MONTRÉAL — La nature du travail des policiers affecte inévitablement leur santé mentale. Pour les soutenir dans leur bien-être psychologique, l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) s’affaire à mettre sur pied un programme en santé mentale pour tous les policiers de la province.
Certains services de police possèdent déjà ce genre de programme, mais ce ne sont pas toutes les municipalités qui en bénéficient.
L’Association compte présenter des options de programme au ministère de la Sécurité publique d’ici quelques mois et elle souhaite un appui financier du gouvernement pour mener à bien ce projet. «L’ADPQ est convaincue que ce type de programme est essentiel», a mentionné lundi Pierre Brochet, président de l’ADPQ, en conférence de presse au Service de police de l’agglomération de Longueuil.
«L’Association est consciente que de nombreux services de police n’ont pas les ressources nécessaires pour offrir un accès régulier à des psychologues spécialisés. C’est pourquoi l’ADPQ a eu l’idée de créer un programme québécois d’aide aux policiers. Aujourd’hui, nous n’annonçons pas ce programme. Nous confirmons que l’ADPQ travaille de concert avec la Sûreté du Québec afin de voir quel type de programme pourrait voir le jour et les coûts qui y seraient associés», a précisé M. Brochet, qui est également directeur de police à Laval.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) fait partie des services qui ont mis sur pied leur propre programme d’accompagnement en santé mentale pour leurs agents. Le programme du SPVM est principalement financé par la Ville de Montréal, ce qui n’est pas le cas de toutes les municipalités du Québec. «Ils ont un très bon système de suivi pour tout ce qui est problème de santé mentale avec des psychologues dédiés, indique M. Brochet en parlant du SPVM. On se base beaucoup sur cet exemple dans notre volonté d’élargir un modèle qui serait similaire, mais à travers la province.»
Concrètement, l’ADPQ souhaite que le gouvernement alloue un budget pour son programme québécois, un financement qui se ferait probablement de manière conjointe avec les municipalités, a expliqué M. Brochet.
Il souligne que le modèle de Montréal devrait être adaptable à l’ensemble des policiers du Québec en fonction de leur réalité. Il existe par ailleurs des défis de recrutement et de rétention de psychologues dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Hanté par des sons, des odeurs et des images
Au Québec, les lésions psychologiques sont 5,2 fois plus élevées chez les policiers que pour les autres professions. Cela s’explique surtout en raison des événements potentiellement traumatisants auxquels les policiers sont exposés sur une base quotidienne, a expliqué Annie Gendron, chercheuse au Centre de recherche et développement stratégique de l’École nationale de police du Québec.
Mme Gendron a ajouté que plus de 75 % des policiers rapportent avoir été exposés à de tels événements au moins une fois en carrière.
L’agent Pierre-Charles Lussier, de la Régie de police de Roussillon, a témoigné de son expérience lors de la conférence de presse.
Il avait la voix nouée au micro lorsqu’il a raconté le décès de son meilleur ami, il y a cinq ans, qui s’est enlevé la vie. Son supérieur l’aurait empêché de rentrer dans la maison, mais l’image de son ami décédé sur une civière le tourmente encore.
M. Lussier a aussi mentionné d’autres événements qui le troublent encore aujourd’hui, notamment un jeune qui a commis l’irréparable en se jetant d’un viaduc et dont une voiture a percuté la dépouille. «Je me souviens de la scène horrible. […] Ce sont des symptômes qui me reviennent chaque fois que je vois un viaduc quand je suis sur la route», témoigne l’agent Lussier, qui a été diagnostiqué avec un syndrome de stress post-traumatique.
À sa première année de carrière, M. Lussier a été témoin de 17 décès, dont des accidents de la route, des gestes volontaires et des morts de cause naturelle. «Ce sont des odeurs, des images, des émotions fortes qui reviennent et qui nous hantent, sans compter les cauchemars. […] On n’est pas des robots ni des superhéros, on est des humains comme tout le monde», rappelle M. Lussier, qui est policier depuis 10 ans.
M. Brochet a commenté que Roussillon est «un coin assez tranquille», une partie résidentielle de la Rive-Sud de Montréal. Il souligne que cela démontre que ce n’est pas parce qu’un agent travaille dans un plus petit corps policier qu’il sera nécessairement moins exposé à des événements potentiellement traumatisants.
«Tout le monde va vivre des événements traumatisants, ça fait partie de la nature du métier. On ne peut pas passer à côté. Quand il y a des crimes ou des événements graves, on appelle le 9-1-1 et les policiers sont les premiers arrivés. Ça ne changera pas. Alors il faut voir comment développer la résilience chez nos policiers et les préparer à cela», soutient-il.
La conférence de presse de lundi visait à poursuivre le déploiement d’une campagne de valorisation du métier de policier, dont le thème de cette année porte sur la santé mentale des policiers. Une vidéo destinée au grand public a été diffusée pour sensibiliser à cet enjeu.
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