OTTAWA — Le haut dirigeant de Sobeys a affirmé lundi que le Canada possède l’un des secteurs de vente au détail de produits alimentaires les plus compétitifs de la planète, même si les Canadiens continuent de ressentir les conséquences de la hausse des prix.
«Bien que l’inflation alimentaire de notre pays soit parmi les plus faibles au monde et que le Canada soit l’un des pays les plus compétitifs au monde en matière de vente au détail de produits alimentaires, cela n’apporte que peu de réconfort aux Canadiens en difficulté», a déclaré Michael Medline aux députés du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
M. Medline est le président-directeur général d’Empire Company, qui possède Sobeys et d’autres chaînes d’épiceries.
Sa comparution survient après que le comité a demandé que les hauts dirigeants des grandes épiceries témoignent une fois de plus de leurs projets de stabilisation des prix.
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avait annoncé cet automne que les principaux épiciers du Canada – Loblaw, Metro, Empire, Walmart et Costco – avaient communiqué des plans pour lutter contre la hausse des prix, qui incluaient des rabais, des gels de prix et des campagnes d’égalisation des prix.
Cependant, des questions demeuraient sur ce que les épiciers avaient promis exactement, étant donné que les détails des plans n’étaient pas rendus publics.
Sobeys a décrit lundi certaines des premières mesures prises.
L’entreprise affirme qu’elle gèle historiquement les prix de 90 % des produits emballés entre novembre et janvier, et qu’elle a désormais étendu ce gel à tous ces produits.
«Nous avons également des projets et des développements significatifs pour aider à stabiliser les prix des denrées alimentaires après janvier, mais nous n’en discuterons pas publiquement, car ils restent sensibles sur le plan commercial et concurrentiel jusqu’à leur lancement dans nos magasins», a déclaré M. Medline aux députés du comité.
La hausse rapide des prix des produits alimentaires à la suite de la pandémie de COVID-19 a conduit à une surveillance accrue des épiciers canadiens, d’autant plus que certains d’entre eux ont récolté des profits élevés.
Et même si l’inflation alimentaire – un phénomène mondial post-pandémique – a ralenti ces derniers mois, les prix continuent d’augmenter rapidement.
En octobre, les prix des produits d’épicerie ont augmenté de 5,4 % par rapport à l’année dernière. Pendant ce temps, l’inflation annuelle globale du Canada était de 3,1 %.
Ce phénomène soulève la question de savoir si l’industrie est suffisamment compétitive. Cela a même incité le gouvernement libéral à proposer des changements à la loi sur la concurrence du pays.
Plus de concurrence nécessaire, selon le Bureau de la concurrence
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a poussé les libéraux à renforcer encore davantage la Loi sur la concurrence, arguant que des changements pourraient être apportés pour contribuer à faire baisser les prix des aliments.
Cependant, M. Medline a soutenu lors de son témoignage que le secteur de l’épicerie est très compétitif et qu’il ne voit pas beaucoup de barrières à l’entrée.
«Je ne pense pas qu’il y ait eu d’énormes obstacles à la concurrence (dans) ce pays, mais je suis sûr que le gouvernement mettra en place, dans la Loi sur la concurrence, des moyens encore plus étendus pour que nous puissions être compétitifs, et nous accueillons tout cela», a-t-il soutenu.
En juin, le Bureau de la concurrencea publié un rapport affirmant que le secteur alimentaire canadien a besoin de plus de concurrence pour aider à maintenir les prix des aliments bas, à donner plus de choix aux acheteurs et à encourager les nouveaux venus.
M. Medline s’est dit frustré du fait que Sobeys soit regroupé avec d’autres épiciers lorsqu’il s’agit de surveiller de près les profits importants en période d’inflation élevée.
«Je suis un peu impatient de voir que nous sommes constamment mêlés à l’ensemble du secteur. Chaque entreprise est différente», a plaidé M. Medline, ajoutant que son entreprise avait des marges bénéficiaires inférieures à celles de ses concurrents et avait gagné moins d’argent l’année dernière que l’année précédente.
Alistair MacGregor, porte-parole du NPD en matière d’agriculture, s’est adressé aux journalistes lundi après-midi avant la réunion du comité et a déclaré qu’il avait examiné les plans des principaux épiciers pour stabiliser les prix.
«Je peux vous dire, après avoir examiné les documents au cours des deux dernières semaines, que je suis reparti sans être impressionné», a affirmé M. MacGregor.
M. MacGregor a indiqué que les épiciers avaient accepté de partager les plans avec les membres du comité de l’agriculture de la Chambre des communes et qu’en retour, le comité avait promis de garder leur contenu confidentiel.
Toutefois, le député a déclaré que les plans incluent de nombreuses informations déjà publiques.
«Et pour vous dire la vérité, une grande partie des informations contenues dans ces soi-disant documents confidentiels sont des éléments que j’aurais pu trouver en examinant leurs dépliants hebdomadaires et en effectuant une simple recherche sur Google.»
Un «code de conduite» réclamé par le CTAQ
Dimitri Fraeys, vice-président Innovation et Affaires économiques au Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), a fait valoir au comité, lundi, que son organisation «milite pour la mise en place d’un code de conduite pour les épiciers».
Selon M. Fraeys, un tel code qui mettrait en place «des limites raisonnables aux actions des grands détaillants au Canada» permettrait de freiner l’inflation et d’augmenter la compétitivité dans le secteur alimentaire.
«L’élément déclencheur a été le déséquilibre du pouvoir de négociation qui existe en raison de la forte concentration du secteur de la vente au détail de produits alimentaires au Canada, par rapport au grand nombre de petits et de moyens fabricants canadiens d’aliments et de boisson», a expliqué M. Fraeys.
Ce code en développement «garantirait notamment que les détaillants ne pourront plus imposer des frais unilatéraux à nos fabricants d’aliments et de boissons, une action qui aurait un impact direct sur les prix, car elle augmente les coûts d’exploitations des fournisseurs», a-t-il indiqué.