L’Église doit réparer ses relations avec les Métis, disent les délégués

Kelly Geraldine Malone, La Presse Canadienne
L’Église doit réparer ses relations avec les Métis, disent les délégués

Des dirigeants métis et des survivants des pensionnats pour autochtones affirment qu’un voyage au Vatican pour rencontrer le pape est aussi compliqué que l’histoire entre leurs communautés et l’Église catholique elle-même.

«Nous avons toujours eu la foi», a déclaré Angelina Crerar, 85 ans, à Edmonton en décembre.

«Nous n’avons jamais abandonné et nous ne le ferons jamais.»

La survivante des pensionnats est devenue émue en expliquant comment sa foi continue de lui donner de la force. Elle l’a également poussée à joindre le groupe autochtone qui se rendra au Vatican.

Des délégués métis, des Premières nations et inuits s’envoleront pour Rome ce week-end afin de rencontrer le pape François la semaine prochaine.

Mme Crerar a eu du mal à trouver des mots pour exprimer à quel point elle se sent à la fois forte et déchirée. Lors d’une conférence de presse annonçant les délégués de l’Alberta, elle a expliqué que l’Église avait contribué à déchirer sa famille et à nuire à sa communauté.

Lorsque Mme Crerar était au pensionnat, elle savait que ce qui se passait n’était pas bien. Elle voulait le dire à la personne responsable ― la personne à la tête. Aujourd’hui, près de 80 ans plus tard, elle le peut enfin.

L’histoire des Métis et l’Église catholique sont interreliées et délicates, a déclaré Mitch Case, historien, conseiller régional de Métis Nation Ontario et survivant intergénérationnel des pensionnats.

«Tout est toujours 10 fois plus compliqué que nous ne le pensons», a déclaré M. Case. «Et certainement, la relation entre les communautés métisses et l’Église catholique est encore plus compliquée que la plupart des choses.»

La situation remonte à loin.

Un prêtre catholique a joué un rôle important dans la fondation par le chef métis Louis Riel de ce qui allait devenir le Manitoba. Le révérend Noël-Joseph Ritchot a dirigé la délégation que M. Riel a envoyé à Ottawa pour négocier l’entrée du gouvernement provisoire dans la Confédération.

M. Riel lui-même était catholique, mais il a également écrit sur ses problèmes avec l’Église.

Plus tard, a expliqué M. Case, des prêtres catholiques de la Saskatchewan se sont opposés aux Métis pendant la résistance de la rivière Rouge. Certains prêtres ont donné des informations aux soldats, refusé d’entendre les confessions des Métis et excommunié ceux qui avaient participé à la résistance.

Ailleurs en Ontario, a ajouté M. Case, les Églises protestantes et le gouvernement ont déplacé les communautés métisses catholiques.

Cela a créé une division importante avec les Métis parce que l’Église catholique ne les a pas aidés à récupérer les terres qu’ils ont perdues à cause de ces affiliations religieuses, a-t-il déclaré. Mais un grand nombre de Métis sont encore catholiques et la foi reste importante dans leur vie, a-t-il ajouté.

Lorsque les enfants métis ont été emmenés dans des pensionnats et des externats, «la foi dans l’institution a été vraiment, vraiment ébranlée, endommagée et ternie», a souligné M. Case.

Environ 150 000 enfants autochtones ont été forcés de fréquenter des pensionnats. Plus de 60 % des écoles étaient gérées par l’Église catholique.

Cette aberration est distincte de la composante spirituelle que beaucoup de gens ont encore, a noté Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis.

«C’est l’institution de l’Église catholique qui doit reconstruire la confiance avec nos communautés, pas Dieu, pas le Créateur, pas l’esprit», a-t-elle déclaré.

Pour les huit délégués métis qui se rendront au Vatican, le voyage ne consiste pas à exiger des excuses du pape François pour le rôle de l’Église dans les pensionnats, a déclaré Mme Caron. Mais ils s’attendent à en avoir lorsqu’il visitera le Canada un jour.

«C’est un voyage pour aller rencontrer le pape pour partager les histoires de nos nations et pour vraiment (lui) ouvrir nos cœurs (…) afin qu’il puisse vraiment commencer à comprendre qui nous sommes, d’où nous venons», a-t-elle dit.

Elle veut partager non seulement des histoires de survivants, mais aussi parler de la façon dont les Métis revitalisent leur culture et comment l’Église peut soutenir ces efforts. Les délégués métis auront une rencontre d’une heure avec le pape lundi ainsi qu’une réunion de groupe à laquelle participeront tous les délégués vendredi.

Mme Caron a dit qu’elle avait entendu beaucoup de scepticisme au sujet de la délégation, mais que c’est normal. Il n’y a pas eu d’engagements positifs de la part de l’Église catholique et du Vatican dans le passé, a-t-elle noté.

Elle s’attend à ce que le voyage signifie différentes choses pour différents Métis. Pour elle, le succès ne viendra pas nécessairement lorsqu’elle se tiendra devant le pape.

«Ce seront les succès qui viendront par la suite, ces suivis du Vatican et de la Conférence des évêques catholiques du Canada, si nous obtenons ces engagements (…) pour continuer ce voyage vers l’avant.»

Gary Gagnon, de l’établissement métis de St. Albert, en Alberta, s’est dit bouleversé et s’interroge toujours sur ses sentiments à l’égard du fait d’être délégué.

«Nous avons nos histoires là-bas», a-t-il déclaré lors de la conférence de presse. «Certaines de ces histoires sont cimentées. Elles sont déjà faites. Mais il devrait y avoir de nouvelles histoires au retour.»

«C’est ce que je recherche: les nouvelles histoires.»

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