VANCOUVER — Un rapport de la responsable provinciale de la santé de la Colombie-Britannique recommande à la province d’élargir son programme «d’approvisionnement plus sûr» pour prévenir les surdoses, notamment en permettant l’accès sans ordonnance à des solutions de rechange aux médicaments non réglementés.
Mais la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Jennifer Whiteside, a indiqué que la province n’était pas d’accord avec la recommandation et «n’irait pas dans la direction» de «modèles non médicaux de distribution de médicaments».
La Dre Bonnie Henry affirme dans son dernier rapport sur la crise des surdoses que les efforts centrés sur l’interdiction des drogues ont non seulement échoué pour contrôler l’accès aux substances réglementées, mais ont également créé un approvisionnement en drogues toxiques et non réglementaires qui a tué des milliers de personnes depuis la déclaration d’une urgence sanitaire, il y a huit ans.
Son rapport fait écho aux conclusions de l’ancienne coroner en chef Lisa Lapointe, qui a affirmé en janvier, avant de quitter son poste, que la prescription de médicaments plus sûrs ne résoudrait pas la crise qui a coûté la vie à plus de 14 000 personnes en Colombie-Britannique depuis 2016.
À l’époque, le premier ministre de la Colombie-Britannique David Eby avait rejeté les arguments de Mme Lapointe, affirmant qu’il ne croyait pas que la distribution de médicaments opioïdes devrait avoir lieu sans la supervision de professionnels de la santé.
Dans sa réponse aux recommandations de la Dre Henry, Mme Whiteside fait écho aux commentaires de M. Eby, réitérant que le modèle de distribution de médicaments plus sûrs par le biais d’ordonnances sépare «les personnes qui courent le plus grand risque de mort et de préjudice de l’approvisionnement en médicaments empoisonnés».
«La Dre Henry est une voix indépendante importante sur les questions de santé publique dans cette province, et nous respectons ses conseils», a nuancé Mme Whiteside dans un communiqué. «Mais c’est un sujet sur lequel nous ne sommes pas d’accord.»
«La toxicomanie est un problème de santé et les personnes aux prises avec une dépendance doivent avoir accès à l’ensemble des services offerts par notre système de soins de santé», a-t-elle poursuivi.
La Dre Henry dit dans son rapport que la distribution de médicaments plus sûrs à travers le système de santé existant se heurte à des défis présentés par la capacité limitée du système et «entrave la capacité d’en élargir suffisamment l’accès».
Son rapport indique que 225 000 personnes ou plus en Colombie-Britannique ont accès à des drogues non réglementées et que le fentanyl continue d’être la principale cause de mortalité, avec 83% des décès liés aux drogues illicites liés aux opioïdes.
La Dre Henry mentionne qu’un système permettant l’accès à des solutions de rechange plus sûres et réglementées au fentanyl ainsi qu’à d’autres drogues est nécessaire parce qu’un nombre important de personnes décédées à cause de l’approvisionnement non réglementé en drogues ne souffraient pas de troubles liés à l’usage de substances et ne pouvaient pas être protégées par des «approches médicalisées».
«En fin de compte, nous ne pouvons pas prescrire une solution à cette crise», conclut Dre Henry dans le rapport.
«Trouver de nouveaux moyens de permettre l’accès à des solutions de rechange aux médicaments non réglementés nécessitera des conversations audacieuses, des changements au niveau du système et une réflexion en dehors des contraintes qui n’ont jusqu’à présent pas réussi à renverser cette crise.»
Pas de détournement de médicaments
La politique actuelle d’approvisionnement plus sûr de la Colombie-Britannique a fait l’objet d’intenses débats dans la province et au-delà, le chef conservateur fédéral Pierre Poilievre et la première ministre de l’Alberta Danielle Smith affirmant tous deux que les médicaments du programme étaient détournés vers le reste du Canada.
Le solliciteur général Mike Farnworth a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve d’un détournement généralisé de médicaments d’approvisionnement sûr, et la Dre Henry affirme dans le dernier rapport que «les anecdotes ne reflètent peut-être pas l’expérience de la plupart des personnes à qui l’on prescrit des solutions de rechange aux médicaments non réglementés».
Un suivi, une évaluation et des recherches continus sont nécessaires pour évaluer l’ampleur du détournement et ses impacts, avance la Dre Henry dans le rapport de 88 pages.
L’experte a également critiqué les politiques basées sur l’interdiction des drogues, affirmant que le Canada a une longue histoire de telles lois «qui sont enracinées dans le racisme, le colonialisme et la xénophobie».
Le rapport indique que les «clubs de compassion» communautaires, tels que celui géré par le Front de libération des usagers de la drogue, ou FLUD, pourraient être des modèles potentiels pour un accès plus sûr à un approvisionnement sans ordonnance.
Les cofondateurs du FLUD, Jeremy Kalicum et Eris Nyx, ont été arrêtés en octobre dernier, fermant ainsi le service du «club de compassion» après environ un an d’activité.
Ils ont été inculpés en juin de trois chefs chacun de possession en vue d’en faire le trafic.
La police de Vancouver a déclaré au moment de son arrestation que même si elle reconnaissait que FLUD avait tenté de réduire «les impacts de l’approvisionnement en drogues toxiques», les autorités devaient faire respecter et appliquer les lois existantes.