MONTRÉAL — Le Parti libéral du Québec (PLQ) et des médecins demandent au gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) d’inclure dans le régime public le remboursement des médicaments contre l’obésité et de reconnaître l’obésité comme une maladie chronique.
La porte-parole de «Parlons obésité», Cynthia Falardeau, a rédigé une pétition en ce sens. Le député libéral et porte-parole en matière de saines habitudes de vie, Enrico Ciccone, a parrainé la pétition et l’a déposée mercredi à l’Assemblée nationale. Il appelle tous les citoyens en faveur à ce que le gouvernement du Québec reconnaisse l’obésité comme une maladie chronique et à ce qu’il «rende accessible» la médication contre l’obésité à la signer.
Au Québec, les médicaments contre l’obésité figurent sur la liste des exclusions de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Le Québec est la seule province canadienne qui n’évalue pas les médicaments contre l’obésité pour éventuellement les inclure dans son régime public de médicaments.
En point de presse aux côtés de M. Ciccone, la Dre Julie St-Pierre, pédiatre et lipidologue au CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, s’est dite «extrêmement déçue» que le gouvernement du Québec ne reconnaisse pas l’obésité comme une maladie chronique.
Elle a dénoncé que le ministre de la Santé, Christian Dubé, «refuse de considérer cette maladie chronique qui cause des milliards de dollars en soin de santé au Québec». La pétition souligne d’ailleurs que «chaque réduction de 1 % de la prévalence de l’obésité entraînerait des gains fiscaux nets de 229,7 millions $ chaque année au Canada».
Dr Yves Robitaille, spécialiste en médecine interne au Centre de Médecine métabolique de Lanaudière et au CISSS de Lanaudière, a demandé au gouvernement de cesser «de faire la sourde d’oreille» face à l’obésité en tant que maladie chronique.
«Comme toute maladie, on doit avoir comme soignant, comme professionnel de la santé, la possibilité de prendre en charge ces maladies, ce qui comprend la modification des habitudes de vie, certes, mais c’est souvent insuffisant. On a maintenant de disponible de la médication qui permet de palier un trou entre la prise en charge des habitudes de vie et la chirurgie bariatrique et pourra même éventuellement remplacer la chirurgie bariatrique», a-t-il affirmé.
«À mon sens à moi, que la législation prévoie que les traitements contre l’obésité sont exclus de toutes discussions, toutes analyses, c’est un non-sens dans une société moderne», a-t-il ajouté.
Mickaël Bergeron, auteur de «La vie en gros: regard sur la société et le poids», estime que les demandes de Parti libéral peuvent avoir des effets positifs pour certains, mais aussi des répercussions négatives.
Il a souligné que tenir pour acquis que les personnes grosses sont malades est l’un des importants préjugés de la société. «Alors que ce n’est pas nécessairement le cas, s’est-il empressé d’ajouter. Il y a plein de personnes grosses qui sont en excellente santé et qui n’ont pas d’enjeux particuliers. Si on vient mettre l’étiquette que c’est une maladie chronique, ça se peut que ça vienne nourrir ce préjugé.»
Une campagne de santé publique pour contrer les préjugés
M. Bergeron propose que le gouvernement lance plutôt une campagne de santé publique pour déconstruire certains préjugés entourant le poids et l’obésité. «En tant que société, on gagnerait plus à faire des campagnes de santé publique qu’à juste se tourner vers un médicament», soutient-il.
«Est-ce qu’il y a une partie de la population qui gagnerait réellement à perdre du poids d’un point de vue médical? Oui. Mais c’est une minorité», affirme M. Bergeron.
Il craint que de rendre plus accessibles les médicaments contre l’obésité crée le même genre de problème que la culture de la diète, c’est-à-dire qu’on le vende comme une solution magique sans considérer les effets, notamment une possible reprise de poids. «Il y a un danger si l’Ozempic est mal distribué, donné à n’importe qui sans trop de précaution et de faire croire qu’il s’agit d’une solution miracle», souligne l’auteur qui s’est intéressé à ce genre d’enjeux.
La pression sociale pour être mince est très présente dans la société. Dans ce contexte, l’Ozempic a connu une forte popularité, notamment au Canada, son utilisation était même promue sur les réseaux sociaux par des vedettes internationales sur son aspect amaigrissant. S’il devient gratuit, M. Bergeron s’inquiète qu’on le donne à des gens qui en auraient «peut-être pas tant besoin» et que cela ait des impacts négatifs sur leur santé mentale et physique.
Il souligne qu’il n’est pas contre les médicaments tels que l’Ozempic, mais il croit qu’il devrait être prescrit à la bonne personne par le bon professionnel et dans le bon contexte.
Plus tôt cette semaine, Novo Nordisk, la pharmaceutique danoise qui est derrière l’Ozempic et le Wegovy, deux médicaments qui ont des effets amaigrissants, a partagé un sondage de la firme Léger qu’elle a commandé. Les résultats du sondage révélaient entre autres que 80 % des 1068 répondants estiment que le gouvernement du Québec et le système de santé publique devraient en faire davantage pour aider les personnes vivant avec l’obésité.
Dans le communiqué de Novo Nordisk publié lundi, on mentionne qu’«un groupe incluant des organisations pour les patients, des professionnels de la santé, ainsi que des personnes vivant avec l’obésité» réclame la même chose que la pétition du PLQ, c’est-à-dire «que les personnes vivant avec l’obésité n’aient pas à faire face à des obstacles pour accéder à un soutien immédiat, y compris le paiement de leurs médicaments de leur poche au Québec».
Les docteurs Yves Robitaille et Julie St-Pierre, qui étaient aux côtés du PLQ en point de presse, étaient disponibles pour des entrevues en début de semaine en lien avec le communiqué de Novo Nordisk.
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