La grippe aviaire force l’abattage de 150 000 canards et 300 mises à pied

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne
La grippe aviaire force l’abattage de 150 000 canards et 300 mises à pied

MONTRÉAL — L’éleveur québécois Canards du Lac-Brome, qui a détecté des cas de grippe aviaire dans trois de ses installations, devra abattre 150 000 oiseaux et mettre à pied près de 300 employés. 

Il faudra probablement de 6 à 12 mois, et peut-être plusieurs millions de dollars, pour que l’entreprise puisse rétablir complètement ses activités, selon sa directrice générale, Angela Anderson. 

L’entreprise a annoncé son premier cas de grippe aviaire le 13 avril. Le virus a été détecté après que les employés de l’un de ses sites ont remarqué que certains des oiseaux tombaient malades et ont contacté un vétérinaire, qui a recommandé des tests. 

Seulement 3 des 13 sites de l’entreprise sont touchés par le virus H5N1, mais l’un d’eux contenait tout son cheptel reproducteur, soit 400 000 œufs de cane de Pékin qui ont été détruits par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). 

Une fois que les volailles qui se trouvent dans les installations non affectées seront traitées, l’entreprise devra mettre à pied du personnel, car il n’y aura plus de nouveaux canards. 

«Hier, j’ai fait le tour de tous les sites de production, du siège social et de l’usine de transformation pour aviser les employés qu’on ferait des mises à pied temporaires d’ici quatre à cinq semaines. C’était une journée extrêmement difficile, mouvementée et émotionnelle pour les employés et la direction», a indiqué Mme Anderson, ajoutant que le nombre ne comprenait pas les nombreux commerçants et livreurs. 

Une première au Québec 

Le vétérinaire Jean-Pierre Vaillancourt, de l’Université de Montréal, a indiqué que la grippe aviaire H5N1 était hautement pathogène et représentait la souche la plus à risque à laquelle les agriculteurs québécois n’ont jamais été confrontés. 

«Nous surveillons la grippe aviaire depuis 1959, et nous ne l’avons jamais eue au Québec, c’est donc une première en ce moment», a expliqué M. Vaillancourt lors d’une entrevue. 

La grippe aviaire, a-t-il ajouté, est présente chez les oiseaux sauvages depuis des années, mais elle n’a pas posé de risque significatif, car le niveau de contamination de l’environnement a toujours été faible. 

Cette souche, cependant, est plus forte et plus contagieuse, ce qui signifie que le virus circule davantage, selon le vétérinaire. La souche a également une période d’incubation plus longue que les souches précédentes, ce qui rend les oiseaux potentiellement contagieux pendant des jours avant que quiconque ne se rende compte qu’ils sont malades. 

Le virus peut pénétrer dans une installation par contact avec des oiseaux sauvages, a expliqué M. Vaillancourt, ajoutant qu’il peut également être introduit par la paille et la litière, voire par les chaussures de personnes qui ont marché près d’un étang où les oiseaux se rassemblent. Bien qu’il dit que les agriculteurs ne devraient pas paniquer, ils doivent être prudents et mettre en œuvre des protocoles de biosécurité. 

Selon lui, même si elle ne présente pas beaucoup de risques pour l’homme, elle est si contagieuse que tous les animaux d’une ferme infectée doivent être abattus sur place pour empêcher la propagation du virus. Sans contrôle, le virus peut tuer la moitié ou plus des animaux d’un troupeau. 

Les premiers cas de grippe aviaire au Québec ont été détectés chez des oies sauvages plus tôt ce mois-ci, et plusieurs autres provinces ont déjà signalé des éclosions dans des populations sauvages et domestiques. Mercredi matin, l’ACIA avait confirmé la présence de la grippe dans quatre sites au Québec, tous dans la région de l’Estrie.

Soutien des gouvernements nécessaire

Pour Mme Anderson, il ne sera pas facile de redémarrer les activités de  Canards du Lac-Brome, qui est l’un des plus grands producteurs de canards au Canada. Ses assurances ne couvrent pas la mortalité animale, a-t-elle expliqué, ajoutant que, bien qu’il y ait une certaine compensation de l’ACIA, elle ne couvrait pas les pertes. 

Les nouveaux animaux devront également provenir d’Europe, qui est touchée par ses propres problèmes de grippe aviaire. 

«On parle de 15 millions $ à 20 millions $ pour repartir les activités… On a du cœur, on a de l’énergie, on a de la volonté, mais on ne va pas y arriver tout seuls, ça va nous prendre l’engagement de tous les paliers gouvernementaux en agriculture, en agroalimentaire et, naturellement, en économie», a souligné Mme Anderson. 

Bien que l’entreprise ait été confrontée à d’autres défis, notamment un incendie majeur en 2016, elle a indiqué que c’était le plus important à ce jour. 

M. Vaillancourt a souligné que le changement climatique jouait probablement un rôle dans l’évolution de virus plus mortels, car les changements de température affectent les migrations des oiseaux, conduisant certaines espèces sauvages à visiter des zones où ils n’allaient pas auparavant. Les éleveurs, a-t-il dit, doivent être préparés à davantage de virus dans les années à venir. 

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