QUÉBEC — La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) recommande finalement un troisième lien Québec-Lévis qui prendrait la forme d’un tunnel sous le fleuve Saint-Laurent et qui serait uniquement réservé à une ligne de tramway.
Cette proposition surprise fait partie du plan Circuit intégré de transports express (CITÉ) de 15,5 milliards $ sur 15 ans que la CDPQ a présenté aux journalistes, mercredi, et qui repose entièrement sur des solutions de transport en commun.
Après six mois d’analyse, la CDPQ en vient donc à la conclusion que rien ne justifie la construction d’un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis, une avenue pourtant longtemps privilégiée par la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault.
«Les analyses démontrent qu’un lien interrives routier de plus ne peut pas être justifié du point de vue de la mobilité, et CDPQ Infra ne préconise donc pas sa réalisation», peut-on lire dans le rapport, qui souligne qu’un lien autoroutier ne soulagerait pas la congestion sur les autres artères et que les automobilistes gagneraient à peine cinq minutes.
À ceux qui s’inquiètent des impacts d’une éventuelle fermeture du Pont Pierre-Laporte sur le transport de marchandises et la «sécurité économique», la CDPQ répond que cette question dépasse son mandat et que le gouvernement pourra éventuellement l’analyser s’il le souhaite.
En conférence de presse à Québec pour présenter leur rapport de 140 pages, les dirigeants de la CDPQ Infra ont dit s’être inspirés de la ville de Lyon, en France, pour imaginer un réseau de transport structurant à Québec qui aurait comme «colonne vertébrale» un tramway.
«Lyon, c’est une ville qui a un réseau de métro, de tramway, de SRB, des trolley bus, des funiculaires, des autobus, des mini bus et des taxi bus. Chacun de ces modes répond à un besoin particulier. On a essayé dans notre plan intégré de refléter cette diversité du mode», a illustré Denis Andlauer, vice-président Exploitation.
Tramway, SRB, autobus
Plus précisément, à terme, le Plan CITÉ prévoit des lignes de tramway qui relieraient sur 28 kilomètres Québec et ses secteurs centraux d’est en ouest, ainsi que vers le nord. Une première phase, de Le Gendre à Charlesbourg, pourrait être complétée d’ici 2030, selon les analyses.
Ce réseau de tramway compterait une quarantaine de stations accessibles universellement, ouvertes 20 heures par jour avec de hautes fréquences de service, indique-t-on dans le rapport.
À cela s’ajouterait une autre ligne de tramway «en tunnel» faisant sept kilomètres et environ 10 mètres de diamètre, qui relierait les centres-villes de Québec et de Lévis et qui comporterait trois stations. Ce nouveau lien permettrait, selon la CDPQ, de relier les deux centres-villes en six minutes.
Or, «la croissance démographique de Lévis et de la Rive-Sud, ainsi que la densification accrue du territoire dans le secteur du pôle Desjardins, sont toutefois des conditions préalables à la réalisation de ce lien interrives de transport collectif, prévu après 2035», précise-t-on.
Le réseau du tramway de 28 km à Québec représente des coûts de 7 milliards $, tandis que le tramway en tunnel entre Québec et Lévis a un coût estimé à près de 4 milliards $, en prix d’aujourd’hui.
Le plan de la CDPQ propose également deux réseaux de Service rapide par bus (SRB), un dans l’axe Charest à Québec, et l’autre dans les axes du boulevard Guillaume-Couture et de la route des Rivières à Lévis, pour un total de 30 kilomètres de corridors dédiés.
Il prévoit aussi des lignes d’autobus fréquentes et express pour desservir les banlieues nord et la couronne périphérique de la Rive-Sud.
Les voies réservées et de SRB sont évaluées à environ 4,5 milliards $. L’ensemble du plan déployé au cours des 15 prochaines années coûterait au bas mot aux contribuables 15,5 milliards $.
Pour réaliser son mandat, la CDPQ a examiné près de 1000 études, plans et rapports, rencontré 172 parties prenantes et effectué une analyse des habitudes de déplacement, sur la base de l’enquête origine-destination 2017. Elle a aussi pris en considération les données de déplacements provenant des différentes sociétés de transport et du ministère des Transports et de la Mobilité durable.
C’est le gouvernement Legault qui, après plusieurs spectaculaires changements de cap, avait confié le mandat à la CDPQ, le 20 novembre dernier, de trouver des moyens d’améliorer la mobilité dans la grande région de Québec.
Il revient maintenant au gouvernement d’endosser ou non le Plan CITÉ, a déclaré mercredi le président de la CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud, qui a clairement fait savoir que son organisme était intéressé à réaliser cet important chantier de transport collectif.
«C’est certain qu’on aimerait bien contribuer, a-t-il affirmé. Développer des plans de mobilité, améliorer la mobilité et le transport en commun, c’est quelque chose d’important et (…) qui le sera de plus en plus dans l’avenir.»
Marchand ravi, Lehouillier déçu
En point de presse mercredi après-midi, le maire de Québec, Bruno Marchand, a dit adhérer complètement au Plan CITÉ de la CDPQ.
«C’est un plan ambitieux, structurant, qui projette la ville en 2040 et même plus loin, et qui répond aux différents besoins, à tous les citoyens, dans tous les quartiers et pour toutes les générations», s’est-il réjoui.
«Il est temps de tous se rallier. Le temps des hésitations est terminé. Le temps des divisions, aussi. Le temps de passer à l’action est arrivé», a-t-il ajouté.
Sans surprise, le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, un grand partisan du troisième lien autoroutier, a quant à lui exprimé sa vive déception en invitant le gouvernement à respecter sa promesse électorale.
«Moi, je suis un de ceux qui est convaincu que tout le caucus de Chaudière-Appalaches et de la Capitale-Nationale exige ce lien autoroutier, exige finalement le respect des engagements du gouvernement.
«À mon avis, si le gouvernement adopte une position trop molle avec le lien autoroutier, bien j’ai comme l’impression qu’on peut s’attendre à des remous très forts au sein du caucus», a déclaré M. Lehouillier.
