Legault veut des «zones d’attente» pour les demandeurs d’asile comme en France

Michel Saba, La Presse Canadienne
Legault veut des «zones d’attente» pour les demandeurs d’asile comme en France

PARIS — De passage en France, le premier ministre du Québec, François Legault, a confirmé que son gouvernement a demandé à Ottawa d’instaurer des «zones d’attente» pour les demandeurs d’asile comme il se fait dans l’Hexagone.

«Une zone d’attente, effectivement, ça peut être à l’aéroport. Il peut aussi y avoir, pis ça existe en partie en France, où on redirige les immigrants à d’autres endroits. Nous, ce qu’on a demandé à Ottawa, c’est: “inspirez-vous donc, entre autres, de la France”», a-t-il déclaré mardi à Paris lors d’une mêlée de presse au début de sa visite.

Ces zones pourraient être près d’un aéroport, mais pourquoi pas, évoque M. Legault, ailleurs au pays.

«Ce qu’on demande au gouvernement fédéral, c’est de mieux répartir les demandeurs d’asile, parce qu’actuellement il y en a au Québec 45 % du total canadien alors que le Québec représente 22 % de la population canadienne. Donc est-ce qu’on peut penser avoir des zones d’attente qui sont dans d’autres provinces?» a-t-il dit.

En France, un étranger arrivant par bateau, train ou avion peut être placé en zone d’attente à la frontière s’il demande l’asile, si l’entrée lui est refusée ou si l’embarquement vers le pays de destination finale lui a été refusé. Cela peut durer jusqu’à 26 jours.

«Ils lancent ça en l’air»

À son arrivée à la réunion du conseil des ministres, en matinée, à Ottawa, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a accusé M. Legault de tenter à nouveau d’«instrumentaliser» l’enjeu de l’immigration à des fins politiques.

«Les zones sécurisées, c’est un ordre de grandeur tout à fait différent de ce qui n’a jamais été conçu au Canada, a-t-il dit. Et ça n’a jamais été mentionné dans nos groupes de travail. Donc c’est nouveau. Je pense que M. Legault tente désespérément de retenir l’attention du public sur l’enjeu de l’immigration.»

D’ailleurs, M. Miller n’a «aucune idée» de ce que le gouvernement du Québec réclame exactement. «Ils lancent ça en l’air», a-t-il ajouté.

À son avis, Québec doit cesser de «se dégager de sa responsabilité» alors qu’il a bien des responsabilités, notamment au chapitre des étudiants étrangers.

«Ils ont quatre institutions dans le top 10 des institutions postsecondaires qui comptent le plus de demandeurs d’asile, a noté le ministre. Est-ce qu’ils veulent mettre ces gens-là dans des zones sécurisées? Je ne le sais pas. Ils ont fréquenté ces institutions pendant trois ans.»

Or, le ministre Miller et son collègue aux Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, ont reçu une lettre datée du 22 juillet co-signée par l’ex-ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, et le ministre des Relations canadiennes, Jean-François Roberge.

Cette lettre évoque «la mise en place d’un site de transition sécurisé» qui pourrait aussi servir à transférer des demandeurs d’asile vers d’autres provinces.

«D’ailleurs, il apparaît essentiel, selon nous, que le gouvernement fédéral mette en place rapidement de telles infrastructures transitoires à l’échelle du Canada dont il assurerait la gestion», écrivait la ministre Fréchette.

Elle notait au passage que «plusieurs États, qui sont parties prenantes des mêmes conventions internationales que le Canada, ont mis en place de tels sites», y compris la France.

À Québec, mardi, les partis d’opposition ont accueilli la proposition du gouvernement Legault avec prudence. «Dans la mesure où c’est fait de façon humaine, (…) nous, on n’est pas fermé», a réagi le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a réitéré être favorable à une meilleure répartition des demandeurs d’asile au Canada. «Ce qui va toujours être important pour nous autres, c’est que la dignité humaine soit préservée», a-t-il dit.

Car il existe bel et bien un «risque» que «ça devienne des installations qui ne sont pas appropriées pour la dignité des personnes, qui ne sont pas des criminels, mais des gens qui cherchent une vie meilleure», a averti le député péquiste Pascal Paradis.

«Avant de penser à des infrastructures de ce genre-là, il faut réfléchir aux politiques publiques, (…) au seuil d’immigration, (…) aux politiques d’accueil des nouveaux arrivants, y compris des demandeurs d’asile.

«C’est bien de regarder ce qui se fait à l’étranger. Est-ce qu’il y a des expériences où ce genre d’infrastructures ont été un succès? Nous, on va demander de regarder ça», a-t-il ajouté.

Étudiants étrangers

La semaine dernière, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a vigoureusement critiqué M. Legault sur le terrain de l’immigration, l’accusant carrément de répandre des faussetés et de tarder à présenter un plan à Ottawa. Et il l’a fait, de surcroît, devant le président français Emmanuel Macron.

Réagissant pour la première fois, le premier ministre Legault s’est défendu de ne pas agir, révélant au passage que c’est cette semaine qu’il entend déposer un projet de loi visant à établir un maximum d’étudiants étrangers qu’accueillera le Québec. Ils sont actuellement 120 000.

Quant à l’impact que cela aura sur les établissements scolaires, M. Legault a précisé que l’analyse est toujours en cours, et il a précisé que les maximums par établissements n’ont pas encore été déterminés.

«Donc nous, on agit sur le bout qu’on contrôle, mais M. Trudeau, pour l’instant, on est obligé de dire: on est encore au même nombre», a-t-il lancé.

M. Legault a réitéré que le Québec n’a de contrôle que sur 180 000 des 600 000 immigrants temporaires que reçoit la province. Cette proportion se compose d’environ 60 000 immigrants économiques et de 120 000 étudiants étrangers.

Or, avait insisté le premier ministre Trudeau, Ottawa a pris de nombreuses actions pour réduire l’immigration temporaire au pays, notamment de réimposer des visas pour les voyageurs mexicains et ajouter des critères d’admission de travailleurs temporaires dans le but de réduire leur nombre.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron, à Ottawa, et de Caroline Plante, à Québec

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