MONTRÉAL — Une juge de la Cour supérieure du Québec conclut que le phénomène du profilage racial est «systémique» au sein de la police de Montréal et elle accorde des dommages-intérêts dans le cadre d’une action collective.
«La Ville de Montréal est responsable du profilage racial commis par ses policiers dans l’exécution de leurs fonctions et (elle) est tenue de rembourser les dommages subis par les membres (de l’action collective)», a écrit la juge Dominique Poulin, dans un jugement.
La cause avait été portée par la Ligue des Noirs du Québec, qui réclamait 171 millions $, soit jusqu’à 5000 $ par personne qui aurait été victime de profilage racial de la part du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Dans une décision rendue mardi, la juge Poulin ordonne à la Ville de Montréal de verser 5000 $ aux membres de certains groupes, tandis que d’autres auraient droit à des indemnités moindres.
Les parties devront élaborer les modalités de paiement avec la juge.
Le représentant dans cette action collective était Alexandre Lamontagne, qui avait été interpellé par la police à sa sortie d’un bar, puis plaqué au sol, menotté et emmené au poste.
M. Lamontagne a reçu trois constats d’infraction à des règlements municipaux et il a été accusé au criminel d’entrave au travail des policiers et de voies de fait contre la police. Mais toutes les poursuites contre lui ont finalement été abandonnées.
Avec la décision de mardi, M. Lamontagne recevra 5000 $.
La juge Poulin a entendu notamment à l’audience les témoignages du chef du SPVM, Fady Dagher, et de la mairesse de Montréal, Valérie Plante. De son côté, la Ville reconnaît le profilage racial au sein du corps policier, ainsi que l’existence de préjugés systémiques, peut-on lire dans le jugement. Cependant, la Ville a soutenu que «systémique» ne signifiait pas «systématique» et que le profilage n’était pas une tactique répandue.
«Le Tribunal conclut que la Ville est responsable, à titre de commettant, pour les atteintes discriminatoires et fautives commises à l’endroit des membres du groupe par les policiers dans l’exécution de leurs fonctions», a écrit la juge dans la décision.
«Le Tribunal retient également que la Ville est elle-même fautive, en ce qu’elle contribue au profilage racial occasionné par sa procédure d’interpellation», indique le jugement, ajoutant que les membres des groupes racisés sont surreprésentés dans les interpellations policières, et que «l’explication plausible de cette disparité est le profilage racial dont de nombreuses interpellations sont empreintes».
Un porte-parole de la Ville de Montréal a déclaré que son service juridique analyse le jugement et que, par respect pour le processus judiciaire, il ne fera aucun commentaire.
En août 2019, un juge de la Cour supérieure du Québec avait autorisé l’action collective contre la Ville de Montréal au nom des citoyens qui allèguent avoir été injustement arrêtés, détenus et victimes de profilage racial par le SPVM entre la mi-août 2017 et janvier 2019.
Selon le jugement de mardi, la période couverte sera considérablement plus courte – une période d’environ six mois s’étendant du 11 juillet 2018 au 11 janvier 2019. La juge a également rejeté une demande de dommages-intérêts exemplaires.