Les petites villes peinent à s’adapter au défi croissant du réchauffement climatique

Sharif Hassan, La Presse Canadienne
Les petites villes peinent à s’adapter au défi croissant du réchauffement climatique

Les experts s’accordent largement sur le fait que les petites villes, qui disposent souvent de peu d’options pour collecter des fonds, auront du mal à s’adapter à un monde plus chaud.

«Il est certainement logique que les communautés plus petites et rurales, avec moins de ressources et moins de services en général, auront plus de mal à soutenir leurs résidents les plus vulnérables en cas de chaleur extrême», a souligné Ryan Ness, directeur de l’adaptation à l’Institut climatique du Canada.

L’impôt foncier est souvent le seul moyen pour les petites villes de lever de nouveaux fonds. Obtenir de l’argent pour de nouveaux projets, comme une rénovation majeure d’une piscine ou la construction de centres de refroidissement, nécessite généralement une subvention du gouvernement provincial ou fédéral.

Les localités rurales n’ont souvent pas la capacité de surmonter les obstacles bureaucratiques liés à l’obtention de subventions, a ajouté M. Ness.

Salomé Sané, chargée de campagne climatique chez Greenpeace Canada, a avancé que le gouvernement fédéral devrait créer un fonds d’adaptation climatique spécifiquement pour les petites villes afin de les aider à moderniser leurs bâtiments pour les rendre plus frais, à améliorer les transports et à améliorer l’accès aux informations en temps réel sur les vagues de chaleur à venir.

«Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’un investissement important… dans la préparation et l’adaptation à la chaleur extrême, qui soit parfaitement adapté aux besoins des communautés rurales», a-t-elle insisté.

Quand la seule piscine ferme

Clinton, une communauté d’environ 3 000 habitants située à environ 200 kilomètres à l’ouest de Toronto, est confrontée aux mêmes défis climatiques que les grandes municipalités, mais souffre davantage parce qu’elle n’a pas «les poches profondes», a pointé un des habitants.

Randy Marriage était un habitué de la seule piscine de sa ville natale lorsqu’il grandissait, se rafraîchissant avec des amis les jours d’été. Ses petits-enfants n’auront pas la même chance.

Malgré des étés plus chauds et des vagues de chaleur plus intenses, en partie induites par le changement climatique d’origine humaine, les autorités locales ont décidé de fermer la seule piscine de la petite localité de Clinton, dans le sud de l’Ontario, en invoquant ses coûts élevés de rénovation et d’entretien.

«C’est une terrible décision de fermer cette piscine», a déclaré M. Marriage, 58 ans, résident de Clinton depuis toujours, debout près d’une pataugeoire à côté d’une piscine désormais sans eau. «Notre conseil essaie de nous dire, vous savez, que tout va bien, a-t-il ajouté. Tout ne va pas bien.»

Clinton fait partie de la municipalité de Central Huron. Jim Ginn, maire de Central Huron, a annoncé que la Ville ne dispose pas de suffisamment de ressources pour relever le défi climatique à venir.

Jusqu’à présent, la pataugeoire et le centre de refroidissement de la communauté se sont révélés suffisants pour faire face aux épisodes de chaleur extrême, a indiqué M. Ginn, mais il a admis que la municipalité n’était pas préparée à un avenir avec des étés plus chauds et plus intenses.

«Tant que les ordres supérieurs du gouvernement ne feront pas une priorité de nous financer davantage, nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus», a-t-il déploré.

La seule piscine de Clinton a été initialement fermée en 2020 à titre de mesure temporaire pendant la pandémie de COVID-19. Elle a rouvert en 2021, mais a fermé à nouveau en 2022, car l’installation avait besoin de réparations. Le maire Ginn a révélé que la décision de fermer définitivement la piscine avait été prise le mois dernier par le conseil local, qui a déterminé qu’il ne pouvait pas se permettre les plus de 5 millions $ nécessaires pour rénover et rouvrir la piscine.

Le maire a indiqué que le conseil avait demandé aux résidents de donner leur avis avant de prendre la décision, mais n’avait pas obtenu de retour.

«Tout a explosé» après que la décision a été prise, a-t-il ajouté.

Le vote du conseil pourrait être annulé si la municipalité obtenait un financement, soit par le biais d’une collecte de fonds publique, soit par des subventions gouvernementales, pour couvrir une partie du coût des rénovations nécessaires à la réouverture de la piscine, a précisé le maire.

Stacey Petteplace, qui a déménagé à Clinton il y a près de dix ans, a fait savoir que la fermeture permanente de la piscine obligeait les résidents à se rendre dans les villes voisines en voiture pour se baigner, ce qui constitue un problème pour ceux qui n’ont pas de véhicule.

«Nos enfants avaient besoin que nous leur donnions cet espace sûr, afin qu’ils aient un endroit où se rafraîchir en été», a-t-elle dit. «Nous avons échoué à le faire.»

Angelee Bird, une autre résidente de Clinton, a fait remarquer que la perte de la piscine signifie la perte d’un moyen par lequel les résidents de la communauté auraient pu trouver un certain soulagement pendant les étés chauds.

Lorsque son immeuble est tombé en panne de courant lors d’une vague de chaleur en juin, Mme Bird a noté qu’elle avait de la chance d’avoir des membres de sa famille à proximité chez qui elle pouvait passer la nuit. D’autres n’auront peut-être pas beaucoup d’options, a-t-elle indiqué.

«Tous les résidents de notre bâtiment étaient à l’extérieur, assis sur l’herbe, parce que c’était le seul moyen de se rafraîchir», a raconté cette mère de deux enfants, âgée de 28 ans.

D’autres municipalités plus chanceuses

À Seaforth, en Ontario, un peu au nord de Clinton, le moral s’est amélioré après l’ouverture de la première et unique pataugeoire de la ville le mois dernier.

Dean Wood, qui a dirigé le projet, a mentionné que les entreprises locales et les résidents avaient collecté 330 000 $ pour le construire.

M. Wood a relaté qu’il avait l’habitude de conduire ses enfants vers des pataugeoires dans les villes voisines lorsqu’ils grandissaient, des voyages que ses proches et d’autres personnes à Seaforth n’ont plus à faire.

«C’est un spectacle magnifique à voir, car chaque fois que vous entrez dans le parc par une chaude journée d’été, l’aire de jeux d’eau est utilisée», s’est-il réjoui.

Nicole Ward, qui a récemment visité l’aire de jeux d’eau avec son enfant et ses amis, a confié que les résidents de Seaforth se sentent chanceux d’avoir un endroit où ils peuvent s’arrêter pour se rafraîchir.

«Nous adorons ça, c’est très familial, a-t-elle dit. Nous avons une belle et grande piscine et une pataugeoire. Notre ville a plus de chance que d’autres endroits qui n’ont pas autant de fonds pour construire des installations pour se rafraîchir.»

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