LaSalle—Émard—Verdun: une course à trois se dessine; les libéraux largement en recul

Michel Saba, La Presse Canadienne
LaSalle—Émard—Verdun: une course à trois se dessine; les libéraux largement en recul

OTTAWA — Justin Trudeau est loin d’être sorti du bois à l’aube du déclenchement d’une élection partielle cruciale pour son leadership. Un récent sondage auprès des électeurs de la circonscription montréalaise de LaSalle—Émard—Verdun indique qu’une course à trois se profile dans ce qui était perçu comme un château fort.

Selon le coup de sonde réalisé par la firme Mainstreet Research il y a deux semaines, le Parti libéral du Canada se voit créditer de 26,2 % des intentions de vote – une baisse de 16,7 points par rapport à la dernière élection. Le Bloc québécois en recueille 23,7 %, le Nouveau Parti démocratique 23,3 % et le Parti conservateur du Canada 11,9 %. Près de 8,7 % des répondants se disent indécis.

La chute des libéraux est «très significative», souligne le président de la firme de sondage, Quito Maggi, en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Je pense que c’est simplement la tendance générale à l’heure actuelle (alors que) les libéraux éprouvent des difficultés dans les sondages partout au pays», croit-il.

La circonscription de LaSalle—Émard—Verdun peut être considérée comme un de leurs châteaux forts. Ils ont remporté les trois élections qui s’y sont tenues depuis sa création.

Lors du dernier scrutin, l’ancien ministre de la Justice David Lametti avait été réélu avec 42,9 % des voix, terminant loin devant ses adversaires. Le candidat bloquiste avait recueilli 22,1 % des suffrages, celui du NPD était arrivé troisième (19,4 %) et le conservateur en avait obtenu 7,5 %. Le candidat du Parti populaire avait obtenu 3,4 % et celui du Parti vert 3,0 %.

M. Maggi a noté que dans la circonscription «d’un côté c’est une lutte entre les libéraux et le Bloc, et de l’autre c’est une lutte entre les libéraux et le NPD».

Il a dit croire qu’une dynamique où il y a «le vote libéral, et le vote non libéral» pourrait se former autour du NPD ou du Bloc, un peu comme dans Toronto–St. Paul’s où les libéraux ont connu le mois dernier une pénible défaite aux mains des conservateurs dans ce qui était aussi considéré comme un de leurs bastions.

M. Maggi, comme plusieurs autres analystes consultés, considère que les conservateurs n’ont «aucune chance» dans cette course.

Le sondage a été réalisé à l’initiative de la firme à l’aide d’appels automatisés sur des lignes fixes et des cellulaires les 8 et 9 juillet auprès de 329 répondants. La marge d’erreur est de 5,4 %, 19 fois sur 20.

«Il n’y a plus rien de sûr»

Avec un tel sondage, «le tableau de bord au complet est illuminé en rouge», illustre Jeremy Ghio, un ancien stratège libéral à Ottawa et directeur de TACT Conseil à Montréal.

Selon lui, les adversaires de M. Trudeau peuvent désormais estimer que «tout est possible, même lui prendre des bastions, des châteaux forts». En ce moment, «il n’y a plus rien de sûr pour les libéraux, plus aucun comté», constate-t-il.

Bien que M. Ghio dise s’attendre à ce que les libéraux l’emportent «si l’ordre des choses logiques est respecté», une défaite dans ce comté qui est «dans le top 30 des sièges» au pays serait «de très mauvais augure» pour les prochaines élections, si bien que «n’importe qui dans le caucus va commencer à paniquer» puisque ça annoncerait «un désastre, un bateau qui coule».

La dernière fois que les libéraux ont perdu les deux anciennes circonscriptions dont des parties ont formé lors d’un redécoupage LaSalle—Émard—Verdun, c’était en 2011, soit lorsque le Parti libéral du Canada a connu le pire résultat de son histoire sous Michael Ignatieff, lors de la vague orange propulsée par le chef néo-démocrate Jack Layton.

L’ancien stratège juge que le NPD a réalisé «un coup de circuit» en proposant la candidature du conseiller municipal Craig Sauvé et qu’il est capable «à lui seul» de tirer son parti vers le haut. Il prévient que si les libéraux ne mettent pas «toute la gomme», le scénario d’une victoire néo-démocrate n’est pas à exclure.

C’est que, croit-il, les électeurs libéraux déçus de ce secteur de Montréal connu pour être «plus progressiste, mais fédéraliste» ont deux options: «rester à la maison» ou donner leur appui à cette «figure bien connue».

Le choix de la conseillère municipale Laura Palestini comme candidate libérale pour succéder à l’ancien ministre de la Justice David Lametti préoccupe également.

«On se serait attendu du parti au pouvoir de présenter une vedette. Ça aurait pu être une pointure économique, mais on est allé pour une conseillère locale, a-t-il dit. Pour moi, ça indique aussi peut-être des problèmes au niveau du recrutement et de l’attractivité du parti.»

Le leadership de Trudeau

La professeure de science politique à l’Université de Montréal Catherine Ouellet a expliqué que les élections partielles représentent souvent «une forte tendance de l’opinion publique ou un indicateur».

Le sondage Mainstreet est donc «la concrétisation» de «la fatigue» envers le Parti libéral qui s’observe dans les sondages depuis des mois et doit «nécessairement inquiéter» les troupes libérales.

Selon elle, il est «très, très, très peu probable» à ce stade que les libéraux remportent une victoire importante. Et elle prédit que même s’ils l’emportent «par la peau des fesses», la pression risque d’augmenter pour que M. Trudeau cède sa place.

Une circonscription comme LaSalle—Émard—Verdun, avec sa forte proportion immigrante et anglophone ou allophone, est normalement «presque acquise» aux libéraux, a-t-elle dit.

Ainsi, «même une mince victoire n’est pas vraiment une victoire» et «doit être interprétée comme un signal qu’il y a un vent de changement qui est nécessaire qui passe souvent évidemment par la figure principale qui incarne le parti, dans ce cas-ci Justin Trudeau».

Son collègue Éric Montigny de l’Université Laval juge pour sa part qu’une victoire de justesse aurait l’effet d’un «coup de semonce», alors que plusieurs députés de l’île de Montréal ne pourront plus avoir «l’esprit tranquille», et une défaite enverrait carrément le message qu’il y a «péril en la demeure».

Le professeur Montigny signale également que les libéraux pourraient avoir d’autres types d’obstacles en ayant choisi de ne pas tenir d’assemblée d’investiture dans la circonscription pour plutôt nommer «un vendredi après-midi en fin de journée» une candidate active au niveau municipal alors qu’il y avait d’autres prétendants qui ont été ainsi écartés.

«Ça, peut-être que sur le plan de l’organisation, ça peut laisser des traces sur la mobilisation des militants, sur l’organisation même de la dynamique de campagne sur le terrain», a-t-il déclaré.

L’élection dans LaSalle—Émard—Verdun doit être déclenchée au plus tard mardi prochain. Le scrutin se tiendra au plus tard le lundi 16 septembre. Les conservateurs ont choisi l’entrepreneur Louis Ialenti pour porter leurs couleurs. Et le Bloc n’a pas encore dévoilé son choix.

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