Les dirigeants des compagnies pétrolières défendent leur industrie à la Chambre

Amanda Stephenson, La Presse Canadienne
Les dirigeants des compagnies pétrolières défendent leur industrie à la Chambre

Les patrons de certaines des plus grandes sociétés pétrolières et gazières du Canada ont défendu leur industrie, jeudi, le même jour où un groupe de Canadiens personnellement touchés par les changements climatiques a appelé le gouvernement fédéral à mettre en œuvre son projet de plafonnement des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur pétrolier et gazier.

Les présidents et chefs de la direction ainsi que les hauts dirigeants de Cenovus Energy, Enbridge, la Pétrolière Impériale, Shell Canada et Suncor Energy ont comparu par vidéoconférence jeudi après-midi devant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

Leur comparution faisait suite à une motion présentée en avril par la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’environnement, Laurel Collins, qui demandait aux dirigeants d’expliquer ce que font leurs entreprises pour lutter contre les changements climatiques.

L’un après l’autre jeudi, les patrons ont parlé de leur objectif de réduire les émissions de GES tout en augmentant la production pétrolière du Canada dans les années à venir.

«Toutes les études crédibles montrent que nous continuerons d’avoir besoin de toutes les formes d’énergie, y compris le pétrole, pour répondre à la demande énergétique mondiale croissante», a déclaré Jon McKenzie, président et chef de la direction de Cenovus.

«Ce pétrole sera produit quelque part, et il devrait l’être au Canada, où nous avons certaines des réglementations les plus strictes et où nous avons une performance ESG (facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance) à la pointe de l’industrie.»

«Le monde ne consommera pas un baril de pétrole de moins simplement parce que le Canada choisit de ne pas le fournir», a déclaré Rich Kruger, président et chef de la direction de Suncor. Il ajoute que le secteur pétrolier et gazier peut aider à lutter contre les changements climatiques, mais qu’il faut des politiques et des réglementations gouvernementales qui leur sont favorables pour qu’ils puissent investir dans les technologies de réduction des émissions de GES.

Quelques heures plus tôt, un petit groupe de personnes s’était adressé aux journalistes lors d’une conférence de presse sur la colline du Parlement organisée par le Réseau Action Climat.

Le groupe comprenait une femme qui a perdu son domicile à Kelowna, en Colombie-Britannique, lors des incendies de forêt de l’année dernière, une femme de Merritt, en Colombie-Britannique, victime de graves inondations en 2021, et un homme de Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui s’inquiète de la montée du niveau de la mer.

«Je suis venue à Ottawa pour partager mon histoire parce que je pense que le changement climatique n’est pas un concept abstrait», a déclaré Meghan Fandrich, une habitante de Lytton, en Colombie-Britannique, village détruit à 90 % par un feu de forêt en 2021. «Ce n’est pas quelque chose qui nous affectera éventuellement (…) c’est déjà en cours.»

«Nous devons faire ce que nous pouvons, et une mesure que nous pourrions prendre et qui aurait un effet phénoménal serait de fixer un plafond très strict sur les émissions de carbone.»

Le plus gros pollueur

Le secteur pétrolier et gazier est la plus grande source d’émissions de GES au Canada. Il émet près du tiers des GES du pays. Les émissions continuent d’augmenter en raison de la production croissante qui provient des sables bitumineux de l’Alberta.

Le gouvernement fédéral a proposé un plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier, ce à quoi l’industrie s’oppose.

Jeudi, Laurel Collins a déclaré que les Canadiens étaient préoccupés par le nombre croissant d’événements météorologiques extrêmes tels que les incendies de forêt, la sécheresse et les «dômes de chaleur» à mesure que le climat se réchauffe.

Certaines sociétés pétrolières et gazières canadiennes ont réalisé des bénéfices records en 2022, alors que les prix des matières premières ont grimpé à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

«Nous avons besoin d’un impôt sur les bénéfices excédentaires (dans le secteur pétrolier et gazier) pour investir dans des solutions», a déclaré Mme Collins aux journalistes.

Mme Collins a également appelé le gouvernement libéral à ne pas retarder ni affaiblir sa promesse de plafonner les émissions dans le secteur.

La mesure, proposée en décembre, obligerait le secteur à réduire ses émissions de GES de 35 à 38 %, par rapport aux niveaux de 2019, d’ici 2030. L’industrie aurait également la possibilité d’acheter des crédits compensatoires de carbone ou de contribuer à un fonds de décarbonation qui abaisserait cette exigence à un chiffre entre 20 et 23 %.

Le gouvernement a déclaré que le plafonnement visait à limiter la pollution, et non la production pétrolière et gazière, mais l’industrie a déclaré que les objectifs étaient trop stricts et entraîneraient une réduction de la production des entreprises.

La province de l’Alberta et des groupes d’affaires tels que la Chambre de commerce de Calgary s’y opposent aussi fermement.

Un groupe de sociétés d’exploitation des sables bitumineux, Alliance Nouvelles voies, a proposé de dépenser 16,5 milliards $ pour un vaste réseau de captage et de stockage du carbone dans le nord de l’Alberta. La coalition n’a pas encore pris de décision finale d’investissement, affirmant qu’il faudrait plus de certitude quant au soutien et au financement du gouvernement pour le projet.

L’Institut Pembina, un groupe de réflexion sur l’énergie propre, a déclaré jeudi que les mesures fédérales et provinciales qui soutiennent les investissements qui visent à réduire les émissions – tels la tarification du carbone industriel et les crédits d’impôt fédéraux annoncés – sont généreuses avec les entreprises du secteur, même en comparaison avec certaines des incitations aux États-Unis.

Dans un courriel envoyé jeudi matin, la directrice du programme pétrolier et gazier de Pembina, Marie-Christine Bouchard, a déclaré qu’il était urgent que les entreprises agissent.

«L’audience d’aujourd’hui rappelle une fois de plus qu’une réglementation supplémentaire est nécessaire pour garantir que les investissements et les projets promis commencent enfin à avancer», a-t-elle déclaré.

Entreprises dans cette dépêche: (TSX:CVE; TSX:ENB; TSX:IMO; TSX:SU)

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