Les conservateurs nient être derrière les robots sur les réseaux sociaux

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Les conservateurs nient être derrière les robots sur les réseaux sociaux

OTTAWA — Les conservateurs affirment n’avoir aucun lien avec une série de publications tenant des propos similaires et ayant inondé la plateforme X à la suite d’un événement organisé par leur chef Pierre Poilievre dans le nord de l’Ontario, la semaine dernière.

Le chef conservateur a organisé un rassemblement dans un centre de conférence de Kirkland Lake, le 31 juillet dernier, devant ce qui apparaît dans une vidéo comme une salle comble de plusieurs centaines de personnes.

Trois jours plus tard, la plateforme anciennement connue sous le nom de Twitter était inondée de centaines de messages d’individus affirmant tous qu’ils «revenaient tout juste» du rassemblement et qu’ils «bourdonnaient d’énergie».

Les publications provenaient de comptes comptant moins de cinq abonnés, dont beaucoup avaient rejoint la plateforme aussi récemment que ce mois-ci. Très peu d’entre eux ont indiqué un emplacement actuel au Canada, et beaucoup étaient déjà désactivés mardi matin.

Le député néo-démocrate Charlie Angus, dont la circonscription de Timmins-Baie James comprend la ville de Kirkland Lake, affirme que ce déluge de publications soulève la question de savoir si les conservateurs ont embauché une ferme de robots étrangère pour «créer une fausse impression d’élan» envers M. Poilievre dans la circonscription.

Sarah Fischer, directrice des communications du Parti conservateur, a accusé le NPD de «propager des théories du complot sans fondement».

«Le PCC ne paie pas pour les robots et n’a aucune idée de qui se cache derrière ces comptes, a précisé Mme Fischer dans une déclaration écrite. Nous recherchons le soutien de vrais Canadiens, comme en témoigne la forte participation en personne à nos événements.»

M. Poilievre fait de gros efforts pour remporter des sièges dans le nord de l’Ontario, y compris à Timmins-Baie James, où M. Angus ne tentera pas d’être réélu après avoir représenté la région pendant deux décennies. Kirkland Lake était l’un des nombreux arrêts effectués par M. Poilievre lors d’une tournée dans le nord de l’Ontario au cours de la dernière semaine de juillet.

Les libéraux aussi ciblés par des messages

Mme Fischer a souligné que des comptes de robots similaires publiaient des commentaires favorables à l’égard du premier ministre Justin Trudeau et fournissaient un lien vers plusieurs comptes contenant des messages presque identiques, se disant «dégoûtés» par les attaques négatives contre M. Trudeau et le qualifiant de «meilleur premier ministre que nous ayons jamais eu».

La porte-parole a également relevé que deux des comptes robots qui ont publié des articles sur le rassemblement de M. Poilievre ont également publié des articles sur des éléments qui, selon elle, «ne sont pas élogieux envers le chef conservateur».

Les comptes auxquels elle fait référence ont partagé des messages appelant à une action contre le changement climatique, une plainte contre les syndicats, un amour pour les cornichons, une récente conversion au pain et aux pâtes de blé entier, ainsi que sur des élections et la politique en Allemagne, en Australie et au Venezuela.

Mme Fischer n’a pas répondu lorsqu’on lui a demandé si le parti demanderait à X de prendre des mesures concernant les messages. Une demande médiatique adressée à X a reçu une réponse automatisée non signée indiquant «occupé maintenant, veuillez revenir plus tard».

«Des robots à 100%»

Duane Bratt, professeur de politique à l’Université Mount Royal de Calgary, a déclaré que les centaines de comptes qui ont publié sur le rassemblement de M. Poilievre «ont tous les attributs» d’être des robots. Ils ont un nombre limité d’abonnés, les identifiants de compte sont généralement un nom suivi d’une série de lettres ou de chiffres aléatoires et, s’ils ont plus d’une publication, les sujets sont incongrus.

«Dans ce cas particulier, oui, je dirais officiellement à 100 % que ce sont des robots», a-t-il avancé.

M. Bratt a rappelé que des événements similaires impliquant des robots se sont produits dans plusieurs pays depuis près d’une décennie. Il a expliqué que les trolls, souvent basés en Russie et en Chine, créent des dizaines de faux comptes, principalement sur X, et les utilisent pour semer le chaos dans d’autres pays. Cela s’est produit lors du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni en 2016, et plus tard la même année lors de l’élection présidentielle aux États-Unis.

Le mois dernier, lorsque des incendies de forêt ont ravagé Jasper, en Alberta, des robots étaient immédiatement intervenus, pour les deux côtés politiques, a indiqué M. Bratt. Certains ont blâmé la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith pour le désastre, d’autres, ont pointé M. Trudeau du doigt.

À la suite du sommet des dirigeants du G7 au Québec en 2018, le Canada et ses alliés ont créé un «mécanisme de réponse rapide du G7» destiné à enquêter sur d’éventuels incidents de campagnes de désinformation parrainées par des États étrangers. En 2019, le mécanisme canadien a signalé l’existence d’une importante campagne organisée et frauduleuse sur les réseaux sociaux lors des élections provinciales en Alberta.

Affaires mondiales Canada n’a pas répondu à La Presse Canadienne lorsqu’on lui a demandé si les publications sur le rassemblement de M. Poilievre faisaient l’objet d’une enquête.

Amplifier les divisions existantes

M. Bratt a déclaré que le plus souvent, l’objectif n’est pas de créer de nouvelles divisions, mais d’amplifier celles qui existent déjà.

Il a ajouté que ces robots ont un impact certain sur la politique du Canada, mais qu’ils sont difficilement traçables et sont difficiles à arrêter.

M. Bratt est d’avis que la situation était pire depuis qu’Elon Musk a acheté Twitter, le rebaptisant finalement X. M. Musk a effacé certains protocoles de sécurité et réduit le nombre d’employés, y compris ceux chargés de superviser la confiance et la sécurité sur la plateforme.

«Bien sûr, c’est préjudiciable, a soutenu M. Bratt. Cela propage de la désinformation. Cela donne des apparences qui peuvent ne pas résister à la réalité. Mais je ne suis pas sûr que nous puissions faire grand-chose pour y mettre un terme.»

Il a soutenu que les consommateurs de médias sociaux doivent prêter attention aux comptes qu’ils lisent, et si le compte est tout nouveau, a un nom étrange, peu de publications et commente la politique au Canada tout en venant d’un autre pays, il y a de fortes chances que le compte soit un robot.

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