JASPER, ALBERTA — Plus d’un siècle sera nécessaire pour que la forêt de Jasper, récemment dévasté par un incendie, retrouve sa splendeur d’antan, affirme une experte.
Selon Jen Beverly, professeur agrégée de l’Université de l’Alberta, la régénération dépendra de divers facteurs, comme la profondeur du sol affecté par les flammes. Le nombre de pommes de pin ayant éclaté comme du maïs soufflé à cause de la chaleur, libérant des graines, jouera aussi un rôle.
La Pre Beverly, qui étudie les feux de forêt depuis 25 ans, ajoute que cela dépendra aussi des répercussions encore inconnues des changements climatiques.
«Ce n’est pas une catastrophe d’un point de vue écologique, mais on sait que l’avenir compte plusieurs incertitudes, souligne-t-elle. Les écosystèmes évoluent, mais la transformation d’un espace ouvert en forêt peut s’étendre sur des siècles. Une perturbation ? Et revoici l’aire ouverte. On ne peut pas les garder dans un même état comme s’ils étaient des cartes postales immuables.»
Il y a plus de trois semaines, les quelque 5000 habitants de Jasper, en Alberta, avaient dû fuir la ville en raison des incendies de forêt. Environ 20 000 visiteurs avaient également été évacués.
Deux jours plus tard, le feu avait atteint la ville, détruisant le tiers des bâtiments.
Le retour de la population s’est amorcé vendredi. Elle a notamment été accueillie par des souches d’arbres couvertes de suie.
La Pre Beverly croit avoir certains indices sur la régénération de Jasper. Ceux-ci sont déjà présents dans le parc national.
Par exemple, à environ 30 minutes de route au nord de la ville, dans un secteur vallonné près de Syncline Ridge.
En 2003, cette forêt de vieux pins et d’épinettes a complètement été ravagée tout près d’une route, rappelle la Pre Beverly.
Le paysage ressemblait à celui qui a récemment brûlé. Les deux forêts ont également été incendiées au début des années 1900. Mais elles avaient été épargnées pendant près d’un siècle, au point d’être surnommées «les forêts non brûlées».
«Aujourd’hui, Syncline est classé comme une prairie. Et déjà 20 ans se sont écoulés depuis l’incendie, dit la Pre Beverly. Cela peut changer à mesure que la forêt reprend ses droits. L’ancienne forêt a atteint son stage de maturité après des décennies. Alors, les visiteurs du parc devront contempler des aires ouvertes pendant les décennies à venir.»
Elle soutient que lorsqu’un incendie ravage une forêt, il laisse derrière lui un environnement sain pour la régénération.
«C’est vraiment un beau processus. Le feu tue les arbres qui servaient de combustibles, fait éclater les pommes de pin, mettant ainsi en place ce beau lit de semence. C’est un événement naturel. Ces écosystèmes évoluent par le feu.»
Les changements climatiques peuvent aussi être un facteur.
«Nous savons que le climat peut avoir un impact sur la façon dont un écosystème réagira au cours des prochaines années. Par exemple: une sécheresse continue», note-t-elle.
Les stratégies de conservation peuvent aussi modifier l’avenir d’une forêt.
«Nous devons accepter les mesures mises en place par les autorités. Prévoir des opérations de brûlage et éliminer des arbres qui peuvent devenir des combustibles afin de réduire les risques peuvent modifier l’apparence de ces secteurs, explique la Pre Bervely. Cela sera une chose intéressante à surveiller au cours des prochaines années. À quoi ressemblera le secteur d’ici 10, 20 ou 50 ans ?»