La musique aurait un impact bénéfique sur la démence

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
La musique aurait un impact bénéfique sur la démence

MONTRÉAL — L’utilisation thérapeutique de la musique retient de plus en plus l’attention des chercheurs, qu’il s’agisse de soulager une douleur chronique, d’alléger le stress ou la dépression, ou de tout simplement améliorer le sentiment de bien-être.

Des études ont par exemple démontré que l’écoute de la musique semble réduire l’agressivité, l’agitation et l’anxiété des gens atteints de démence. Une petite étude publiée en 2017 indiquait quant à elle que la musique semble améliorer la fonction exécutive d’adultes atteints de démence, c’est-à-dire leur capacité à résoudre des problèmes, à réguler leurs émotions et à se concentrer.

«Mais ce n’est pas tout le monde qui va répondre, a précisé le professeur Robert Zatorre, un expert de l’effet de la musique sur le cerveau à L’Institut-Hôpital neurologique de Montréal. Certains vont répondre très bien, d’autres un peu moins et d’autres pas du tout, et on ne sait pas pourquoi. Mais ce n’est pas magique ou miraculeux. Même chez les personnes qui répondent, (l’effet bénéfique) peut durer seulement quelques minutes, et après elles vont retomber dans leur problème.»

Des scientifiques ont découvert il y a plusieurs années que l’écoute de la musique mobilise plusieurs régions du cerveau, notamment celle responsable de la mémoire et des émotions, celle qui gère les perceptions et l’apprentissage, et celle à l’origine des mouvements volontaires.

Il semblerait aussi que ces régions sont moins amochées par la démence que d’autres, ce qui expliquerait pourquoi les gens qui en sont atteints sont toujours capables de réagir à la musique.

Les bienfaits de la musique pour le cerveau sont encore plus importants quand il s’agit d’un genre musical que l’auditeur apprécie ou encore d’une mélodie associée à des souvenirs et des émotions.

Il faut aussi tenir compte de l’aspect culturel, a ajouté le professeur Zatorre. Un Québécois aura par exemple plus de chances de réagir à la musique des Cowboys fringants qu’un individu originaire d’Asie.

«C’est souvent la charge émotive qui va avoir un effet, a-t-il expliqué. Donc, dans un cadre thérapeutique, c’est bien de choisir une musique connue, ou encore une musique qui n’est pas connue, mais qui ressemble à quelque chose de facile à reconnaître pour l’individu.»

Lac des Cygnes

Ce sont des images qui ont fait le tour du monde, et qui donnent le frisson.

Une ballerine âgée, lourdement hypothéquée par la démence, confinée à son fauteuil roulant par la maladie d’Alzheimer, s’anime soudainement et se met à danser au son du «Lac des Cygnes».

«On n’est pas en mesure d’expliquer exactement ce qui se passe, a admis le professeur Zatorre. Mais une chose importante pour moi, c’est le rôle du système de récompense dans le cerveau, un système qui nous permet de ressentir du plaisir à certains stimuli.»

Après tout, poursuit-il, ce système est essentiel à la survie, puisque c’est celui qui permet de ressentir du plaisir, par exemple, quand on mange ou quand on participe à une activité sexuelle. «Il y a donc des bases biologiques très importantes pour la survie», a-t-il rappelé.

Dans le cas de la ballerine, a ajouté le professeur Zatorre, il s’agit vraisemblablement de quelqu’un qui avait reçu une formation musicale très particulière et pour qui la musique avait toujours occupé une très grande place.

«En écoutant la musique, je suppose qu’il y a une expression de dopamine dans son cerveau, et la dopamine va créer plusieurs comportements parce qu’elle est aussi reliée au mouvement, a-t-il expliqué. Si la musique déclenche cette réaction avec la dopamine, c’est peut-être ce qui pourrait expliquer pourquoi elle commence à bouger, parce que maintenant il y a plus de dopamine et que cela facilite le mouvement.»

Mais pour le moment, a dit le professeur Zatorre, on manque de données scientifiques pour mieux comprendre l’effet de la musique sur le cerveau. On ne dispose que d’anecdotes et d’observations qui, tout intéressantes soient-elles, ne constituent en rien une preuve scientifique.

«Pour quelques individus, ça pourrait avoir un effet assez profond, donc ça vaut toujours la peine d’essayer et de continuer à essayer parce que ça peut varier d’une fois à l’autre, a-t-il dit en conclusion. La personne ne répond pas un jour, mais vous revenez le jour après et elle va répondre, donc ça vaut toujours la peine. Et l’avantage de la musique, c’est que ça ne coûte rien et il n’y a pas de risque. Ça ne fera jamais de tort.»

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