MONTRÉAL — Le temps maussade n’a pas empêché les Montréalais de célébrer en grand la Fête nationale du Québec.
Des milliers de citoyens se sont massés le long de la rue Rachel, dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, pour assister au traditionnel défilé, lundi après-midi, dans une ambiance festive malgré un ciel gris.
La pluie ne s’est finalement pas invitée aux festivités, au grand bonheur de la foule, qui a même pu apercevoir le soleil derrière les nuages. La présence d’un parapluie géant, manipulé par 10 personnes, pour ouvrir le bal n’était toutefois pas un présage encourageant.
«C’est un coup du sort!» s’est exclamé avec soulagement le metteur en scène, Richard Blackburn, qui a cependant été forcé de retirer certains éléments du parcours en raison des forts vents.
«Il a fallu renoncer à beaucoup d’éléments visuels pour assurer la sécurité, mais on n’a pas renoncé à notre joie de vivre et à notre bonne humeur», a-t-il lancé avec enthousiasme aux journalistes.
La parade s’est amorcée à 13 h 30 à l’angle de la rue Molson, au son de la célèbre chanson de circonstance «Gens du pays» de Gilles Vigneault, et s’est terminée une heure plus tard aux abords du parc Maisonneuve, où aura lieu en soirée un grand spectacle musical animé par Pierre-Yves Lord et qui réunira Claude Dubois, Roxane Bruneau, Patsy Gallant, Queenie, Daniel Lavoie, Kanen, Éléonore Lagacé, Judi Richards, FouKi et le groupe Le Vent du Nord.
Contrairement à d’autres défilés du genre, aucun char allégorique motorisé n’a été utilisé. Le concepteur a plutôt voulu se servir de «l’énergie humaine».
«Ce n’est tellement pas reposant ce qui se passe présentement sur la planète que j’ai trouvé qu’il fallait célébrer notre privilège de vivre au Québec. C’est dans cette énergie-là qu’on a voulu préparer un défilé à énergie humaine, donc sans chars allégoriques, juste l’énergie de tous les participants, a expliqué M. Blackburn. On chante, on danse, on bouge. C’est une manifestation festive pour montrer notre joie de vivre au Québec.»
Autre excentricité: toutes les cinq minutes, le cortège s’arrêtait pendant 50 secondes. Tous les musiciens, clowns, danseurs, échassiers, acrobates et autres participants profitaient de ces pauses pour se diriger vers les spectateurs de chaque côté de la rue afin de leur souhaiter de plus près une bonne Fête nationale.
Autant les politiciens que les gens rencontrés le long de la procession ont exprimé haut et fort leur fierté d’être Québécois. C’est le cas notamment de Luc Perron, un septuagénaire qui arborait un t-shirt à l’effigie du défunt ardent souverainiste Pierre Falardeau.
«C’est une très grande fierté de fêter la Saint-Jean-Baptiste avec tout ce beau monde. C’est merveilleux. D’autres personnes de mon âge ne peuvent pas en profiter, alors je suis content d’être ici», a-t-il indiqué, ajoutant être également privilégié de vivre dans «un pays encore en pleine paix, où il y a une belle cohabitation entre les gens».
Un peu plus loin, des jeunes criaient justement «On va l’avoir notre pays!» et «Vive le Québec libre!».
Une fête apolitique… ou presque
Les députés présents ont quant à eux insisté sur le caractère apolitique de l’événement. Malgré leurs divergences d’opinions, ils étaient unis pour la même cause l’instant d’une journée.
«C’est un moment de rassemblement autour des choses qui nous rassemblent, dont la culture. Peu importe nos différences, on se rassemble autour de ce qu’on a en commun. Ça crée de l’humanisme et des liens entre les gens», a affirmé le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.
La députée de la CAQ Chantal Rouleau, qui portait fièrement un chemisier avec des imprimés de fleurs de lys, a abondé dans le même sens.
«Il n’y a pas de politique aujourd’hui. C’est la fête de tous les Québécois qui viennent de partout à travers le monde. On célèbre notre identité, notre langue, notre culture et l’authenticité du Québec qui se tient debout.»
«Peu importe l’allégeance politique des gens, qu’ils soient de gauche ou de droite, on se rassemble et on célèbre le fait d’être fier d’être Québécois», a renchéri Ruba Ghazal, l’une des cinq représentantes de Québec solidaire.
Elle a néanmoins souligné que «c’est aussi une bonne façon de donner le goût du pays aux gens».
De leur côté, les députés fédéraux Denis Trudel et Alexandre Boulerice, respectivement du Bloc Québécois et du NPD, ont osé reconnaître l’aspect politique de la Fête nationale.
«C’est toujours politique. Célébrer la fierté, ça amène inévitablement une prise de conscience, un questionnement. Si on est fier de ce qu’on est, pourquoi être une province sur 10 alors qu’on pourrait être un pays?» s’est questionné ouvertement M. Trudel, tandis que M. Boulerice a soutenu qu’«il y a toujours eu un caractère politique à la Fête nationale», mais il a précisé qu’il était là «pour fêter avec tous les Québécois et Québécoises».
En tant qu’immigrantes, Mme Ghazal et sa collègue Alejandra Zaga Mendez ont saisi l’occasion de vanter l’ouverture d’esprit du peuple québécois.
«Pour moi, c’est une terre d’accueil et une terre de paix. Il fait bon vivre au Québec. Je ne manque jamais le défilé de la Saint-Jean. C’est une journée importante. C’est un moment où on se rassemble pour dire à quel point on aime le Québec et qu’on est fier d’être Québécois. Faire la fête fait aussi partie des valeurs québécoises», a dit en riant Mme Ghazal.
«Comme néo-Québécoise, c’est autant un héritage culturel qu’un héritage qui célèbre la diversité, l’ouverture, la fierté qu’on a d’être bienveillant. Je suis très fière d’être devenue une Québécoise», a affirmé Mme Mendez.