Les membres de la diversité sexuelle demandent un meilleur soutien en santé mentale

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Les membres de la diversité sexuelle demandent un meilleur soutien en santé mentale

MONTRÉAL — Quatre personnes sur dix issues de la diversité sexuelle et de genre ont eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois, soit près de quatre fois plus que dans la population en général.

«Il est absolument crucial de passer à l’action sans délai; nous parlons ici clairement d’une situation de vie ou de mort», a fait valoir Jasmin Roy, président de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, en rendant publique, mardi, une vaste enquête pancanadienne réalisée par la maison CROP. «De telles pensées suicidaires ont un lien direct avec les violences physiques ou psychologiques que subissent les jeunes de la diversité sexuelle et de genre, violences que notre étude met en lumière. Notre sondage (…) souligne à quel point les différents paliers de gouvernement doivent réagir pour répondre à cet appel de secours. De jeunes vies sont en jeu.»

Les réponses aux questions de santé mentale préoccupent grandement la Fondation, qui note qu’une large majorité (60 %) des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre évaluent négativement leur état de santé mentale alors que 58 % jugent insuffisantes les ressources d’aide qui leur sont disponibles.

Du simple au double

En général, la proportion de gens issus de la diversité aux prises avec ces difficultés, lorsqu’on compare à la population en général, «c’est du simple au double et ça, c’est très inquiétant», signale M. Roy.

Ainsi, par exemple, les personnes de la diversité sont deux fois plus nombreuses à avoir reçu un diagnostic de dépression (49 % contre 26 % parmi la population) ou de trouble anxieux (48 % contre 26 %). Le constat est le même pour les problèmes de dépendance et des troubles alimentaires.

Or, les faiblesses du réseau de la santé en matière de santé mentale étant bien connues et documentées, on ne s’étonnera pas d’entendre le président de la Fondation déplorer que «ce qui ressort le plus cette année dans cette grande étude, c’est le problème de soutien, le cri à l’aide pour avoir beaucoup plus de support».

Plus affectés par la violence

Ces constats peuvent aussi être mis en parallèle avec le fait que les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre rapportent subir plus de violence, d’intimidation et de discrimination – particulièrement les jeunes et les personnes trans ou non binaires – que la population en général.

Les chiffres à cet effet ont de quoi faire frémir: au cours des 12 derniers mois, 23 % de la population générale au pays a vécu de la violence, tandis que pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre, ce pourcentage s’élève à 46 %. Quand on élargit la question, 69 % de la population canadienne a connu une forme de violence ou de discrimination durant le cours de sa vie complète, un pourcentage qui grimpe à 89 % pour les personnes de la diversité.

Le lieu de travail et les établissements scolaires sont des lieux à surveiller de plus près en ce qui a trait aux violences et aux discriminations, selon les auteurs du rapport d’enquête, qui notent qu’un renforcement des cours d’éducation sexuelle est soutenu tant par la population en général que par les personnes issues de la diversité.

«Les personnes trans et non binaires ne se sentent pas très bien accueillies dans les milieux éducatifs. Seulement 15 % des jeunes disent avoir été bien accueillis dans le milieu éducatif quand ils ont parlé soit de leur questionnement, leur acceptation ou leur affirmation en identité de genre. Il y a un travail de fond à faire ici», fait valoir Jasmin Roy.

Une société plus ouverte

Le portrait n’est toutefois pas peint que de noir. Ainsi, alors que le même sondage réalisé en 2017 démontrait déjà une société canadienne à l’aise de côtoyer des personnes de la diversité d’orientation sexuelle, la version 2024 montre un plus grand degré d’ouverture encore. Par exemple, la proportion de personnes se disant à l’aise de côtoyer des personnes de la diversité d’identité de genre est passée de 60 % en 2017 à 66 % en 2024.

Cependant, les perceptions d’acceptation et d’intégration de la diversité au sein de la société ne sont pas les mêmes selon que l’on en fait partie ou non. Par exemple, une courte majorité de 51 % de la population canadienne est d’avis que la situation s’est améliorée ces dernières années et seulement 14 % estiment que les choses se sont détériorées. A contrario, chez les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre, 39 % voient une amélioration, mais la même proportion, 39 %, constate plutôt une détérioration.

Une donnée qui permet par ailleurs d’évaluer d’un autre œil l’acceptation et l’intégration provient des immigrants: ainsi, parmi les personnes de la diversité ayant déclaré ne pas être nées au Canada, les deux tiers (67 %) estiment que leur venue au pays leur a permis d’exprimer plus librement leur identité de genre et/ou leur orientation sexuelle.

Le sondage CROP a été réalisé entre le 5 février et le 11 juin auprès de 1000 personnes parmi la population canadienne âgée de 18 ans et plus ainsi que de 7481 personnes canadiennes âgées de 15 ans et plus issues de la diversité sexuelle et de genre. Dans ce dernier échantillon, 1309 répondants ont indiqué s’identifier comme trans et 1625 comme non binaires. Fait à noter, 8,6 % des personnes de 18 ans et plus s’identifient à la diversité sexuelle et de genre, mais cette proportion est presque deux fois plus élevée chez les 18-34 ans (16,5 %).

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