TORONTO — Les manifestants propalestiniens de l’Université de Toronto ont déclaré qu’ils respecteraient une ordonnance du tribunal les obligeant à démanteler leur campement et à quitter le site avant 18 h.
Lors d’une conférence de presse cet après-midi, les organisateurs ont déclaré qu’ils partaient volontairement pour éviter l’intervention de la police.
Les manifestants ont démonté tentes et bâches tout au long de la journée, et il n’en restait plus aucune en fin d’après-midi.
Un juge ontarien a prononcé mardi une injonction contre le campement, autorisant la police à intervenir si les manifestants ne quittent pas les lieux avant 18 h mercredi. La police a déclaré qu’elle appliquerait l’ordre, mais ne divulguerait aucun plan opérationnel.
Des policiers de Toronto ont été vus en train d’afficher l’ordonnance du tribunal sur la clôture du camp mercredi matin, alors que des drapeaux palestiniens flottaient au-dessus de leur tête. La police a publié une déclaration vers midi appelant les manifestants à partir volontairement pour «assurer une issue sécuritaire pour tout le monde».
Un chant rebelle irlandais résonnait à l’entrée du camp tandis que les manifestants transportaient des fournitures dans des chariots et que des parcelles d’herbe jaunies parsemaient la pelouse où se dressaient autrefois les tentes.
Pour éviter le chaos
Le juge Markus Koehnen de la Cour supérieure de l’Ontario a statué que même s’il n’y a aucune preuve que les participants du campement ont été violents ou antisémites, la manifestation a privé l’université de sa capacité à contrôler ce qui se passe dans la zone.
Le juge Koehnen a fait valoir que les propriétaires d’un terrain décident généralement de ce qui se passe sur leur propriété, et que si les manifestants peuvent s’emparer de ce pouvoir, rien n’empêchera un groupe plus fort de venir prendre le contrôle de l’espace des manifestants actuels.
Selon lui, cela aurait pu mener au chaos. Il a donc donné à la police le pouvoir d’arrêter et d’expulser toute personne qui connaît l’ordre et y contrevient.
La ministre des Collèges et Universités de l’Ontario a déclaré que les établissements postsecondaires ont «l’obligation de protéger la sécurité et le bien-être des étudiants, des professeurs et du personnel afin que les étudiants puissent continuer à apprendre sans interruption».
«Comme toute ordonnance d’un tribunal, celle-ci doit être respectée pour garantir que cela se produise», peut-on lire dans le communiqué de la ministre Jill Dunlop.
Les manifestants ont installé leur campement le 2 mai et ont précédemment affirmé qu’ils resteraient sur place jusqu’à ce que l’université accepte leurs demandes. Ils réclament entre autres le désinvestissement de l’université dans les entreprises profitant de l’offensive israélienne à Gaza.
La décision du tribunal rappelle que l’université a mis en place des procédures pour examiner les demandes de désinvestissement et a proposé aux manifestants un processus accéléré.
Les manifestants ont cependant déclaré qu’ils n’avaient aucune confiance dans le processus, car il repose sur des recommandations adressées au président de l’université que celui-ci peut soit suivre, soit ignorer. Ils notent que Meric Gertler a refusé de suivre une recommandation de 2016 visant à se désinvestir des combustibles fossiles, pour ensuite lancer son propre processus des années plus tard, qui pourrait aboutir à un désinvestissement d’ici 2030, soit 16 ans après que la demande a été faite.
«Les manifestants soutiennent que Gaza n’a pas 16 ans à attendre», peut-on lire dans la décision du tribunal de mardi.
L’université a initialement demandé une injonction provisoire contre le campement fin mai parce qu’il se trouve à proximité du Convocation Hall, où les cérémonies de remise des diplômes devaient avoir lieu pendant plusieurs semaines en juin. Le tribunal a fini par entendre les arguments pendant deux jours le mois dernier, alors que la plupart des cérémonies étaient presque terminées.
Aucune perturbation majeure n’a été signalée.
«Priver nos concitoyens d’espaces verts ne sert à rien»
Le juge a rendu sa décision mardi, selon laquelle, «aussi passionnés que puissent être les manifestants», ils n’avaient pas le droit unilatéral de décider comment l’espace vert du campus peut être utilisé par leur exercice de «force, d’occupation ou d’intimidation».
«Si la propriété est véritablement un espace quasi public, pourquoi un groupe ad hoc de personnes devrait-il déterminer qui peut utiliser cet espace pendant une période de plus de 50 jours ?»
«Aussi passionnés que nous soyons par l’allégement de la souffrance humaine dans le monde, priver nos concitoyens d’espaces verts ne sert à rien», a écrit le juge.
Il a toutefois rejeté les allégations selon lesquelles les manifestants du camp auraient fait une circulation de discours et de slogans de haine antisémites, accusations régulièrement dirigées contre le groupe par des organisations proisraéliennes qui avaient cherché à saper la manifestation.
Même si le juge a noté que certains propos de «l’extérieur du camp» étaient des discours de haine, aucun des manifestants du camp n’avait été lié à ces propos et ils avaient en fait pris des mesures pour retirer les messages offensants à proximité du camp quand ils sont apparus.
Le juge a en revanche cité plusieurs exemples de manifestants ayant eux-mêmes fait l’objet de commentaires haineux.
Il a conclu que le campement était pacifique et a cité les témoignages de manifestants qui l’ont décrit comme une communauté inclusive et bienveillante où musulmans et juifs avaient co-dirigé les dîners de Shabbat et partagé la prière.
Les manifestants ont fait valoir qu’une injonction constitue une atteinte majeure à leur droit à la liberté d’expression et ont souligné que les universités étaient un espace clé de protestation et de débat. Le juge a cependant estimé qu’il n’existait aucun droit d’occuper une propriété qui ne leur appartient pas.