OTTAWA — Le changement majeur dans le paysage politique britannique après les élections de jeudi n’aura probablement que peu d’impact sur les relations du Canada avec son allié d’outre-Atlantique, estiment les experts, même s’il ravive l’espoir d’un éventuel accord de libre-échange.
Achim Hurrelmann, professeur de sciences politiques à l’Université Carleton, a déclaré que les deux pays entretenaient des liens solides.
«Même si le Parti libéral (canadien) et le Parti conservateur du Royaume-Uni appartiennent à des familles de partis différentes, ils ont généralement bien travaillé ensemble sur les questions internationales et commerciales», a-t-il indiqué.
Mais les négociations en faveur d’un accord de libre-échange, entamées après le Brexit, ont échoué en janvier.
Parmi les problèmes importants, le Royaume-Uni souhaitait envoyer davantage de fromages anglais outre-Atlantique, mais une exemption sur les quotas laitiers canadiens a expiré à la fin de l’année 2023.
Martin Buckle, directeur de la Chambre de commerce britannique du Canada, a déclaré qu’il était «très surprenant» que le gouvernement britannique se soit retiré des négociations parce que le problème des produits laitiers était bien connu.
«Nous espérons que le nouveau gouvernement réexaminera la question et tentera d’aboutir à quelque chose avec le Canada», a-t-il affirmé.
Des inquiétudes ont également été exprimées concernant les règles britanniques interdisant la vente de bœuf traité aux hormones en provenance du Canada, ainsi que les règles d’origine dans le secteur automobile.
Un accord de continuité est toujours en vigueur et maintient la plupart des anciennes règles commerciales de l’Union européenne en place jusqu’à ce qu’un accord distinct soit signé.
Le Royaume-Uni est le quatrième partenaire commercial du Canada, les échanges s’élevant à environ 45 milliards de dollars par année.
Des concessions peu probables
Le parti travailliste de Keir Starmer s’est engagé à relancer les relations internationales et à commencer à conclure des accords commerciaux. Son programme électoral indique qu’il ne renversera pas le Brexit mais qu’il s’efforcera d’ «éliminer les barrières inutiles au commerce» avec l’Union européenne.
Il n’y a aucune mention spécifique du commerce avec le Canada dans le document, ce que M. Buckle, espère-t-il, reflète le fait qu’il existe de plus grandes préoccupations concernant le commerce avec l’Europe dans l’ère post-Brexit.
M. Hurrelmann a toutefois rappelé que les enjeux sous-jacents aux négociations commerciales avec le Canada n’ont pas changé et sont en grande partie non partisans. Il ne s’attend pas à ce qu’il soit urgent de revenir à la table de négociations.
«J’ai parlé à un négociateur commercial britannique il y a quelques mois et il m’a dit que ces questions ne sont vraiment pas suffisamment importantes pour faire des concessions majeures qui pourraient nuire à la position du gouvernement auprès des groupes nationaux, par exemple, au Canada, le lobby laitier», a expliqué le professeur.
Il y a peut-être des leçons à tirer pour les politiciens canadiens de la défaite retentissante d’un gouvernement en place, au pouvoir depuis plus de 14 ans et largement considéré comme «ne prêtant pas assez d’attention aux soucis quotidiens des citoyens», a-t-il déclaré.
Les libéraux de Justin Trudeau sont au pouvoir depuis neuf ans et les prochaines élections devraient avoir lieu au plus tard en octobre 2025.
Ces dernières semaines, les appels se sont multipliés pour que Justin Trudeau se retire, les experts, les anciens ministres et les membres actuels du caucus réfléchissant à un avenir sans lui à la tête du parti.
Achim Hurrelmann a déclaré que la situation des conservateurs britanniques pourrait servir d’avertissement pour ceux qui espèrent qu’un nouveau chef libéral sauvera la tendance des mauvais sondages.
Les conservateurs au Royaume-Uni ont eu trois premiers ministres en un peu plus de deux ans depuis que Boris Johnson a été contraint de démissionner, le tour désastreux de Liz Truss n’ayant duré que 45 jours.
Selon M. Hurrelmann, cela suggère que «s’il existe des tendances à grande échelle dans l’opinion publique, le simple fait de changer le visage du premier ministre ne fera pas de différence».