OTTAWA — Le long combat d’un automobiliste de la Nouvelle-Écosse pour récupérer sa plaque d’immatriculation personnalisée portant son nom de famille, «Grabher», a pris fin jeudi, alors que la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre sa cause en appel.
Comme à son habitude, le plus haut tribunal n’a pas motivé sa décision, jeudi. Dans sa demande d’autorisation d’appel, l’avocat de Lorne Grabher soutenait que la décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse violait son droit à la liberté d’expression, garanti par la Charte.
«Nous sommes déçus de la décision», a déclaré l’avocat de M. Grabher, Jay Cameron, de l’organisme «Justice Center for Constitutional Freedoms», qui défend les libertés individuelles.
Me Cameron soutient qu’il n’y avait absolument aucune preuve que la plaque d’immatriculation a causé du tort à quiconque dans la communauté en général. Il a souligné que ce patronyme était d’origine austro-allemande.
«Pour que son nom signifie quelque chose, vous devez l’angliciser et y ajouter des mots — ce que le gouvernement a fait, avant de le censurer, a déclaré Me Cameron en entrevue. Je pense qu’il y a toujours un problème avec la façon dont la loi est interprétée ici.»
En anglais, l’expression «grab her» peut se traduire par «attrape-la» ou «agrippe-la».
Me Cameron soutient qu’une plaque «Grabher» est actuellement utilisée en Alberta et qu’un tribunal du Manitoba a déjà statué que la Charte canadienne des droits et libertés s’appliquait bel et bien aux plaques d’immatriculation personnalisées.
M. Grabher n’était pas immédiatement disponible pour commenter, jeudi.
«Violence sexiste»
La plaque d’immatriculation de M. Grabher, qu’il possédait depuis près de 30 ans, a été révoquée par le registraire des véhicules automobiles de la province en décembre 2016. Le registraire disait avoir reçu une plainte selon laquelle la plaque encourageait la haine envers les femmes.
M. Grabher a contesté cette décision devant les tribunaux en 2017, plaidant son droit à l’égalité et à la liberté d’expression. Maisdans une décision unanime, en août dernier, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a conclu que le tribunal de première instance avait eu raison de statuer que la plaque d’immatriculation n’était pas un domaine auquel s’appliquait la liberté d’expression.
Par ailleurs, au nom du comité d’appel de trois magistrats, la juge Cindy A. Bourgeois a également souligné que la plaque pouvait effectivement être interprétée comme un appel à la violence sexiste.
Dans sa demande d’autorisation d’appel en Cour suprême, Me Cameron a plaidé que la question à trancher était de savoir si les plaques personnalisées appartenant au gouvernement devaient être exclues du champ d’application des garanties de la Charte relatives à la «liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression».
D’autres cas de plaques personnalisées
Ce n’est pas la première fois que l’organisme «Justice Center for Constitutional Freedoms», établi en Alberta, défend une cause de plaque d’immatriculation personnalisée. En juin 2020, l’organisme avait réussi à obtenir du registraire des véhicules de l’Alberta qu’il annule une décision refusant à Tomas Manasek une plaque d’immatriculation «FREE AB» («Alberta libre»).
L’organisme a également permis à un Autochtone du Manitoba de récupérer sa plaque personnalisée «NDN CAR» — l’abréviation «NDN» renvoie en anglais nord-américain à «Native Indian», ou «Amérindien».
Une autre contestation judiciaire contre la Société d’assurance publique du Manitoba s’est avérée cette fois infructueuse: la plaque «ASIMIL8» d’un fervent amateur de «Star Trek» a été révoquée en raison d’une plainte selon laquelle elle était offensante pour les Autochtones («Assimilez-vous»).