JASPER — Selon les échéanciers, le centre d’élevage de caribous du parc national Jasper devait être presque terminé. Il devait être prêt à accueillir les femelles enceintes derrière ses clôtures, à l’abri des prédateurs, pour reformer les troupeaux du parc en perte de population.
L’incendie de forêt de cet été avait d’autres plans.
«On cherche encore à élaborer un plan de restauration», a indiqué Jean-François Bisaillon, l’expert en caribou du parc.
L’incendie a non seulement ravagé les maisons de Jasper et ses paysages de montagne très appréciés, mais il a également réduit à néant les plans du premier centre d’élevage en captivité de caribous au Canada.
Parcs Canada construit un centre d’une valeur de 40 millions $ pour abriter en permanence jusqu’à 40 femelles et cinq mâles dans un environnement strictement contrôlé et surveillé d’environ un kilomètre carré entouré d’une clôture électrifiée. L’agence estime que l’élevage en captivité pourrait produire suffisamment de faons chaque année pour propulser les troupeaux de Jasper à des niveaux durables dans une décennie.
L’un des trois troupeaux du parc a déjà disparu et les autres ne comptent plus qu’une poignée de cervidés.
Mais avant que les travaux puissent reprendre, Parcs Canada doit faire face aux conséquences de l’incendie de forêt, qui n’a été maîtrisé qu’au début du mois.
Presque toute la forêt du site qui aurait été utilisée comme habitat pour les caribous a été touchée par les flammes. Environ un quart de ses poteaux de clôture ont passé au feu, tout comme une bonne partie de sa clôture à lattes. Presque toutes les mangeoires à caribous ont été brûlées et l’infrastructure électrique a été endommagée.
Les bâtiments, comme la grange et l’entrepôt de bureaux, sont indemnes.
Malgré tout, M. Bisaillon affirme que le centre d’élevage sera terminé d’ici Noël.
«Nous prévoyons toujours de terminer le centre d’élevage, avec quelques semaines de retard», a-t-il affirmé.
M. Bisaillon a ajouté que les dommages minimes sur les bâtiments du site témoignent de la planification et des mesures de protection contre les incendies qui ont été mises en place lors de leur conception.
Reconstruire et reboiser
«Le défi auquel nous sommes confrontés maintenant est de nous assurer que les conditions de l’habitat sont toujours propices à l’accueil de nos premiers caribous cet hiver. Nous travaillons très fort pour déterminer ce qui peut être fait en termes de restauration de la végétation.»
De la nourriture et de l’eau seront toujours fournies aux animaux du centre, afin qu’ils n’aient pas à dépendre du broutage naturel.
Des arbres, provenant de pousses matures, seront plantés pour fournir un abri et de l’ombre aux animaux. Des graines de plantes indigènes seront semées pour restaurer la couverture du sol.
«On ne veut pas que les caribous vivent sur une étendue de boue et de terre», a précisé M. Bisaillon.
Bonne nouvelle pour le centre, une partie de la végétation est déjà en train de revenir.
«Si nous avons un automne chaud avec un peu de pluie, il y a de bonnes chances qu’une grande partie de la végétation repousse avant l’hiver.»
La crise a aussi permis d’apprendre les faiblesses de l’ancienne installation. Des voies de sortie d’urgences ont maintenant été construites pour permettre aux caribous de s’échapper s’ils sont menacés par un autre incendie.
Les experts en conservation du monde surveillent d’un regard intéressé la situation.
Si l’élevage de conservation est utilisé depuis longtemps pour d’autres espèces, en particulier les oiseaux, il l’a rarement été pour les caribous. Ces animaux ayant des besoins spécifiques en matière d’habitat et une tendance à coexister avec les perturbations humaines, telles que l’exploitation forestière et le développement énergétique, représentent l’un des défis de conservation les plus difficiles sur le continent.
«Nous suscitons beaucoup d’intérêt avec ce programme, a indiqué M. Bisaillon, c’est une innovation.»
«Nous ouvrons la voie à un nouvel outil qui pourra être utilisé pour de nombreuses espèces, a-t-il ajouté. Si nous voulons réussir à repeupler les espèces en péril, il nous faut beaucoup d’outils.»
L’expert en caribou a avancé qu’avec un peu de chance, le centre pourrait être en mesure de respecter son échéancier initial.
«Nous sommes plutôt optimistes, même si nous avons souffert.»