Une augmentation de la température mondiale d’environ 1,6 degré Celsius par rapport à la moyenne des 30 dernières années pourrait entraîner une réduction des récoltes de fraises pouvant atteindre 40 %, prévient une analyse réalisée à l’Université de Waterloo.
Un déclin aussi important de l’offre entraînerait inévitablement une flambée des prix, soulignent les chercheurs. Et même si l’étude a porté sur les récoltes de fraises en Californie, on peut «malheureusement» supposer que les récoltes d’autres petits fruits ailleurs dans le monde seraient aussi touchées, a dit le professeur Kumaraswamy Ponnambalam, de l’Université de Waterloo.
«Les résultats seraient plus facilement transférables vers des latitudes similaires (à celle de la Californie), a-t-il indiqué. Les fraises sont une récolte fragile, elles ont besoin autant de températures froides que de températures chaudes au bon moment, sinon ça ne fonctionnera pas.»
Rappelons que l’Accord de Paris signé en 2016 prévoit de limiter à 1,5 degré Celsius le réchauffement de la planète par rapport aux niveaux pré-industriels ― une cible que le monde risque fort de rater, selon plusieurs experts.
Les chercheurs ontariens ont utilisé un modèle qui prédit la probabilité de perte de rendement en associant les anomalies de la température de l’air au rendement des cultures de fraises. Ce processus a permis de mesurer une plus grande variabilité dans le temps et d’obtenir des résultats qui sont présentés comme étant les plus précis à ce jour.
«Nous nous sommes intéressés aux extrêmes plutôt qu’aux moyennes, et c’est ce qui différencie ce travail, a dit le professeur Ponnambalam. Nous avons aussi utilisé des outils d’analyse statistique très sophistiqués qui ne sont pas si courants.»
L’intégration des anomalies de température dans les modèles de culture permet d’optimiser l’allocation des ressources, d’améliorer les prévisions de rendement des cultures et de renforcer la résilience des systèmes agricoles, écrivent ainsi les auteurs.
L’impact du climat était facile à identifier, a ajouté le professeur Ponnambalam, parce que c’est la seule variable sur laquelle les cultivateurs n’ont pas de contrôle, comparativement à des facteurs comme le niveau d’humidité du sol, par exemple.
Les chercheurs se sont intéressés à la Californie parce que c’est le seul territoire pour lequel ils disposaient des données nécessaires, a expliqué le professeur Ponnambalam.
«Les chiffres montrent qu’il y a 80 % de chances que nous ayons une perte de rendement, qu’elle soit petite, moyenne ou importante», a-t-il souligné.
Il est possible de discerner des changements seulement à partir de 1,6 degré Celsius, a précisé le professeur Ponnambalam; aucun changement n’est réellement mesurable en deçà de ce seuil.
Les auteurs de l’étude recommandent d’avoir recours à des pratiques agricoles durables comme une optimisation de l’irrigation pour assurer un approvisionnement en eau adéquat pendant les vagues de chaleur; l’utilisation de l’irrigation au goutte-à-goutte et la programmation des opérations pour éviter les périodes de pointe en temps chaud; et l’utilisation de plantes d’ombrage et l’installation de structures d’ombrage pour atténuer le stress dû à la chaleur.
«Même des secteurs où on pouvait faire pousser du blé ne peuvent plus en faire pousser parce qu’il fait trop chaud et doivent faire pousser du maïs, a dit le professeur Ponnambalam. Donc même les céréales, qui sont une récolte bien plus essentielle que les fraises, sont touchées. On espérait que ça allait se produire dans 50 ans, mais malheureusement ça se produit déjà.»
Les fraises, a-t-il ajouté, sont comme «le canari dans la mine de charbon. Elles sont très sensibles et elles nous mettent en garde contre ce qui pourrait se produire».
Ses collègues et lui tentent d’ailleurs de déterminer en ce moment si les Canadiens auront accès, dans le futur, aux aliments qui leur sont familiers aujourd’hui, et si oui, à quel coût.
Le Québec est la première province productrice de fraises au Canada, selon le gouvernement du Québec. Il arrive en outre au deuxième rang des provinces productrices de framboises. En 2021, la valeur des exportations québécoises de fraises et de framboises fraîches et transformées s’établissait à 7,5 millions $. Les États-Unis sont le principal importateur de fraises et de framboises fraîches du Québec.
La valeur du marché mondial des fraises était estimée à 3 milliards $ US en 2020. Le Canada a importé de la Californie en 2022 des fraises ayant une valeur de 322,8 millions $ US.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Sustainability.