les ménages canadiens sont en moyenne relativement fortement endettés.» 

La Banque du Canada a ramené mercredi son estimation du taux neutre nominal — ce que serait le taux d’intérêt si l’inflation était stable et l’économie était au plein emploi — à son niveau prépandémique, soit dans une fourchette comprise entre 2,0 % et 3,0 %. 

L’estimation d’avril 2021 de la banque se situait dans la fourchette comprise entre 1,75 % et 2,75 %. 

Resserrement quantitatif 

La Banque du Canada a aussi annoncé un assouplissement des mesures de relance mises en place pour la pandémie. La banque centrale entamera un «resserrement quantitatif» le 25 avril, date à laquelle les obligations d’État qu’elle détient ne seront plus remplacées à leur échéance. Au début de la pandémie, la Banque du Canada a acheté des milliards d’obligations d’État, dans le but de maintenir la circulation de l’argent lorsque l’économie s’est arrêtée. 

Dans ses perspectives économiques, la Banque du Canada a dit s’attendre à ce que la croissance au deuxième trimestre s’accélère à un taux annuel de 6,0 %, une augmentation par rapport à celle de 3,0 % du premier trimestre. 

Elle a ajouté que les effets du variant Omicron du virus causant la COVID-19 avaient pesé sur l’économie au début de l’année, mais que ceux-ci avaient été de courte durée. 

La banque a indiqué que le marché du logement était solide au premier trimestre, mais elle s’attend à ce que les ventes ralentissent quelque peu au deuxième trimestre avec la hausse des taux hypothécaires. 

La prochaine annonce de la banque centrale sur les taux d’intérêt est prévue pour le 1er juin, tandis que son prochain rapport sur la politique monétaire, qui comprendra ses perspectives actualisées pour l’économie et l’inflation, devrait être publié en même temps que la décision de la banque sur les taux d’intérêt le 13 juillet. 

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