Les petites villes du Canada sont moins bien desservies par les compagnies aériennes

Christopher Reynolds, La Presse Canadienne
Les petites villes du Canada sont moins bien desservies par les compagnies aériennes

MONTRÉAL — Au moment où le nombre total de passagers intérieurs au Canada se situe désormais aux alentours des niveaux d’avant la pandémie de COVID-19, les voyages aériens vers les petites collectivités et même les villes de taille moyenne ont diminué, ce qui a fait grimper les tarifs et a laissé certaines régions du pays moins bien connectées.

C’est le cas de la municipalité de Gander, à Terre-Neuve.

Depuis son bureau donnant sur la piste de l’aéroport international de Gander, Reg Wright peut voir tous les vols en provenance et à destination de son coin de pays.

Mais ces dernières années, ses observations d’avions se sont faites plus rares et plus espacées.

L’aéroport a perdu quatre lignes depuis 2019, dont une ligne de WestJet vers Halifax, a déclaré M. Wright. «Un tiers de nos passagers se sont volatilisés… Nous ne sommes en aucun cas rétablis.»

Selon le Conseil des aéroports du Canada, les 30 plus grands aéroports du pays ont vu leur capacité d’accueil revenir à 98 % des niveaux de 2019 en moyenne. Les 30 suivants sont à peine à 70 %.

La reprise des voyages est due à une augmentation des vols dans les grandes villes. Les volumes de vols ont augmenté de 19 % pour la ligne Vancouver-Montréal, de 12 % pour Toronto-Vancouver, de 10 % pour Calgary-Vancouver et de 51 % pour Ottawa-Calgary au cours des cinq dernières années, selon les chiffres fournis à La Presse Canadienne par la société de données sur l’aviation Cirium.

Ainsi, les tarifs aériens ont chuté de 2 à 11 % sur ces lignes malgré une inflation galopante et des augmentations tarifaires généralisées.

Cependant, le trafic aérien régional reste bien en deçà des niveaux de 2019.

Un échantillon aléatoire en dit long. Le nombre de vols directs a chuté de 49 % pour le trajet Sault Ste. Marie-Toronto, de 41 % pour Regina-Calgary et de 100 % pour Québec-Rouyn-Noranda entre mai 2019 et mai 2024. Le trajet en voiture entre ces villes durerait au moins cinq à sept heures, sans aucun arrêt.

Entre-temps, les tarifs des vols reliant ces duos de villes ont augmenté respectivement de 54 %, 16 % et 173 %, selon Cirium.

Les aéroports des communautés éloignées servent de plaques tournantes clés pour les services essentiels.

«Si vous êtes au Yukon et que vous devez vous rendre à Vancouver pour vos rendez-vous médicaux, voici les rôles essentiels… qu’il s’agisse de lutter contre les incendies, de déplacer les travailleurs de la santé, voire de mettre de la nourriture sur les étagères de nos épiceries», a déclaré la présidente du Conseil des aéroports du Canada, Monette Pasher.

Le manque d’accès aérien en temps opportun désavantage également les communautés sur le plan économique.

«L’aviation est vraiment un mur porteur qui maintient notre pays ensemble. Et il y a beaucoup de communautés rurales et éloignées comme la mienne qui dépendent entièrement du transport aérien pour avoir cette utilité économique et sociale et être des participants significatifs au village planétaire», a soutenu Mme Wright. «Les enjeux sont très élevés.»

La diminution du nombre de vols peut également compliquer les voyages de tourisme et d’affaires, allongeant la durée totale des trajets et entraînant parfois des escales épuisantes.

La pénurie de départs a incité certains voyageurs à se tourner vers le sud pour trouver des vols – au départ de Détroit, de Plattsburgh, dans l’État de New York, et de Bellingham, dans l’État de Washington, par exemple – ce qui a réduit les revenus des compagnies aériennes et des aéroports canadiens.

Changement des flottes et pénurie de pilotes

Plusieurs raisons expliquent la baisse des vols régionaux.

Pendant la pandémie, les transporteurs ont profité de l’occasion pour alléger leur flotte en abandonnant les avions plus anciens au profit de nouveaux et plus gros. Les avions plus récents sont plus efficaces, tout comme les modèles commerciaux qui exploitent moins de vols et qui transportent plus de passagers sur de plus longues distances. Un plus grand nombre de clients par voyage signifie des marges bénéficiaires plus importantes, tandis qu’un nombre réduit de décollages signifie des coûts de carburant plus faibles, puisque les ascensions en avion consomment beaucoup de carburant.

Une pénurie de pilotes, en particulier sur les transporteurs régionaux, et une augmentation des salaires contribuent également à expliquer la pénurie de services à la suite de la baisse des inscriptions dans les écoles de pilotage pendant la pandémie de COVID-19.

«On ne sort pas (les pilotes) d’un distributeur automatique. Cela prend du temps», a affirmé M. Wright.

«Lorsque les coûts des pilotes atteignent un point d’inflexion comme ils l’ont fait au cours des trois dernières années, amortir le salaire d’un pilote sur 17 sièges devient pratiquement impossible», a ajouté Duncan Dee, ancien chef de l’exploitation d’Air Canada.

La concurrence sur de nombreuses lignes a également diminué. WestJet s’est retirée de pratiquement tous les marchés de courte distance à l’est de Winnipeg pendant la pandémie. Air Canada a suivi cette tendance, restant dans le centre et l’est du Canada, tout en réduisant ses activités dans l’Ouest.

Plus de soutien demandé

Au Cap-Breton, les résidents doivent désormais passer par Montréal ou Toronto s’ils veulent prendre l’avion pour Halifax, les deux compagnies aériennes étant passées de 240 vols par mois à zéro.

«Pour la première fois en 75 ans, nous avons perdu tous nos services quotidiens», a déclaré Mme Pasher à propos de l’aéroport de Sydney, en Nouvelle-Écosse.

Elle et d’autres personnes ont exigé une augmentation du financement du Programme fédéral d’aide aux immobilisations aéroportuaires. Ce programme finance les améliorations des petits aéroports, mais sa limite de 38 millions $ est restée inchangée depuis 2000. Les aéroports réclament 95 millions $ par an.

D’autres experts affirment qu’un soutien plus direct aux vols régionaux est nécessaire, notamment au sud de la frontière. Le programme américain Essential Air Service assure des vols réguliers vers des centaines de petites communautés en subventionnant des services aériens qui, autrement, ne seraient pas suffisamment rentables pour les transporteurs, qui soumissionnent pour les contrats.

«Nous avons laissé le marché juger de la viabilité des services régionaux», a expliqué John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’Université McGill.

De retour à Gander, où la ténacité et l’hospitalité des habitants ont été connues dans le monde entier grâce à la pièce à succès de Broadway «Come From Away», qui raconte leur expérience d’accueil de plus de 6500 voyageurs à partir de 38 avions qui ont débarqué à l’aéroport le 11 septembre 2001, M. Wright fait le point.

«Les grandes foules de gens à (l’aéroport) Pearson ou à Trudeau ne racontent pas l’histoire du fait que, d’un océan à l’autre, il existe des marchés ruraux qui sont vraiment au bord du gouffre en termes de service aérien.»

Entreprises dans cette dépêche : (TSX:AC)

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires