La survie des orques dans les eaux de la Colombie-Britannique est menacée

Brenna Owen, La Presse Canadienne
La survie des orques dans les eaux de la Colombie-Britannique est menacée

L’orque résidente du Sud connue sous le nom de Tahlequah a suscité la sympathie mondiale en 2018 lorsqu’elle a poussé le corps de son baleineau mort pendant plus de deux semaines dans les eaux au large de la côte sud de la Colombie-Britannique.

Certains scientifiques et défenseurs des droits des animaux ont qualifié la scène de démonstration de chagrin public.

Toutefois, l’impact de cette perte a dépassé le cadre de Tahlequah. Il s’agit d’un coup dur pour l’ensemble de la population d’orques résidentes du Sud, qui ne compte que 74 individus.

Des recherches récentes suggèrent un taux de base de perte de population d’environ 1 % par an – basé sur une modélisation et 40 ans d’observations – plaçant les baleines sur la voie d’une «période de déclin accéléré qui présage l’extinction». Même ce taux de perte est «optimiste», selon la recherche.

L’étude souligne l’urgence des appels lancés par une coalition de groupes environnementaux au gouvernement canadien pour qu’il revienne sur sa décision de ne pas émettre d’ordonnance de protection d’urgence pour les baleines, face à ce qui pourrait autrement être un déclin inexorable.

Les principaux prédateurs océaniques sont classés comme en voie de disparition en vertu des lois canadiennes et américaines sur les espèces en péril, qui visent à déclencher des protections. Mais les mesures n’ont donné aucun signe de rétablissement pour les baleines, a affirmé la coalition qui comprend, entre autres, la Fondation David Suzuki et la Raincoast Conservation Foundation.

Misty MacDuffee, biologiste de la conservation chez Raincoast, a déclaré que la longue durée de vie potentielle des baleines pourrait obscurcir leur parcours vers l’extinction. Parcs Canada affirme qu’une baleine connue sous le nom de Granny était estimée à 105 ans lorsqu’elle est morte, bien que cet âge ait été contesté.

«Nous devons toujours nous rappeler que ce sont des animaux qui vivent longtemps et que la population peut disparaître au fil des décennies simplement parce que ces animaux sont encore en vie», a affirmé Mme MacDuffee, co-autrice de la récente étude.

Elle a expliqué que la recherche publiée dans la revue Communications Earth & Environment en avril montre «qu’il n’y a aucune possibilité de rétablissement» pour les orques résidentes du Sud dans les conditions actuelles de leur habitat.

L’étude note que sur une population de 75 baleines, «une seule naissance ou un seul décès représente une croissance ou un déclin annuel de la population de 1,4 %, soulignant la valeur de chaque individu dans la prévention de la disparition d’une population».

«C’est tellement grave pour ces baleines. Si nous avions agi il y a dix ans (…) nous ne serions peut-être pas dans cette situation. Nous avons très peu fait», a soutenu Mme MacDuffee.

«Le gouvernement prend des décisions pour dire: «Eh bien, les aspects économiques et d’autres objectifs l’emportent sur le rétablissement de ces baleines».»

Des «menaces imminentes» pour leur survie

Alors que les menaces s’accumulent dans la mer des Salish, le couloir maritime très fréquenté au large de la côte sud de la Colombie-Britannique où les orques résidentes du Sud se nourrissent de saumon royal, les scientifiques affirment que la survie des baleines ne tient qu’à un fil.

Les orques résidentes du Sud symbolisent désormais la beauté et la biodiversité de la région et revêtent une importance particulière pour les peuples autochtones.

Dans l’État de Washington, le nom donné aux orques par la nation Lummi, «qwe lhol mechen», signifie «membres de la famille sous les vagues».

Elles sont également d’une complexité captivante.

Mme MacDuffee a souligné le comportement de Tahlequah comme une sorte de deuil public pour son bébé mort.

«Elle l’a fait publiquement. Elle a fait le tour des eaux les plus en vue. Elle n’est pas sortie, vous savez, au large du banc Swiftsure», a déclaré Mme MacDuffee, faisant référence à un site situé à l’extrémité Pacifique du détroit de Juan de Fuca. «Elle est restée ici et a traversé le détroit de Haro, les îles Gulf, le détroit de Géorgie, les eaux les plus en vue dans lesquelles elle pourrait se trouver.»

Cette complexité n’a pas toujours été respectée : les orques résidentes du Sud ont été décimées dans les années 1960 et 1970 par les captures d’animaux vivants destinés aux aquariums, et elles n’ont pas réussi à s’en remettre depuis. Elles ne se reproduisent pas avec d’autres orques.

En 2018, les autorités canadiennes avaient déterminé que les résidentes du Sud étaient confrontées à des «menaces imminentes» pour leur survie et leur rétablissement. Elles comprenaient la disponibilité du saumon royal, les collisions avec des navires, ainsi que les perturbations liées au bruit et aux contaminants environnementaux.

Mais Ottawa a refusé d’émettre un décret d’urgence à l’époque, choisissant plutôt de mettre à jour la stratégie de rétablissement préexistante et de souligner les mesures et les engagements déjà en place, notamment la fermeture saisonnière des pêches, les travaux de reconstitution des stocks de saumon royal et les outils pour alerter les navires de la présence de baleines.

Mme MacDuffee a fait valoir que les conditions n’ont fait qu’empirer pour les résidentes du Sud depuis lors, sans aucun signe de reprise malgré les efforts et les promesses du gouvernement.

De nouveaux projets qui inquiètent

Les groupes de conservation affirment que les mesures existantes ne donnent pas de résultats, d’autant plus que davantage de pétroliers ont commencé à transporter des produits pétroliers provenant du pipeline Trans Mountain agrandi. L’année dernière, Ottawa a également approuvé des plans pour un nouveau terminal à conteneurs maritimes près de l’embouchure du fleuve Fraser.

Les demandes de la coalition incluent l’interdiction d’une nouvelle augmentation du trafic maritime provenant de nouveaux projets industriels approuvés par le gouvernement fédéral dans la mer des Salish, jusqu’à ce qu’Ottawa fournisse un plan global pour gérer les effets cumulatifs des perturbations sous-marines.

Les groupes souhaitent également que le gouvernement fédéral augmente la distance minimale à laquelle les opérateurs de navires doivent rester à l’écart des baleines à 1000 mètres, au lieu de 400 mètres; et d’adopter des objectifs «significatifs» de réduction du bruit sous-marin.

Un courriel de Pêches et Océans Canada indiquait que le ministère «examinait la pétition pour déterminer la voie à suivre» tout en soulignant ses efforts existants.

Le gouvernement fédéral soutient qu’il travaille sur des mesures pour lutter contre le bruit sous-marin et le risque de collision avec des navires, pour mettre à jour les exigences fédérales en matière d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures en milieu marin, et pour aider les groupes autochtones à surveiller les effets cumulatifs de l’activité humaine.

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